Archives ou correspondance inédite de la maison d'Orange-Nassau (première série). Tome VIII 1581-1584
(1847)–G. Groen van Prinsterer– Auteursrechtvrij† Lettre MCXXXIV.
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Ga naar margenoot+augmenter, cela me mect en doubte que Dieu n'aye bendé les yeulx à vostre délivrance, pour donner aux dits partisans de quoy jouir du fruict de leur proposition et labeur. Sur quoy, Messieurs, espérant que ne le trouverez mauvais, n'ay sçeu patienter sans vous exhorter, au nom de ce grand Dieu, que despouillez toute passion en considérant ce dangier quy vous presse, et embrassez cest affaire sy promptement, sy religieusement, équitablement et courageusement, que le pouvre peuple de cest Estat, quy se remect à vous, ne soit poinct livré ès mains de celuy ou ceux desquelz il est certain qu'il n'y a poinct de miséricorde, veu ce quy s'est faict; et vous faire entendre, Messieurs, que son Alteze continue en extrême desplaisir de ce quy a passé, aiant faict tout ce que a peu en très-grande patience, quy ne poeult rendre d'icy en avant sa cause que équitable devant Dieu et les hommes. Ainsy, Messieurs, que je suys constrainct (suivant mon pouvoir et debvoir) m'estendre plus avant, affin que sur ce dernier discours chacun aye clerement intelligence du bien et raison, quy en partie poeult justifier ou condemner ces choses passées. Il n'y a aucun quy n'aye veu ou entendu la façon douce, bonne et très-facile de son Alt., arrivant en cest Estat. Ce quy auparavant a tousjours esté cogneu de tous ceulx quy l'ont servy et fréquenté, soit pour traicter, négocier, ou en toutes aultres actions, par lesquelles on peult cognoistre la bonté d'un Prince, et mesmes par Mess. vos députez envoyez en France, lesquelz l'ont hanté, par l'espace de noeuf mois ou environ, quy est pour cognoistre l'humeur qu'un Prince poeult avoir, et y estans receuz en la privaulté qu'ilz estoient; mais je diray que les grandes patiences, bontez et douceurs s'aigrissent et changent avec- | |
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Ga naar margenoot+ques les occasions. Or, Messieurs, je vous supplieray me pardonner si je parle en franchise. Il n'est plus temps de se flater; nous sommes trop prez d'un dangereux période, tant pour le dangier d'une entière ruine pour cest Estat que pour faire paroistre les bonnes actions de son Alt. et deffendre sa réputation, que tant ont volu et veullent encoires endommager, voires celle de la nation Franchoise. Messieurs, il ne se peult nyer que son Alt. n'aye esté receu aultant honnorablement en cest Estat que Prince quy y eust peu venir, mais depuis aussy il n'a esté obéy ne assisté (possible) comme la grandeur, l'affection et le zèle et les moyens qu'elle y a apportées méritoient. Que je veuille dire que cela eust mérité ce quy est advenu, non, car je vouldrois qu'il m'eust cousté de mon sang qu'il n'en eust rien esté. Une altération par événemens non espérez enflamme les humeurs des meilleurs pour les tourner à effects extraordinaires, mais le bon naturel est plus prompt à se recognoistre, voire quelque mal quy luy advienne, pour s'en repentir et reprendre, par icelluy bon naturel, ung prompt et sainct remède pour rabiller les choses mésadvenues. Il se cognoyt donc assez clairement, Messieurs, que Son Alt. a eu ung entier regret de ce quy est advenu, et, comme estant bon, a voulu depuis, par tout ce qu'il a peu, comme j'ay dict ailleurs, vous rechercher, comme encoires il faict, bendant les yeulx à tous aultres partiz, quy luy pourroient estre présentez, ne voulant songer à l'authorité, aise et repos qu'il peult avoir en France, où il est, sans se mettre en danger de courréGa naar voetnoot1 vostre trèshazardeuse fortune, ne craindre de se continuer ennemy | |
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Ga naar voetnoot+d'ung si grand Prince et de beaucoup d'aultres contraires à ceste entreprinse, pour ne manquer à la foy qu'il vous a jurée. Ce que n'ont faict les aultres Princes quy ont eu le naturel plein de cruaulté, lesquelz, quelque recherche qu'on leur aye sceu fayre, n'ont rien volu acquiescer, mais persévérer, jusques à la ruyne de ceulx qu'ilz disoient les avoir offensez, faisant assez paroistre n'y avoir en eulx nulle miséricorde. Son Alt. n'en a usé comme cela, car veult faire et faict tout son mieulx. Au contraire, Messieurs, plus il vous recerche et plus il semble que le desdaignez. Il est accusé d'avoir de mauvais conseilliers. Messieurs, je vous supplieray considérer combien il y en a dans aucunes villes lesquels aujourdhuy possèdent les peuples, mainent beaucoup des affaires. Que font-ils? que procurent-ils? N'estce pas de vous mectre ès mains de voz ennemiz? Ne sontilz pas creuz de beaucoup? quoyque manifestement on cognoise qu'ilz vendent l'Estat à deniers comptans, en voit-on pugnir ung, voire en aucuns lieux forclore du maniment des affaires? Les Princes en ont, lesquelz bien souvent font du mal, pour leur penser complaire et aultrement; je ne les veulx excuser, mais fort blasmer, et que Dieu volust qu'il ne leur approchast aucun conseillier quy ne leur parlast en équité de ce quy est de leur grandeur, bien et réputation. C'est aussy possible que Dieu l'ordonne ainsy pour noz péchez, à quoy je veulx dire qu'il fauldroit remédier de tous costelz où le mal se treuve, et principalement ceux à quy le besoing et nécessité touche le plus, somme qu'il semble que c'est l'injure du temps quy le voeult ainsy, prennant l'authorité qu'ils font en leurs entreprinses. N'estudient-ils journellement à rendre odieux | |
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Ga naar margenoot+son Alt. et les Françoys, au lieu d'adoucir les choses, comme bons patriots, plus enclins à appaiser ung différent sy important au bien de l'Estat, que rendre tout au désespoir pour se perdre; desquels Franchois vous avez tiré tant d'utilité et services, comme sans passion, Messieurs, il se poeult dire que l'authorité de son Alt. a conservé en partie cest Estat jusques à maintenant, pour la crainte qu'ont eu voz ennemiz que la France entièrement se bandast contre eulx..... Je vous demanderay, Messieurs, où est-ce que aucun Franchois vous a faict signalée trahison, rendu vos villes sans bresche raisonnable, comme ont fait et font journellement ceux de vostre nation en sy énormes effectz que j'ay horreur d'y penser? Et de tout s'en faict-il reproche ny chastoy? Non vrayement, mais ce sont les fidelles et ceux en quy on se fie. Or doncques, Messieurs, depuis ce qui est advenu à Anvers et auparavant, les Franchois n'ont-ilz pas tousjours esté prestz à s'employer à vostre salut? Si l'eussiez volu, ne conservoient-ilz pas ce qu'avez perdu et conserveroient encoires le pays de Waes et aultres lieux où les ennemis entrent? Seriez-vous à demander secours? c'est ung mauvais préjugé quand les yeulx sont tellement bandez qu'on ne poeult aymer son bien et, qu'en despit de toutes bonnes raisons, on y recerche le mal. Les Françoys, Messieurs, de tout temps ont eu la réputation de francqz et loyaulx et ne se treuve poinct au contraire; non qu'en ung tel royaulme il n'y en aye quelque méchant, il est trop grand, mais, pour la généralité, ilz ont esté estimez de toutes nations pour ce regard...... Nous conclurons doncq que son Alt. est nostre Prince, | |
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Ga naar margenoot+suivant les traictez faictz avecques luy. Sy vous désirez rendre force à voz privilèges, aiant ce droict, il ne s'en départira, s'il ne luy plaist, car il luy est acquis; quand il se retirera, il n'en peult estre accusé, car il s'est offert et s'offre à tout ce qu'il poeult. Il vous recherche, il ne demande que les effectz de voz promesses..... Faict à Dordrecht, le 3me jour de novembre 1583. R. de Sorbies. |
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