Archives ou correspondance inédite de la maison d'Orange-Nassau (première série). Tome VIII 1581-1584
(1847)–G. Groen van Prinsterer– Auteursrechtvrij
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†Ga naar voetnoot1 Lettre MCXLVII.
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Ga naar margenoot+puis asseurer d'avoir de tout cecy receu fort grand desplaisir, tant pour les inconvéniens que la Chrestienté en général en pourra recepvoir, que pour les maulx apparens à survenir en nos affaires de par deçà. Car vous ne sçauriez jamais croyre combien les Papistes, malvueillans et Espaignolisez, que nousGa naar voetnoot1 pardeçà aient de tout cecy sçeu faire leur prouffyct. Et cela d'aultant plus que voyans que aulcuns de la religion et principaulx des magistrats faisoyent partout publier, que les princes et villes protestantes d'Allemaigne estoyent résolus de deffendre et maintenir par ensemble et de commune main ceulx de la religion, à quelque pris que se seroit, et que ny pour offense ou indignation que l'Empereur ou aultres Potentats en pourroyent prendre, ils ne quicteroyent ceste entreprinse, ny laisseroyent de poursuivre icelle jusques à la fin, mais que, pour confirmer ceste résolution et pour faire paroistre à tout le monde leur bien disposée volunté, ils estoyent délibérés d'assister l'Évesque de Couloingne de tout leur pouvoir et moiens, ayans à cest effect unanimement choysis la personne de Monsieur le Duc Casimir pour chieff de ceste guerre, avec délibération ferme et bien résolue, comme il sambloit, que les dicts princes et villes ne quicteroyent telle entreprinse, jusques à ce que la Religion seroit plantée et bien asseurée partout; y adjoustans, pour d'aultant plus confirmer ung chascun en ceste opinion, que, comme l'argent est le nerff de la guerre, les dicts princes et villes protestans ayans faict une bourse commune, avoyent advancé sept mois de payement, afin qu'ayans si bien pourveu à tout, ils eussent eu moyen de donner d'aultant | |
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Ga naar margenoot+mellieur ordre à leur faict et tenir toute bonne discipline entre leurs gens de guerre. Or les Papistes et Espaignolisez estans encoires parmy nous, et de leur naturel fins et rusés plus que nous aultres, voyans ung chascun des nostres prester l'oreille à telz et semblables bruycts en apparence si spécieux, se persuadoient estre parvenuz à ce que de long temps ils avoient aspiré, et sçaichans ce pendant fort bien, tant par les intelligences qu'ilz ont à tous costés, que par leur expérience au maniement des affaires, que tous ces bruycts n'estoyent que songes et imaginations, accompaignez d'une vraye tromperie pour tous ceulx qui s'y fieroyent, ne vueillans perdre l'occasion qu'ils estymoient si bien servir à leur desseing, sçeurent par grands artifices tellement exaulcerGa naar voetnoot1 et aggrandir ce faict, que, pour donner lustre à leur dire, eulx mesmes persuadoient à tout le monde, que, veu ceste grande entreprinse des protestans d'Allemaingne, les papistes de ces pays estoyent perdus, que le Roy d'Espaingne ne pourroit résister contre telle et si grande armée des dicts protestants, et pourtant qu'il ne restoit sinon s'addresser aux Princes et Seigneurs de la religion, et que nous aultres n'avions plus besoing de faire aulcune alliance ou amitié avec quelque potentat n'estant point de nostre religion; qu'on debvoit casser tous gens de guerre estrangiers, tant pour espargner l'argent, que pour faire cesser les tailles et subsides, que davantage il ne nous estoit besoing de faire aulcune nouvelle levée des gens de guerre, puisque, comme finement ils faisoyent courrir le bruyct, les princes et villes protestans nous en furniroyent assés, sans aulcune charge ou despense nos- | |
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Ga naar margenoot+tre; y adjoustans, pour tousjours faire approuver de plus en plus leur dire, que la Royne d'Angleterre, voyant ceste belle résolution des princes d'Allemaingne, se joindroit avec eulx; et sçeurent enfin si bien jouer ceste farce et par telz et semblables artifices abbreuver le povre peuple de vaine espérance, qu'ung chascun y presta bien attentivement l'oreille, sur l'espoir que les ungs concevoyent d'estre incontinent délivrez de ceste guerre, les aultres des impositions, tailles et subsides, aultres aussy des soldats estrangers. De façon que, sans avoir aultrement esgard à ceulx desquelz ces bruyctz et miz en avant procédoyent, a esté pardeçà résolu de se dépescherGa naar voetnoot1 incontinent de tous gens de guerre estrangiers, sans apparence, ny voulonté de faire nouvelle levée de gens de guerre, ny de dresser aulcune forme de gouvernement, comme aussy il n'y en a encoires maintenant, s'estant chascune province voulu garder elle mesmes, chassant et cassant partout les gens de guerre, tant naturels qu'estrangers, s'attendans et se reposans tousjours à la venue de l'armée des seigneurs et villes protestants; toutes lesquelles menées et façons de faire nous ont en finGa naar voetnoot2 causé la perte de unze ou douze bonnes, belles et fortes villes, par dessus la meilleure partie de Flandres, assçavoir du pays de Waes, lequel, pour le desgast précédent des aultres pays, donnoit principalement nourriture aux pays de Brabant et de Flandres; laissant encoir à parler, pour l'extrême regret que j'en ay, de la perte que par mesme moien nous avons faict de cent églises reformées et davantaige, avec plusieurs passaiges et aultres places d'importance; tellement qu'au lieu de vingt | |
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Ga naar margenoot+bonnes villes que nous tenions en Flandres, n'y avons présentement que six et la povre ville d'Ipre, laquelle, passé desja six mois, demeure assiègée, pour n'y avoir moien de la secourrir, veu que, par la perte de plusieurs villes et une grande estendue de plat pays, nous est osté le moien d'y mener armée. Or, estans nos affaires en tel estat et venant par dessus cela aux oreilles de la Commune que sans ultérieur espoir du costel d'Allemaigne, tout secours et ayde des princes et villes protestants soit [foiblie]Ga naar voetnoot1, vous pouvez, Monsieur mon frère, facillement juger de quelz maulx et inconvéniens cela nous menasse, faisant assez à présumer, que, comme les papistes et Espaingnolisez ont sçeu cy devant et lors que ces choses sambloyent avoir toute bonne apparence et espérance, si bien faire leur prouffict, ils le feront à l'advenir encoir davantaige, veu le maigre succès qu'elles ont prinses et le peu qui s'y est effectué; se persuadans par cela estre présentement parvenus à leur prétendu, prenans du moins plus grande hardiesse de parler hault, ayans de longue main tellement sçeu dresser leur practycques, qu'il y a desja bonne espace que l'on ne tient pardeçà quasi propos que de réconciliation et paix avec le Roy d'Espaigne, et cela mesme avec instance et démonstration bien ouverte de la désirer sur toutes choses, estant venus les affaires si avant, voire entre aulcuns s'estans tousjours reclamés d'estre de la religion, jusques à dire et publier tout ouvertement qu'il vault beaucoup mieulx de se réconcilier et s'accorder avec le Roy d'Espaigne, obtenant tant seullement permission de la conscience, que ayant exercice libre de la religion, demeurer plus longtemps | |
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Ga naar margenoot+en guerre. Desquels propos (oires qu'assez mal advisez) aulcuns ne se contentans, sont encoires si effrontés d'y adjouster et dire, que, puis que nous debvons estre tyrannisez, qu'il est plus raisonnable de le supporter de la mère, que de la marastre; dont vous pouvez facillement conjecturer combien tels et semblables propos, encoires qu'ils soyent plains de fard et tromperies, servent à desbaucher le povre peuple, qui la plus part ne juge que des évènemens et de ce qu'il voit. Cependant toutesfois, Monsieur mon frère, tant s'en fault que cela m'ait aulcunement intimidé ou en quelque façon altéré mon affection à l'advancement de la gloire de Dieu et bien du pays, que je vous puis au contraire asseurer de n'avoir, non obstant tant de traverses, rencontres, et désordres, délaissé, comme aussy je ne délaisse encoires, d'encouraiger tout le monde et de parler librement et ouvertement de tout ce que, pour le maintènement de la religion reformée, bien, liberté et conservation du pays, je treuve appartenir, et je puis sans vantise dire, avec bonne conscience devant Dieu et les hommes, de m'estre tellement en tous endroicts acquité en tout ce qui povoit concerner le bien de nos affaires, que je m'asseure assez qu'elles ne seroyent venuz aux termes ausquelz nous les voyons présentement réduictz et n'aurions aussy eu les pertes de tant de villes, plat pays, et places fortes, si l'on auroit voulu croire et se conformer à mes conseils: mais, puisque nous sommes venus à l'estat que je vous ay déclairé cy-dessus, et que je ne vouldroys de mon costel obmectre aulcune chose qui pourroit servir au redressement de nos affaires, je vous prie, qu'après avoir mis le tout en bonne considération, vous vueillez, par toutes les com- | |
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Ga naar margenoot+modités que se présenteront, me faire entendre vostre bon advis et de tous ceulx qui nous sont amys par de là, sur ce que nous aurons à faire et comment vous estimerez que nous debvrons gouverner en ce faict; car je seroys marri qu'on vouldroit à l'advenir m'imputer la perte du pays, laquelle toutesfois, pour vous parler rondement, je vois bien proche, si avant qu'il n'y soit en temps pourveu, et ne fault point estimer de contenir plus long temps le peuple par parolles, remonstrances, ou inductions, ne soit que d'ung chemyn les effects s'ensuyvent et que de faict il puisse veoir les moiens, par lesquelz on le veult assister. Nous n'aurions par deçà encoires faulte de moiens, si, par les mauvais offices des papistes et Espaignolisez, les bons ne fussent non seulement intimidez, mais aussy du tout destournez de leur debvoir et office, et d'aultant que ce n'est rien de mettre en avant les inconvéniens qui peuvent ensuyvre d'ung conseil et d'ung tel, car il est facile à ung chascun, mesmes n'aiant trop grand entendement, de ce faire; pour ces raisons je vous prie de me faire ce bien, me donner ouverture pour asseurer ce peuple, intimidé desja assez pour ses propres pertes, mais encoires plus voiant le succès de Couloigne tourner comme vous m'escripvez. Surquoy toutesfois ilz avoient esté si hien induicts par gens venant d'Allemaigne et mesmes par aulcuns théologiens, qu'ilz ne vouloient ouir parler d'aultre conseil, et mesmes ont rompuGa naar voetnoot(1) les bonnes délibérations des Estats et les miennes, par lesquelles il avoit apparence de pouvoir aider, tant à Monsieur l'Électeur de Couloigne, qu'à ces pays. Et en atten- | |
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Ga naar margenoot+dant sur ce vostre advis et conseil, je prieray Dieu vous donner, Monsieur mon frère, en bonne santé, heureuse vie et longue. De Delft, ce 22 de febvrier 1584. Vostre très-affectioné frère à vous faire service Guillaume de Nassau. |
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