Archives ou correspondance inédite de la maison d'Orange-Nassau (première série). Tome II 1566
(1835)–G. Groen van Prinsterer– AuteursrechtvrijLettre CXXIV.
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Ga naar margenoot+lands privilegien den Coninck dien aengaende in 't Camer gericht des Roomschen Rijx oproepen en tot cassatie contenderen: allegerende dat Antwerpen Braband zijnde, was begrepen onder den vijfsten Creytz des Rijx en mede in de lasten van dien contribuerende en daerom de liberteiten desselfs behoorde te genieten... Protesterende, quamen door deselve introductie der Inquisitien eenige onrusten, dat 't selve voor geen rebellie en soude konnen geacht worden.’ Bor, I. 34b. On répandoit des libelles, des chansons, des requêtes par tout le pays. ‘Daer zijn oock hoe langher hoe meer in druck ende licht ghecomen niet alleen verscheijden schilderijen, contrefaitselen, baladen, liedekens en pasquillen: maer oock diverse boecxkens soo int Francois als in Duijts teghens de mishandelinghen, vervolginghen ende Inquisitie.’ J. van Wesembeeck, Beschrijvinghe van de voortganck der Religie in 1565 en 1566, bl. 54. Mon frère, je attens avecque gran dévotion de vos novelles et vouldrois pour mille escus que fussies issi, car il at ung affair issi qui vous touche dont l'on faict gran bruict, et est que l'on dict que vous aves faict l'escrit que l'aultre fois a esté trouvé en Anvers avecque plusieurs aultres choses que ne peut maintenant escrire pour n'avoir le loisir. Je suis après pour scavoir le tout et vous asseur que este obligé à une persone dont peult ester ne vous donnes gardes. Je pens partir d'issi en deux joursGa naar voetnoot(1), n'aiant eu moien pour tant des affaires de partir plus tost; quant seray venu à Breda, vous manderay le tout plus particulièrement; seulement vous prieray n'en faire sem- | |
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Ga naar margenoot+blant de rien de cessi. Je remes aussi tous aultres nouvelles et affaires à la première commodité, vous priant me mander si aves traicté quelque chose sur l'affaire que scavés, ou si vous aves quelque espoir, affin que selon cela je me puisse gouverner: vous me feres plaisir aussi me mander ce que vous entendes de la venue des Princes à la diette, et sur ce vous baise les mains, priant Dieu vous donner, mon frère, en santé bonne vie et longe. De Brusselles ce 12 de janvier 1566.
Votre bien bon frère à vous faire service, Guillaume de Nassau. A Monsieur le Comte Louis de Nassau mon bon frère.
On voit assez que le Prince ne croyoit pas être dans le secret de toutes les démarches de son frère Louis. - Ici se présentent deux questions dont la dernière surtout est d'un grand intérêt: 1.o Le Prince connoissoit-il, 2.o approuvoit-il la Confédération?
1. Nous ajoutons foi à ce qu'il dit lui-même en 1567. ‘La Confédération (a été) faitte sans nostre adveu et sans nostre sceu. De laquelle estant advertis quelques quinze jours après, devant que les confédérés se trouvassent en court, nous déclarames ouvertement et rondement qu'elle ne nous plaisoit pas, et que ce ne nous sambloit estre le vray moyen pour maintenir le repos et tranquillité publique.’ Le Petit, Chronique de Hollande, Zélande, etc. p. 184.a
Il est vrai que l'historien Brandt, (Hist. der Reform. I. Bijv. bl. 53,) fait mention de certain Journal de Fr. Junius, d'après lequel le Prince auroit eu connoissance en novembre d'un projet pour | |
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Ga naar margenoot+s'emparer d' Anvers dès le mois suivant, projet qu'il auroit toutefois déconseillé. Mais dans la vie de Junius il n'en est fait aucune mention, et comme il affirme n'avoir jamais rien écrit sur les troubles des Pays-Bas, excepté ce récit (‘Roganti ecquid horum haberet in scriptis, subnegabat: innuebat tamen nonnihil notatum in brevi quodam Commentariolo quod de sua vita scripserat.’ Scrinium Antiq. I. i. 205), on a revoqué en doute l'authenticité du Journal susdit. Wagenaar, Vaderl. H. VI, 127. Te Water, Verb. d. Ed., I, 60. D'ailleurs il n'est guères croyable que déjà en novembre les nobles confédérés, dont le nombre étoit encore extrêmement petit, aient songé à se saisir d'Anvers, et si on avoit confié au Prince des projets de ce genre, certes il ne se seroit pas montré en janvier si surpris de la participation du Comte Louis à certain écrit un peu violent. On trouveroit aussi dans sa lettre et dans celles qui suivent au moins quelques allusions à la Confédération. Dans une lettre du Seigneur de Hames du 27 février (voyez ci-après p. 35,) il est bien faitmention d'un projet dont on avoit confié au Prince la généralité, après le départ du Comte Louis, et qu'il n'avoit pas approuvé, mais soit que par l'entreprise dont il est là question, il faille en effet entendre un coup de main sur Anvers, soit que, comme il est plus probable, cette expression se rapporte à la Conféderation en général, cette lettre elle-même fait voir que le Prince ne savoit rien de bien positif, rien de fort précis. On n'avoit pas en lui une confiance illimitée; on se fut volontiers appuyé de son nom et de son autorité; mais on n'eut pas osé proposer soit à lui, soit aux Comtes d'Egmont, de Hornes, ou de Hoogstraten, Gouverneurs, Chevaliers et membres du Conseil d'Etat, de prendre une part active à une ligue, qui les eut placés tout d'abord dans une fausse position, et dont il ne leur étoit pas même permis de garder le secret. Mais, dit-on, presque tous les Chefs étoient intimement liés avec le Prince; c'étoient son frère, son beau-frère, ses amis, son confident le plus dévoué Ph. de Marnix. Comment donc le Prince auroit-il longtemps pu ignorer leurs projets? - Cette remarque repose, du moins en partie, sur de fausses suppositions. On considére à tort le Comte Louis, et comme ne faisant qu'exécuter les volontés de son frère, et comme étant le premier auteurs des résolu- | |
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Ga naar margenoot+tions relatives au Compromis. Souvent il trouvoit dans la conduite du Prince trop de lenteur et de timidité; il faisoit souvent des démarches que celui-ci jugeoit imprudentes; et quant au Compromis, il assure l'avoir signé sans que son frère en eut connoissance et seulement après les instances réitérées de ses amis. Cet aveu remarquable se trouve dans une Apologie de sa conduite durant les troubles, qu'il composa lui-même et dont Arnoldi à fait usage (‘Eine von Ludwig aufgestellte Apologie seines Verfahrens in die Niederländischen Revolution.’ Arn. Gesch. der N. Or. L. III. i. 280. A notre grand regret nous n'avons pas encore découvert dans les Archives ce document précieux). D'ailleurs le Comte étoit reparti promptement pour l'Allemagne, et aura cru pouvoir différer ses confidences jusqu'à son retour. - Les Comtes de Berghes et de Brederode n'étoient pas des hommes entre qui et le Prince il pouvoit y avoir une grande intimité; et Brederode n'étoit peut-être pas du nombre des premiers Confédérés (Voyez. p. 35.) Quant à Ph. de Marnix, on affirme peut-être trop positivement que c'est lui qui a composé le Compromis. Pour son caractère grave et modéré le style est un peu violent. Il ne seroit pas impossible qu'on l'eut confondu avec son frère Jean de Marnix, Seigneur de Tholouse, accoutumé à prendre les devants (comme le prouve entr'autres son expédition contre Anvers en 1567. Bor. I. 156b); d'autant moins vu que plus tard, lorsqu'il eut acquis une grande célébrité, amis et ennemis devoient être assez enclins à exagérer la part qu'il avoit prise aux premières résolutions de la Noblesse. Cette idée acquiert une certaine probabilité par un Manuscrit dont nous devons l'inspection à la complaisance du possesseur actuel M. le professeur H.W. Tijdeman: c'est un Catalogue de pièces relatives aux affaires des Pays-Bas (1565-1594) rassemblées par P. Merula, un des premiers Professeurs d'histoire à l'Académie de Leide. Sous la date du 2 nov. 1565 on y trouve mentionné. ‘Confédération des environ vingt Gentilshommes (entre lesquels le premier quasi fut Monsieur de Tholouse), contre le Concile de Trente, l'Inquisition et les rigoureux Edicts du Roy, faite après l'invocation de Dieu, en la maison du Seigneur Comte de Cuiemburg à Bruxelles.’ Il est vrai que Strada, p. 205, affirme positivement que Ph. de Marnix dicta le | |
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Ga naar margenoot+Compromis dans une réunion de neuf Gentilshommes à Breda, mais ce récit est assez difficile à concilier avec le témoignage de Junius, l.l. p. 242, d'après lequel ce fut à Bruxelles qu'on jeta les fondemens de la Confédération. ‘Haec contra Inquisitionem primum fundamenta jacta.’ Quoiqu'il en soit, on commet à l'égard de Philippe de Marnix un anachronisme lorsqu' on le dépeint comme agissant alors de concert avec Guillaume Premier. Sans doute il devint son confident, mais il ne l'étoit pas en 1566. Au contraire sa conduite alors, soit en favorisant la Confédération, ce dont il se glorifia depuis, soit en excitant à prêcher publiquement (voyez Junius, l.l. 245), n'étoit nullement conforme aux intentions du Prince. Au départ de celui-ci, en 1567, Marnix paroit n'avoir pas même songé a l'accompagner, et si plus tard il se rendit vers lui, ce fut d'après les ordres exprès de l'Electeur Palatin. Tel est son propre récit. ‘Depuis que les persécutions renouvellées par le Duc d'Alve il n'y avoit plus de chef qui se monstrast, je me suis retiré et tenu quoy en exille... Finallement ne voulant estre en charge à mes amis, je me suis mis au service de feu Monseigneur le Prince Electeur Palatin... Jusques à ce que estant requis par Monseigneur le Prince d'Oranges de me vouloir envoyer chez luy pour se servir de moy pour quelque temps..., il m'y envoya, et le temps expiré, à la réquisition du dict Seigneur Prince, me commanda de n'en bouger jusques à ce qu'il me rappellast, et de servir le dict Seigneur Prince fidellement, comme sa personne propre.’ Réponse à un libelle fameux par Ph. de Marnix dans l'ouvrage de M. te Water, IV. 282. Ainsi la nature des relations que le Prince avoit avec quelques uns des principaux Confédérés n'est pas un motif suffisant pour révoquer en doute ce qu'il affirme, et bien au contraire tout semble indiquer qu'avant la mi-mars il n'a eu que des données extrêmement vagues et incertaines sur l'existence et le but de la Confédération. Toutefois l'auteur de la Vie de Guillaume I (Leven van Willem I, I. 434.) ne craint pas d'affirmer que le Prince à connu et approuvé le Compromis. ‘De Prins heeft niet alleen van het verbond kennis gehad, en hetzelve goedgekeurd, maar hij is ook, doch onder de hand, het Hooft, de voortsetter en de voornaemste aanleider van het Verbond der Edelen geweest.’ M. Bilderdijk, (Historie des | |
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Ga naar margenoot+Vaderlands, VI. 47), s'exprime également d'un ton très positif, auquel néanmoins les faits donnent un démenti. ‘Oranje werd, gelijk hij de ziel der partij was waar het Verbond uit voortsproot, toen het eens tot stand gebracht was, ook weldra de ziel van het Verbond zelf, en dat het niet zonder zijn kennis tot stand kwam, of tot stand komen kon, is uit alle omstandigheden ontwijfelbaar.’
2. Il nous paroit indubitable que le Prince n'a pas eu immédiatement connoissance de la Confédération, mais surtout qu'elle a été entièrement opposée à ses desirs et à ses desseins. Elle a eu un grand nombre de panégyristes, mais une grande partie des éloges qu'on lui prodigue sont peu mérités. Il est assez difficile de concilier entièrement le Compromis avec les devoirs envers le Souverain; le Prince lui-meme avoue qu'il n'a pas tenu l'entreprise des Confédérés pour rebellion ou conspiration, (‘ne l'avons estimé pour rebellion, conspiration ou conjuration.’ Le Petit, l.l.) parcequ'ils ne vouloient user d'aucune violence, mais faisoient seulement entendre des plaintes et des prières; d'où il résulte que, s'ils avoient voulu employer la force, ce qui au commencement étoit leur intention (voyez la lettre 129), le Prince se fut trouvé fort embarrassé pour les défendre contre l'accusation de lèse-majesté. Quoiqu'il en soit, leur marche étoit irrégulière, imprudente, propre à exciter des emportemens populaires, et en effet elle amena des conséquences extrêmement funestes. En 1567 Languet résume l'histoire de la Confédération en deux mots: ‘Belgium esse plane eversum Procerum stultitiâ et ignaviâ non ignoras.’ Epist. ad Camerar. p. 68; et bien que cet écrivain politique fut beaucoup trop enclin aux mesures violentes, on est forcé de reconnoître que cette sentence sévère est, sous plusieurs rapports, justifiée par les faits. Les événemens de 1566 et 1567 avoient produit un découragement si complet et tellement fortifié le pouvoir du Roi, que, pour rendre de nouveau la résistance possible, il ne fallut rien moins que les cruautés inouics des Espagnols et leur conséquence, savoir le courage de l'indignation et du désespoir. Le Prince connoissoit le caractère d'une grande partie des Confédérés, il apprécioit des hommes comme les Comtes de Brederode, de Berghes, et tant d'autres, à leur juste valeur; il savoit combien aisément les circonstan- | |
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Ga naar margenoot+ces amènent un changement dans les résolutions, et il aura prévu, tout aussi bien que les Comtes d'Aremberg et de Megen, qu'une telle union seroit de courte durée. ‘Non, si paulum temporis intercedat, duraturam subitariae societati constantiam: quum nihil diu consistat tumultuario opere compositum.’ Strada, I. 212. La tactique du Prince étoit infiniment plus savante. Il desiroit la paix de religion, et pour atteindre ce but, il vouloit obtenir, par l'entremise du Conseil d'Etat et des Chevaliers de la Toison d'Or, la convocation des Etats-Généraux; mais en évitant soigneusement ce qui pouvoit ou remuer le peuple, ou exciter, sans nécessité, la colère du Roi. Même après les dernières résolutions de Philippe il n'avoit pas perdu tout espoir; mais par les démarches des Confédérés le gouvernail lui devoit échapper. Sa position devenoit fausse sous tous les rapports, et il n'y a pas lieu de révoquer en doute la sincérité de ses tentatives réitérées pour être déchargé de ses Gouvernemens. |
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