Archives ou correspondance inédite de la maison d'Orange-Nassau (première série). Tome VIII 1581-1584
(1847)–G. Groen van Prinsterer– Auteursrechtvrij† Lettre MCXXIII.
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Ga naar margenoot+Très-chers, très aymez et féaulx! Je ne vous puiz dire avecq quel extrême regret et desplaisir j'ay entendu la mauvaise nouvelle de la prinse de Dunkercque, ne vous pouvant céler qu'ayant usé de diligence de vostre part de faire acheminer l'armée aux environs de Nieuport, y pourvoyant par la mer, comme vous en avois prié par toutes mes dépesches, si elle ne se feust garantie, à tout le moins les ennemis ne l'eussent pas emportée de longtemps, et poeult-estre que mes forces eussent esté telles que, me présentant du costé de Gravelines, il y eust eu moyen de la garandir. Si vous laissez toutes choses à l'abandon, dédaignant ce quy est de vostre propre bien et salut, je ne puis penser que ceux quy n'y ont pas tant d'intérest, se veullent embarcquer à vostre secours, quelcque bonne volunté qu'ilz en ayent. Je sçay bien qu'il estoit très-difficille de la sauver par l'endroict qu'elle a esté battue, ayant tousjours tenu le costé du havre pour mauvais, parce que la bresche ne se poeult en sorte quelconcque deffendre pour estre entièrement commandée et par teste et par courtine; mais quant on gaigne quinze jours en telles choses, c'est un grand advantaige et plus de réputation: pour cela je ne perds poinct couraige, pourveu que de vostre costé vous veuillez ayder et faire démonstration apparente et certaine en envoyant voz députez et parachevant nostre traicté de me vouloir pour Prince avecq la dignité quy m'appartient. C'est le vray moyen de faire résouldre le Roy mon seigneur et frère à vostre secours, quy jusques icy est demeuré fort refroidy et lent en icelluy pour ceste seule considération, croyant certainement que vous avez faictGa naar voetnoot1 d'entretenir voz promes- | |
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Ga naar margenoot+ses et le traicté, espérants en gaignant le temps, voyant quelque prospérité en voz affaires, vous en despartir entièrement: ne voulant aultres juges que vous, si nous avons eu l'occasion de le penser et croire ainsy, veu les longeurs dont vous avez usé en voz affaires et le mauvais traictement qu'ont receu les gens de guerre, principallement les Françoys et Suysses, dont la pluspart sont mortz de faim, ce quy continue encoires, qui refroidist entièrement les gens de guerre que l'on ne s'en poeult servir, et vous voyez le dommaige quy en advient, prévoyant encoires pis, s'il n'y est par un meilleur ordre promptement remédié; ne vous pouvant céler qu'il est très difficille de faire croire, mesprisant ce quy vous touche de sy près, que vous ayez beaucoup de volunté de vous voir délivrez du mal et dangier quy vous est préparé à vostre seul deffault, et par tant je vous prie de me vouloir donner advis certain quelle est vostre délibération, afin que, sans plus perdre temps, j'advise à me résouldre à quelque party salutaire, vous asseurant que celuy auquel je suis entré à vostre prière et requeste, me sera tousjours plus agréable que nul aultre, ainsy que je vous le fairé paroistre à toutes les occasions quy s'offriront, pourveu que de vostre part vous veuillez y apporter... De St. Quentin, ce 22 jour de juillet 1583. Françoys. A noz très-chers, très-aymez et féaux les Srs des Estats-Généraulx des Provinces Unies des Pays-Bas. |