Archives ou correspondance inédite de la maison d'Orange-Nassau (première série). Tome II 1566
(1835)–G. Groen van Prinsterer– AuteursrechtvrijLettre CXXV.
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Ga naar margenoot+cung d'iceulx par touttes les places demon dit gouvernement. Et combien, Madame, que n'ay esté requis d'advis en chose de si gran poix et conséquenceGa naar voetnoot(1), toutesfois comme loyal serviteur et vassal de Sa Maté, esmeu d'ung zèle désireux à satisfaire au deu de mon estat et serment, n'ay sceu lesser en dire mon opinion librement et franchement, aimant mieulx attendre le hasart d'avoir pour le présent mavais gré pour mes advertissemens et remonstrances, que par ma connivence et silence, après l'esclandre et désolation du Païs, ester noté et blasmé de infidélité de négligent et nonchallant gouverneur. Premièrement quant à l'exécution du concile, oires que au commencement il y avoit quelque mécontentement et murmuration, toutesfois veu qu'on y at despuis adjousté aulcugnes réservations, je crois que en cest endroict il y aurat peu de difficulté, et quant à la réformation des prêtres et aultres ordonnances ecclésiastiques, n'estant chose de ma vocation, je le remets à ceulx qui en ont la charge et où il sera de besoigne, satisferay au commandement de Sa Maté. Quant au second point, contenant que les gouverneurs, consaulx et aultres officiers, debvroient à tout leur pouvoir favoriser aux inquisiteurs et les maintenir en autorité, qui de droit divin et humain leur appertient et dont ilx auroient usé jusques à maintenant; Votre Alteste peult avoir souvenance de ce que les plaintes, oppositions et difficultés, esmeus par tout le pais de pardeça à l'endroict de l'establissement des Evêsques, n'ont esté pour aultre regart, que de peur que soubs | |
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Ga naar margenoot+ce prétexte, l'on tâschat introduire quelque forme d'inquisition; tant est non seullement l'exécution, mais aussi le nom odieus et désagréable. Oultre ce peult scavoir Votre Altesse, et est cler et notoire à la pluspart des subjects et gens de bien pardeça, que Sa Maté Impériale et celle de la Royne Marie ont par plusieurs fois asseuré les inhabitans, tant de bouche que par escrit, que la dite inquisition ne se introduiroit en ce Pais-Bas, ains seroit le mesme Païs maintenu et réglé comme de toute ancienneté auparavant, voires Sa Maté mêsmes, pour oster cette impression aus dits inhabitans, a faict souventesfois semblable asseuranceGa naar voetnoot(1). Les asseurances et promesses susdites, Madame, ont infalliblement gardés les subjects et aultres resseausGa naar voetnoot1 de toumber en quelque altération, et de ce que beaucoup de gens de bien et de povoir n'ont aliené leurs biens, chersant aultres plasses pour vivre sans crainte d'aulcune inquisition, dont consécutivement s'est retenu l'union, tranquillité, traffique de marchandise et fournissement de la pluspart des finances pour le soustient de la guerre, là où aultrement le Païs desnué des inhabitans, vassaulx et déniers, fust allé proie à ceulx qui y eussent volu mestre la main. | |
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Ga naar margenoot+Touchant le troisième point, par lesquel Sa Maté veult et ordone bien expressément, que les placcarts, faicts tant par l'Empereur que par Sa Maté, soient en tous poins et articles gardés, ensuivis et exécutés en toute rigeur et sans aulcune modération ou connivence; Madame, ce point me semble semblablement fort dur, d'aultant que les Placcars sont plusieurs et divers et parsidevant quelquefois limités et non ensuivis à la rigeur, mêsme en temps que la misère universelle n'estoit si aspre comme maintenant et notre peuple, par imitation et practiques de nos voisins, non tant enclin à novellité, et de voloir présentement user de plus d'extrêmité et tout en ung coup avecque plus de véhémence, renouveller la dite inquisition et passer oultre aux exécutions en toute sevérité, je ne puis, Madame, comprendre que Sa Maté y puisse gaigner aultre chose, que de mester soy mesme en paine et le Païs en trouble de perder l'affection de ces bons subjects, donnant à ung chascung soubson, que Sa Maté veuille procéder d'aultre piet, qu'el a tousjours asseuré et demonstré, mestant le tout en hasart de venir es mains de nos voisins, tant pour les gens qui se desparyseront, comme pour le peu de fiance qu'on aurat de ceulx qui resteront, le tout sans nul proffit au redressement de la religion. J'obmais issi pour éviter prolixité d'alleger plusieurs aultres inconvéniens, scaschant que Sa Maté et Votre Altesse en ont souventesfois par cy devant esté tout au long advertis, oultre ce que, parlant à correction, le temps me semble mal propre pour esmovoir les cerveaulx et humeurs du penple, par trop altéré et troublé par la présente nécessité et chierté des blésGa naar voetnoot(1), et vauldroit, à mon ad- | |
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Ga naar margenoot+vis, mieulx le tout différer et remester jusques à la venue de Sa Maté, puisque l'on dict qu'el se prépare pour se trouver pardeça et vauldrois qu'elle fusse servi de se haster, affin que en sa présence fust en tout donné tel order, qui trouveroit convenir pour le service de Dieu, de Sa Maté, repos et prospérité des Païs et subjects de par deça, car en cas de trouble seroit le remède plus prompt en sa présence que aultrement. Si toutesfois Sa Maté et Votre Altesse persistent et veuillent dès maintenant, que l'on ensuive en tous les dit poins, voyant clerement et à l'oeil qui ne se peult présentement exécuter sans gran hasart de la totale ruine du Païs, en quoy peultesterGa naar voetnoot1 Sa Maté prendroit regart si elle estoit issi, je aimerois mieulx, en cas que Sa Maté ne le veuille delayer jusques à là et dès à présent persister sur ceste inquisition et exécution, qu'elle commisse quelque aultre en ma place, mieulx entendant les humeurs du peuple et plus abile que moi à les maintenir en paix et repos, plustost que d'encourir la note, dont moi et les miens porrions ester souillés, si quelque inconvénient advint aulx Païs de mon gouvernement et durant ma charge. Et se peult bien asseurer Sa Maté et Votre Altesse que je ne dis cecy pour ne voloir ensuivre ses commandemens ou de vivre aultrement que bon Créstien, comme de ce | |
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Ga naar margenoot+mes actions précédentes peuvent rendre bon temoignaige, et que j'esper que Sa Maté aura cogneu par expérience, que je n'ay jamais espargné corps, ne biens, pour le service d'icelle, comme je désire continuer, tant que la vie me durerat, oultre ce que si les affaires du Païs allassent aultrement que bien à point, j'y mestrois (par dessus l'obligation que je dois à Sa Maté et la patrie) non seulement tout ce que j'ay au monde, mais aussi ma personne, ma femme et mes enfans que pour le moings la nature me commande de préserver et garder. A quoy plairat à Votre Altesse prendre regard, selon sa très pourvue et coustumière discrétion, prendant ceste ma remonstrance de bonne part, comme procédant de celui qui parle d'ardant désir et affection qu'il a au service de Sa Maté et d'obvier à toutes inconvéniens dont je prens Dieu en tesmoing, lesquel prie, Madame, après m'estre recommandé très humblement à la bonne grâce de Votre Altesse, donner à icelle en santé, bonne vie et longue. De Breda ce 24 de janvier A.o 1566.
De Votre Altesse, très humble Serviteur, Guillaume de Nassau.
Depuis longtemps le Prince étoit placé entre ses convictions protestantes et les devoirs que lui imposoit sa charge de Gouverneur au nom du Roi. C'estainsi que ‘déjà en 1559,’ dit le Prince, ‘le Roy quand il partit de Zélande, me commanda de faire mourir plusieurs gens de bien, suspects de la Religion, ce que je ne voulus faire et les en advertis eux-mêmes, sçachant bien que je ne le | |
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Ga naar margenoot+pouvois faire en saine conscience, et qu'il falloit plutost obéir à Dieu qu'aux hommes.’ Dumont, Corps Dipl. V. 1, p. 396b. Sa Commission comme Gouverneur de Hollande, Zélande et Utrecht, étoit extrêmement sevère sur l'article de la religion. (‘Daar de Roomsche Godsdienst den Koning zeer ter harte gaat, zal de Stadhouder zorg dragen dat de veroordeelde Gezindheden gestraft en uitgeroeid worden, volgens de Placaten.’ Et dans une Instruction séparée, il lui est enjoint d'exécuter les Placards en toute rigueur. Kluit, Historie der Hollandsche Staatsregering, I. 62, 65.) Ces ordres, il est vrai, n'avoient pas été suivis à la lettre; mais maintenant le Roi vouloit, ‘tout en ung coup avecque plus de véhémence renouveller l'inquisition et passer oultre aux éxécutions en toute sévérité.’ Il falloit donc remettre en vigueur des Placards, par lesquels déjà plus de 50,000 personnes avoient été mises à mort, ainsi que le Prince l'atteste dans sa Défense. Le Petit, 180a. Comment désobeir sans abuser de la confiance du Roi? Comment obéir sans se révolter contre Dieu? Il ne lui restoit aucune issue qu'en demandant sa démission. |
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