Archives ou correspondance inédite de la maison d'Orange-Nassau (première série). Tome VIII 1581-1584
(1847)–G. Groen van Prinsterer– Auteursrechtvrij† Lettre MLXXXI.
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Ga naar margenoot+ce pays, avecq lequel j'ay eu, par le commandement de Msgr le Prince, plusieurs conférences, et d'aultant qu'aulcunes sont de telle conséquence qu elles appartiennent au fait de la Couronne d'Angleterre, je n'ay voullu faillir de vous en advertir, et vous prierai me faire cest honneur de m'en donner responce; car j'espère que nous en pourrons tirer quelque fruict, tant pour l'asseurance de toutes les Eglises, que des Royaumes de France, d'Angleterre, et des Païs-Bas. Premièrement je vous dirai qu'il me semble son ambassade avoir esté à trois fins, l'une de recognoistre l'estat du païs, et quelle affection on portoit à son Altèze, asçavoir si elle estoit vraie ou simulée; le second d'exhorter Monsr le Prince à prendre les affaires de son Alt. à coeur et d'avoir soing de sa personne; le troisiesme, de remontrer les extresmes insolences et cruaultez des gens de guerre qui pillent et [bouleversent] la France, soubs umbre de venir au secours de son A. Il me semble qu'il luy a esté très-bien satisfaict au premier et au second poinct, et quant au troisiesme, on en a tellement traicté que le Roi a envoié argent comptant, affin qu'on donne aux soldats passants par la Picardie, à chascun deux escus, à condition qu'ils passeroient an petites trouppes et paieroient leurs hostes. Il s'est passé plusieurs propos touchant les nations estrangers et le moien de s'y gouverner; tant y-a que je n'ai peu observer rien aultre chose qu'une bonne affection du Roy, une très-bonne de la Roine-mere, et une trés-affectionnee de la Roine de Navarre. Nous avons beaucoup parlé des affaires d'Angleterre, mais le tout de ses propos me sembloient revenir à deux chefs, asçavoir que de long temps les Espaignols eussent bien voulu praticquer que le Roi se fust | |
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Ga naar margenoot+tenu quoi, pendant qu'ils eussent exécuté leuŕs entrepri- ses sur l'Angleterre, et qu'ils ne faisoient difficulté de l'exécuter, tant pour raisons de leurs grandes forces, que pour l'intelligence qu'ils avoient dedans le païs, et pour les troubles qu'ils eussent suscitez pour le faict de la Religion; que le Roy de France en avoit quelquefois esté tenté, à raison, comme il disoit, qu'ilGa naar voetnoot1 se veoit asseuré de l'amitié de la Roine, mais que l'intérest que la France auroit, si l'Espaignol devenoit si puissant, et mesmes aiant réduit ce païs, ce qu'il feroit aisémènt, s'il avoit l'Angleterre, et d'aultre part l'obligation que la Couronne de France avoit au feu Roi Henri VIII, qui rompit son alliance si [à] propos avecq l'Empereur, quand le Roi fust pris, que cella les avoit faict réduire a ceste conclusion de ne le souffrir; voire mesmes si le Roi d'Escosse rompoit avecq la Roine, qu'ils se déclareroient contre lui, sachants bien qu'il ne le fera jamais sinon sur l'espérance qu'il aura de l'amitié de l'Espaigne. Et sur ce poinct nous avons eu plusieurs propos; il m'a mesmes confessé que ce n'est pas sans cause que vous redoubtez les entreprises de M. d'Aulbigni, et vous puis asseurer, Mr, que sur cest article et aultres, je n'ai obmis de ce que j'ai pensé pouvoir servir (comme je m'y sen tenu et obligé) au service de la Couronne d'Angleterre. De ces propos, traictants de la grande puissance et intelligence du Roi d'Espaigne, nous sommes tombez à traicter des moiens qu'il y auroit de s'asseurer à l'encontre, et avons trouvé l'un et l'autre que la bonne amitié du Roi, de la Roine vostre maitresse, et de son Alt. estoit nécessaire; il m'a fort prié de faire tant envers son Exc. qu'elle empesche | |
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Ga naar margenoot+ceuls qui vouldroient mettre division entre les frères; à quoy je lui ai respondu que s. Exc. n'est pas si mal advisée qu'elle ne sache assez que l'amitié du Roi est plus nécessaire à son Alt. que rien qui soit en ce monde, et que jamais on n'eust conclud avecq lui, sans cest espoir qu'il y auroit amitié, au moins quand les contracts seroient exécutez, mais qu'il estoit nécessaire que de leur part ils fissent le semblable vers la Roine; là-dessus il me fist plainte, à sçavoir du mariage, et qu'il lui sembloit que de vostre part vous ne parliez point ouvertement et que le Roi accordoit tout ce qui lui est demandé, mais qu'il y avoit tousjours quelque chose à dire, tellement qu'on n'en pouvoit venir à la conclusion. Sur quoy il me pressa de lui dire ce qu'il m'en sembloit debvoir advenir; je lui respondi qu'aultrefoys j'avoi esté en grand doubte s'il se feroit ou non, mais qu'à présent je pensoi qu'il ne se feroit point, parceque, s'il n'y eust point eu d'empeschement, que ce fust esté faict par ci-devant. Il me sembla entrer en doubte, si le mariage ne se faisoit point, si l'amitié demeureroit bonne; il me fit assez cognoistre qu'il le désiroit bien fort et me fist là-dessus de fort beaux et sages discours: je lui respondi que, puisqu'il me parloit si franchement, que je lui diroi aussi ce qui me sembloit empéscher les Anglois de parler ouvertement. Premièrement, que je ne pense point qu'on peult persuader, sinon avecq une très-grande difficulté, à la Roine d'entrer en guerre ouverte avecq le Roi d'Espaigne, parceque s'estant trouvée si bien et si longtemps d'avoir la paix, que difficilement en cest age elle vouldra changer de façon de vivre, et que par advanture il n'estoit pas seur pour l'Angleterre de mettre les armes entre les | |
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Ga naar margenoot+mains de ceuls qu'il fauldroit nécessairement emploier, et pour tant que le meilleur seroit de ne point par trop en solliciter sa Maté, et qu'avecq peu d'aide que pourroit faire la Roine, le Roi et son Altèze sont forts assez pour tenir en bride le Roi d'Espaigne, mais qu'il estoit du tout nécessaire de bien asseurer la Roine et Messieurs de son Conseil, ce que les François n'avoient jamais bien faict, mais avoient tousjours traicté ainsy les Anglois finement et non point ouvertement, au moins que les Anglois le croioient ainsi, et qu'il n'en debvoit doubter, car je le sçavoi très-bien; sur quoi je luy alléguai plusieurs choses et n'oubliai à toucher la Maison de Guise et ses alliez et parentz, et les menées d'Escosse; il me respondit qu'il ne pouvoit nier que ceuls de Guise n'eussent crédit en France, et trop grand, et qu'ils le monstrèrent bien à l'entreprise sur Strasbourg, mais que leur crédit estoit plus petit vers le R.Ga naar voetnoot1 qu'on ne pensoit: il me pria de le croire, m'asseurant qu'il le sçavoit bien, adjousta que les Princes du sang en partie en sont cause, mais qu'il s'asseure que, la paix demeurant en France, comme il veoit le Roi et le Roi de Navarre y estre très-bien disposés, que les Princes tiendront leur rang et qu'il n'y aura pas grand danger de ceste part à l'advenir. Quant à l'Escosse, il me dict que le Roi n'y avoit aulcune practicque, et qu'il avoit esté mal content de ce que le Roi d'Escosse avoit presté l'oreille au Roi d'Espaigne, et me pria, sachant que vous, Monsieur, de vostre grâce me portez amitié, que je vous escrivisse qu'il estoit tellement asscuré de la volonté de son maistre que la Roine ne pourra demander juste assuerance, quelque qu'elle puisse estre, | |
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Ga naar margenoot+que le Roi ne lui accorde, et qu'il ne soit prest de Iever tout soupçon de toute deffiance; je lui respondi que je me sentoi obligé aux Royaulmes de France et d'Angleterre, et aux Païs-Bas, tellement que je ne sentoi en lieu du monde aulcune obligation sinon en ces trois, et que je m'estimerois bien heureux si devant ma mort je pouvoi veoir ces trois païs en bonne amitié, car je le les tiendrai pour invincibles, et s'il pensoit que, vous en escrivant, je feroi service à la Couronne de France, je le feroi. Cependant, s'il lui plaisoit me faire quelque ouverture des asseurances, que j'en serois bien aise; il me dict que vraiement je feroi service à la France, et qu'il me prioit de lui mander ce que j'en entendroi, mais qu'il ne scavoit point plus grande asseurance, sinon de faire entrevenir son Alt. et ces Païs de par-desà, avecq lesquels il pensoit que la Roine, tant pour les serviteurs qu'elle y a, que pour la nécessité des commerces et pour l'inclination du penple, y auroit tousjours grande amitié et des coeurs enclins à son service, tellement que si le R. se vouloit tant oublier que d'aller contre sa volonté, ce qu'il s'asseuroit qu'il ne feroit jamais, si est-ce que la puissance de la Roine et de son Alt., tant en ce païs qu'en France, donneroient trop d'affaires au Roi; je lui dis que cela me sembloit assez bien fondé, mais, d'aultant que le Roi et son Alt. sont frères, que cela pourroit engendrer soupçon; toutesfois aussi tost nous remettant en mémoire le premier Duc de Bourgoingne, qui estoit filz et frère de France, nous résolusmes qu'il est bien mal aisé, voire quand à moi je le juge imposible, que ces païs endurent jamais que leur Seigneur facent mal à l'Angleterre. Voilà, Monsieur, le sommaire de nos discours que nous avons | |
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Ga naar margenoot+eu par diverses fois, que je vous ai bien voulu escrire pour y adviser et, si j'y peus servir en quelque chose, je m'estimerai avoir fait mon debvoir. Quant à l'estat de ce païs, Auldenarde est encores assiégée et me semble que les ennemis n'y ont encores faict grand mal: nos reittres sont à Cambrai avecq sept ou huit-cens chevauls François; ils attendent des gens de pied pour s'acheminer ençà: le Roi d'Espaigne est délibéré d'envoier deux tiers d'Espaignols naturels et treize cornettes de Naples, il lève six-mil lanskenets pour envoier ensuite et, si le Turc ne vient, il les envoiera deçà, il n'arme point par mer contre Don Antoine, il a une forte armée en Portugal, mais les isles qui tiennent pour lui, sont fort mal défendues. - Je me recommande humblement à vos bonnes grâces et prie Dieu, Monsieur, vous avoir en Sa saincte garde. A Anvers, ce 9 juin 1582. Vostre humble serviteur, Wilkes.
Toutes les villes du païs de Liège, excepté Liège et [HeuGa naar voetnoot1], se sont opposées à l'inquisition de l'Evesque; ce presbstre appreste sa ruine, comme ont faict plusieurs aultres. |
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