De patriottentijd. Deel 1: 1776-1784
(1897)–H.T. Colenbrander– Auteursrecht onbekendBérenger aan Vergennes, 9 Januari 1784.- Un grand nombre de Régents insistent avec chaleur sur le projet d'affermir et de consolider par un Traité d'alliance les raports entre la France et la République; mais il y en a plusieurs qui, quoique bien convaincus des avantages d'un tel engagement, semblent en apréhender les conséquences, et je crois, Monseigneur, qu'il convient de laisser les uns et les autres à leurs voeux et à leurs reflexions à cet égard, et de ne leur rien témoigner qui tende à accélerer ou à éloigner une détermination positive. | |
Vergennes aan Bérenger, 22 Januari 1784.- Votre façon de penser, Monsieur, relativement à une alliance entre le Roi et les Provinces Unies est très-juste: nous ne devons ni les rechercher ni les rebuter, mais les abandonner à leurs propres reflexions; c'est là, Monsieur, la conduite que vous aurez à tenir si les patriotes cherchent à pénétrer notre façon de penser à cet égard, en les assurant toutefois de la sincérité de l'intérêt que le Roi prend à la sûreté et à la prospérité de leur pays. | |
Bérenger aan Vergennes, 10 Februari 1784.- La paix n'affoiblit point, Monseigneur, le ressentiment que l'injustice de la dernière Guerre a excité contre la Grande Bretagne; ou ne cesse de revenir sur la partialité de M. le Stadhouder. Il a beau protester qu'il ne conserve plus de penchant pour cette Puissance, personne ne le croit, et il semble que le désir de le contrarier rend plus actif celui de former une connexion avec la France. Il | |
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y a déjà longtems que la Province de Frise a manifesté son voeu. Celle d'Utrecht vient d'ordonner formellement à ses Députés à la Généralité, d'insister sur cet objet intéressant; trois principales villes de Zélande prennent la même mesure; de tous côtés il s'élève des voix pour la réclamer, mais cette matière est encore envisagée sous des points de vuë trop différents pour être mise en délibération dans l'assemblée des confédérés. Parmi les Républicains qui désirent le plus de ménager à leur Patrie la protection du Roi, il en est plusieurs qui pensent qu'elle ne doit contracter aucune alliance qui puisse l'exposer à prendre part à des querelles qui n'intéresseroient pas immédiatement son commerce et sa navigation; ils croyent qu'elle n'a rien à craindre sur le continent et que la politique de ses voisins la garantira d'être envahie par aucun d'eux. D'autres au contraire estiment que rien n'est plus imprudent qu'un pareil système; que la République sans allié, sera sans considération et obligée de souffrir toutes les insultes qu'on lui fera, parce que sa foiblesse connue en assurera l'impunité; que ne l'attacher à aucune puissance c'est la mettre à la merci de toutes, et faire dépendre sa préservation de mille combinaisons incertaines et fortuites. Tout annonce, Monseigneur, que ce dernier sentiment prévaudra et qu'il sera même adopté par la pluspart de ceux qui ne le combattent dans ce moment que parce qu'ils ne prévoyent aucun danger immédiat qui leur fasse voir la nécessité d'un titre pour solliciter du secours. Quoique je mette un juste prix à l'amitié des Provinces Unies, et que je ne pense pas qu'il soit indifférent de la cultiver, je croirois par bien des raisons, qu'il seroit trop long de déduire, qu'il nous importe moins de les recevoir dans nos bras que de les empêcher de retomber dans ceux de l'Angleterre. | |
Vergennes aan Bérenger, 29 Februari 1784.- Nous voyons sans peine, Monsieur, l'idée d'une alliance avec le Roi fermenter dans les têtes hollandoises, parce que nous en concluons, d'un côté, que les Hollandois sont contents de nos principes et de nos procédés, et de l'autre, qu'ils continuent de sentir l'iniquité de ceux qu'ils ont éprouvés de la part de l'Angleterre, mais nous devons nous abstenir soigneusement de provoquer le développement de ces idées, il nous convient de nous tenir sur la réserve, en manifestant toutefois, lorsque l'occasion s'en présente, l'intérêt que nous prenons à la prospérité de la République; ce sera au tems et aux circonstances de mûrir le système des patriotes, comme elles devront déterminer la conduite que le Roi devra tenir soit pour le favoriser soit pour l'arrêter. | |
Bérenger aan Vergennes, 23 Maart 1784.De Staten van Holland zijn de beraadslaging begonnen over de fransche alliantie, door Friesland en Utrecht voorgestaan in de Staten-Generaal. Sommige leden zijn er voor; andere, in het bizonder Amsterdam, willen alleen een handelstractaat. De patriotten hebben hem medegedeeld dat Brantsen Vergennes heeft gepolst, maar geen bepaald antwoord heeft ontvangen. | |
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Bérenger aan Vergennes, 26 Maart 1784.De patriotten hopen nog altijd dat Vergennes aan Brantsen te kennen wil geven wat het zijn moet: .... soit un Traité de navigation et de commerce sur la base de la liberté des mers, soit une alliance défensive. Il ne s'agit point d'une communication ministérielle, mais simplement d'un conseil amical et confidentiel d'après lequel ils puissent agir, et ils vous suplient de ne pas le leur refuser. Bérenger's geslotenheid wordt reeds misbruikt door de Anglomanen, als een bewijs voor hun bewering dat Frankrijk het aanzoek der Republiek om een alliantie zal afslaan. Pleins de respect pour l'harmonie qui règne entre les Cours de Versailles et de Vienne, les patriotes sentent que l'attention à ne pas la troubler est un premier devoir, et ils n'invoqueront l'intercession de S.M. que lorsqu'elle sera devenue indispensable; mais ils représentent que si dans ce cas elle leur étoit refusée, ils seroient perdus sans ressource; accablés aux yeux de la nation du reproche d'avoir trahi sa confiance, d'avoir rejetté toutes les offres de la Grande Bretagne, qui auroit embrassé sa défense, pour la précipiter aux pieds de la France qui ne feroit rien pour elle, ils se verroient exposés à la fureur du peuple, qui apres avoir immolé ses Régents à sa vengeance, se hâteroit de renverser leur système, de proscrire à jamais toute liaison avec nous, et de redemander des fers à l'Angleterre. Je n'ai pu réussir à les rassurer: ils prétendent savoir que le Prince Louis de Brunswic dans sa retraite de Bois le Duc a concerté avec le Commissaire Impérial à Bruxelles le plan d'une révolution dans les Provinces Unies; que l'allarme y sera d'abord répandue par un mémoire de prétentions exorbitantes; qu'à défaut de consentement, on les fera valoir par des voyes de fait, et que le peuple voyant que la République n'a aucun moyen à y opposer, ni aucun secours étranger à attendre, se livrera à des accès d'animosité qu'on dirigera facilement contre ceux qu'on lui peindra comme les destructeurs des mesures par lesquelles sa ruine auroit été détournée. Al acht nu Bérenger dit alles overdreven, iets kan er van aan zijn: Van Kinsbergen stookt de matrozen op om niet te dulden dat hun officieren aangevallen wordenGa naar voetnoot1); op verschillende plaatsen blijft er iets gisten onder de bevolking. | |
Vergennes aan Bérenger, 1 April 1784.- Nous ne pouvons pas, Monsieur, savoir mauvais gré aux patriotes de leurs craintes, parce que le motif en est estimable, mais nous avons lieu d'être surpris qu'ils s'y abandonnent aussi facilement, et qu'ils prennent si peu de soin à démêler le piége dans lequel leurs antagonistes cherchent à les faire tomber. | |
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Bérenger mag de vertrouwde patriotten wat geruststellen: S'ils estiment que des engagements directs avec la France peuvent y contribuer éminemment, S.M. est très disposée à recevoir les propositions qu'ils pourront lui faire et à y répondre d'une manière consolante pour les bien-intentionnés, dans la confiance où Elle est que les propositions lui seront faites par la voie légale et qu'elles ne renfermeront rien qui pourroit léser ses intérêts directs, et la foi des engagemens qu'Elle a contractés avec d'autres puissances. Le Roi estime que les circonstances actuelles de la République doivent la porter à préférer pour le moment un traité d'amitié, de navigation et de commerce à tout autre engagement; si tel est son désir, S. M s'y prêtera volontiers, mais Elle ne pourra pas accorder au commerce hollandois de plus grands avantages que ceux qui sont assurés aux nations les plus favorisées. Cependant si la République jugeoit des engagement plus étendus d'une convenance réciproque, S.M. ne se refusera pas à recevoir les ouvertures qui pourront lui être faites, Elle les examinera et y répondra avec autant de franchise que de disposition à seconder l'intérêt de la République et à lui donner les marques les moins équivoques de sa parfaite amitié. Van een komplot tusschen Brunswijk en Belgiojoso gelooft hij niets, ook van een inval niet: de militaire macht in België aanwezig is daartoe al te onbeduidend. | |
Bérenger aan Vergennes, 2 April 1784.Ten opzichte van het te sluiten tractaat is er geen eenheid in de wenschen. Friesland, Overijsel en Utrecht dringen aan op een formeel verdedigend verbond. J'ai lieu de croire que la Hollande préféreroit d'abord un Traité de commerce et d'amitié, sauf à former dans la suite, et selon les circonstances, des liens plus étroits. La Gueldre, la Province de Groningue et la Zélande semblent n'attendre sa détermination que pour s'y conformer. | |
Bérenger aan Vergennes, 9 April 1784.De patriotten betuigen hun ingenomenheid met Vergennes' brief van 1 April: Dans les circonstances orageuses où ils se trouvent, ils avoient besoin de quelque consolation. - Les patriotes de la province d'Hollande se chargeront eux-mêmes de porter les provinces de Frise et d'Utrecht qui continuent d'insister sur une alliance défensive, à se ranger à leur avis pour le moment, et sans préjudicier au projet d'une union plus étroite dans la suite. | |
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confédérés. Aussitôt que les Etats-Généraux auront communiqué au Roi leur résolution à cet égard, ils ne tarderont pas à recevoir une réponse satisfaisante, et il ne tiendra qu'à eux que les négociations soient entamées sans retardement. Ce sera à L.H.P. à juger du moment où il leur conviendra de s'ouvrir envers S.M. de leur désir de contracter des engagements politiques avec Elle. | |
Vauguyon aan Vergennes, 27 April 1784.Onmiddellijk na zijn aankomst hebben de leiders der patriotten hem een onderhoud gevraagd over gewichtige zaken. Het heeft plaats gehad: Ils m'ont témoigné qu'ils regardoient la crise actuelle comme l'époque qui devroit déterminer de la prospérité ou de la décadence de leur République; que leur seul espoir étoit en l'assistance du Roi, mais qu' assiégés par des ennemis intérieurs, toujours prêts à essayer de reprendre leur ancien empire à la première occasion, ils ne pouvoient développer à S.M. toute l'étendue de leurs désirs et de leurs besoins qu'autant qu'ils seroient assurés de celle de Sa bienveillance généreuse; que je connoissois trop bien leur situation pour ne pas sentir qu'une proposition faite par eux et qui n'obtiendroit pas du Roi un accueil favorable, les décréditeroit entièrement et les rendroit inutiles à la cause qu'ils ont jusqu'à présent défendue avec tant de succès; qu' intimement convaincus de cette vérité et croiant appercevoir dans S.M. plus de penchant à se borner, au moins pour ce moment, à un simple traité de navigation et de commerce, ils n'oseroient pas étendre plus loin leurs vuës sans être bien certains de ne pas s'écarter de celles du Roi, et qu'ils venoient avec toute la sincérité dont ils ont toujours fait profession auprès de moi, me prier de les éclairer définitivement sur des dispositions aussi précieuses pour eux. - Je leur ai répondu que S M. ne les engageroit dans ce moment qu'aux démarches qu'ils auroient jugé eux-mêmes leur convenir le mieux, mais qu'ils l'avoient vu constamment leur tendre les bras dans les circonstances les plus difficiles, et qu'Elle les leur ouvroit avec plus de bienveillance que jamais, et que je me persuadois qu'ils auroient toujours lieu de se féliciter de s'être abandonnés à Elle avec une entière confiance. - Ils m'ont prié de déposer, pour un instant, le caractère d'ambassadeur et de vouloir bien peser avec eux, comme leur ami, leurs intérêts et leurs vuës. Ils m'ont paru penser absolument qu'un simple traité de navigation et de commerce ne leur offriroit pas les moiens de tranquilité si nécessaire à la prospérité de leur patrie; que leur système de politique intérieure et extérieure ne pouvoit prendre de consistance réelle que par une alliance défensive avec la France; que d'un côté c'étoit le voeu général de la nation, et qu'il seroit à craindre que le tems n'altérât la vivacité de ses dispositions à cet égard, et que de l'autre le Prince Stadhouder malgré son penchant invariable à écarter une union aussi intéressante, étoit réduit dans une telle position qu'il n'oseroit pas s'y refuser, et qu'il seroit même forcé de paroitre la désirer, | |
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et qu'ainsi il n'étoit pas possible de se flatter de rencontrer jamais une époque aussi favorable pour contracter cet engagement salutaire. De Republiek onderhoudt niet gaarne een groote landmacht, en zou dus geen algemeen, maar een partieel verdedigend verbond willen sluiten, strekkende tot wederzijdsch hulpbetoon ter zee en in de koloniën. Tegen de Engelschen (gaan de patriotten voort), ‘cette nation énergique’, die zich spoedig kunnen herstellen en wier plannen tot machtsuitbreiding in Indië maar al te duidelijk zijn, moet het bondgenootschap met de Republiek den koning toch wel zeer gewenscht voorkomen: .... c'est un allié dans l'Inde qui y possède seul les moyens d'arrêter le torrent de la Puissance britannique et qui peut procurer aux flottes du Roi la jouissance des positions militaires les plus propres à assurer leur succès. S'ils comprennent toute l'utilité dont ils peuvent être au système du Roi, ils sentent en même tems que tous leurs avantages à cet égard seroient vains s'ils ne faisoient pas dans leur Régime actuel des changemens, qui, conformes à leur constitutlon, ne tendront qu'à en corriger les abus; c'est ainsi qu'en déterminant les stipulations qui pourront fixer une prestation de secours mutuels et une garantie réciproque des établissemens des deux Indes, ils se proposent de prendre des mesures efficaces et habituelles qui mettront leurs colonies et leurs flottes dans un état respectable, et auxquelles ils désirent s'engager en contractant l'alliance qui fait l'objet de leurs voeux. Après s'être étendus ainsi, M. le Comte, sur la base du Traité défensif, les patriotes ont paru désirer que dans tous les cas où les conditions de l'alliance ne mettroient pas l'une des deux puissances dans la nécessité de prendre part à la guerre que soutiendroit l'autre, les principes essentiels et fondamentaux de la neutralité fussent garantis, et quant aux avantages de navigation et de commerce, ils me semblent se borner à désirer d'obtenir la confirmation des faveurs dont ils ne jouissent que précairement, ainsi que l'assurance d'être traités comme la nation la plus favorisée. Tel est, M. le Comte, le précis de mon entretien avec eux; ils doivent arrêter incessamment un projet de proposition qui y sera conforme et ils ne doutent pas qu'elle n'excite sans délai l'adhésion de tous les Députés de la province d'Hollande, dont le voeu déterminera nécessairement celui des autres membres de l'Union. | |
Vauguyon aan Vergennes, 4 Mei 1784.De patriotten wenschen dat de artikelen aan de Republiek de vrijheld laten zullen, in plaats van troepen geld te geven: dat komt beter overeen met hun noodzakelijke staatkunde van alle vermeerdering der landmacht tegen te werken, ten bate van vloot en koloniën. De leiders zijn bezig de stedelijke regeeringen te polsen over de alliantie, en de uitkomsten zijn goed. | |
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traité de commerce parce qu'ils ont craint qu' une demande plus étendue n'obtiendroit pas de S.M. un accueil favorable. Cette crainte est d'autant plus gratuite, qu'elle n'est fondée ni sur la dépêche que j'ai écrite au Sieur Bérenger sous le no. 22 (1 Avril) ni sur ce que j'ai dit à M. de Brantzen: j'ai fait entendre très explicitement à l'un et à l'autre, et surtout au dernier, que si les patriotes pensoient qu'il conviendroit à la situation de la République de contracter des engagemens politiques avec la France, le Roi ne refuseroit pas de les écouter, et que S.M. répondroit avec la disposition à seconder l'intérêt des Provinces Unies, et à leur donner les marques les moins équivoques de sa parfaite amitié. Pour achever de les tranquiliser vous pouvez leur dire que le Roi est disposé à contracter une alliance défensive avec la République, sauf les engagemens qui lient S.M. avec d'autres puissances, et sauf la contestation actuellement subsistante avec le Gouvernement Général des Pays-Bas. Il est à présumer, Monsieur, que cette ouverture fera tomber l'idée d'une alliance maritime, parce que nous suposons qu'elle n'a été imaginée que pour suppléer quant à présent à une alliance générale. Mais si contre toute vraisemblance, les patriotes vouloient encore tenir à leur alliance partielle, vous leur représenterez, Monsieur, que nous y trouvons beaucoup d'inconvénients, et que le Roi est nullement disposé à y donner les mains. Le sentiment du Roi à cet égard est fondé sur le principe suivant, savoir: que l'alliance qu'il s'agit de contracter ne doit par sa nature donner ombrage à aucune puissance de l'Europe, et qu' aucune ne puisse la suposer dirigée contre elle. Or le contraire arriveroit si nous ne faisions qu'une alliance maritime; en effet, l'Angleterre la regarderoit, et auroit raison de la regarder, comme dirigée essentiellement contre elle; et cette opinion établiroit entre nous et la Cour de Londres une méfiance et une mauvaise volonté qui nuiroient infiniment au système pacifique que S.M. a adopté. D'un autre côté, la République en contractant des engagemens généraux, pourvoiroit en même tems à sa sûreté sur le continent comme sur mer, et loin que cette disposition augmentât sa dépense par la nécessité d'entretenir des troupes, elle seroit plutôt propre à la diminuer, puisque les Provinces Unies auroient la puissance du Roi pour point d'appui. | |
Vauguyon aan Vergennes, 7 Mei 1784.Belgiojoso heeft de eischen des Keizers medegedeeld; groote verslagenheid. Les patriotes sont persuadés plus que jamais qu'ils ne peuvent se maintenir que par une alliance défensive avec S.M., et ils comprennent parfaitement que pour que cette alliance soit solide et durable, elle doit être fondée sur l'intérêt commun, mais ils sentent qu'ils ne peuvent être utiles à la France que par leur marine et leurs colonies, qu'ils ne sauroient rendre l'une et les autres vraiment respectables qu'autant qu'il leur sera possible d'y employer tous les efforts de leur puissance; qu'ainsi il leur importeroit de n'être pas obligé dans aucune occasion d'accroître leur armée dont l'augmentation, indépendamment de cette grande considération, mena- | |
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ceroit tôt ou tard leur liberté intérieure, et pour cet effet, que dans tous les cas où ils pourroient en vertu de l'alliance devoir fournir des secours en troupes de terre sur le continent de l'Europe, leur contingent à cet égard fût compensé par une somme d'argent, et que dans tous ceux où ils pourroient être menacés d'une invasion aggressive sur le même continent, la bienveillance généreuse du Roi les préservât efficacement. Cette base ainsi posée, ils désirent ardemment contracter l'alliance maritime et coloniale la plus étenduë, et s'astreindre à la rendre la plus efficace à l'intérêt commun; ils m'assurent que tel est le voeu général de tous les patriotes et notamment des régences les plus considérables, et c'est en conséquence de la connaissance certaine qu'ils en ont acquise qu'ils ont redigé un projet d'articles formant l'élément du traité proposé et qu'ils m'ont instamment prié de vous le faire parvenir. Permettez, M. le Comte, que j'analise en peu de mots ce projet. La proposition de contribuer efficacement à préserver le territoire hollandois en Europe de toute invasion aggressive par terre, qui en forme le premier articleGa naar voetnoot1), ne me semble pas contrarier notre système, puisqu'il est vrai que nous ne pourrions pas le laisser envahir, sans compromettre notre intérêt essentiel, et que cet acte de protection nécessaire à la tranquilité des Etats-Généraux le seroit aussi à la nôtre; si nous jugions devoir entendre cette proposition, et déterminer les secours qu'il conviendroit de donner dans le cas de cette aggression invasive, il pourroit être stipulé aussi que pour établir la réciprocité à cet égard, la République seroit tenuë à nous fournir une somme équivalente en argent, car il importe effectivement de ne jamais la mettre en état d'augmenter ses troupes, la conservation de sa liberté intérieure convenant essentiellement à nos principes; mais il me paroitroit préférable d'adopter sur ce point l'énoncé général du projet proposé. L'article qui stipule la garantie des établissements dans les deux Indes me semble présenté de la manière la plus avantageuse. Il ne l'établit que dans le cas où ils seroient troublés par une puissance européenne, et par conséquent ne nous engage pas essentiellement dans les démêlés avec les princes indiens; il prévient en même tems des discussions importantes sur le principe de l'aggression qui rendent très souvent inutiles toutes les stipulations défensives et qui pourroient fournir dans la suite à la République elle-même des prétextes évasifs, et par une conséquence très immédiate, il nous assure que dans le cas où une nouvelle guerre s'élèveroit, sous quelque raport qu'on en envisageât les premiers dévelopemens en Europe, nous pourrions dans l'instant même en vertu du devoir contracté de garantir les établissemens hollandois, nous y porter, et en jouir comme des nôtres même contre l'ennemi que nous aurions à combattre, ce qui relativement à l'Inde me semble d'une importance inappréciable. L'article qui engage la République à établir sa marine et ses colonies sur le pied le plus respectable, ne me semble pas moins intéressant; en | |
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effet non seulement il tend au maintien et à la restauration de ces deux grands objets, mais il les met en quelque sorte sous une inspection immédiate de S.M. qui pourroit forcer l'administration hollandoise à suivre un plan constant et éclairé, et à écarter toute négligence de son exécution, et sous ce point de vuë il me paroit qu'il rend les établissemens des Hollandois et leur marine aussi utiles à la puissance du Roy qu'à celle même de la République. | |
Projet d'articles formant l'élément du traité proposé.Article premier. - Il y aura une paix ferme, inviolable et universelle et une amitié vraye et sincère entre Sa Majesté Très Chrétienne et les Seigneurs Etats-Généraux des Provinces Unies des Pays-Bas ainsi qu'entre leurs sujets respectifs et tous les pays, villes, isles et places situés sous leur domination. Article 2. - S.M.T.C. contribuera sincèrement et cordialement à assurer autant qu'il lui sera possible la tranquilité des Seigneurs E -G. et à les préserver efficacement de toute invasion aggressive de leur territoire en Europe. Article 3. - S.M.T.C. et les Seigneurs E.-G. dans la vuë d'assurer dans les deux Indes entre les puissances européennes qui y ont des établissements, l'équilibre essentiel et la Conservation de la paix générale, se promettent de se maintenir réciproquement en possession de leurs établissements respectifs dans les dites deux Indes, tels qu'ils les possèdent maintenant, et de ne pas souffrir qu'il y soit fait aucune attaque, ni porté aucun domage par aucune des dites puissances, sans distinguer quel aura été l'aggresseur en Europe, bien entendu toutes fois que dans le cas où l'une des deux puissances alliées pourroit être aggresseur dans les deux Indes, l'autre puissance alliée ne sera tenuë à aucune assistance effective, tant que les établissements de l'une des deux dites puissances ne seroient pas effectivement attaquées on menacées par l'ennemi. Article 4. - Dans le cas où l'une des deux puissances contractantes éprouveroit des hostilités sur mer, elles se promettent et s'engagent à s'entr'aider mutuellement, d'abord par des bons offices, et si ces bons offices ne produisent pas l'effet désiré, par des secours en vaisseaux de guerre qui seront ultérieurement déterminés. Article 5. - Si, lorsqu'il s'élèvera une guerre maritime, les deux puissances restent en paix, elles se garantissent réciproquement la jouissance de la liberté des mers, conformément aux principes fondamentaux de la neutralité qui seront ultérieurement dévelopés, et s'ils sont troublés à l'égard de l'une des deux, elles se promettent de s'entr'aider d'abord par des bons offices, et si les dits bons offices n'ont pas l'effet désiré, par des secours en vaisseaux de guerre qui seront ultérieurement déterminés. Article 6. - Si les deux puissances engagées dans une guerre maritime ont un ennemi commun, elles s'obligent à concerter ensemble les mesures qu'elles jugeront les plus propres à lui nuire. Article 7. - Si les deux puissances engagées dans une guerre maritime | |
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ont un ennemi particulier, chacune d'elles employera tous ses moyens contre son ennemi, et elles s'entr'aideront réciproquement par des bons offices mutuels. Article 8. - Si par une conséquence de la prestation des secours réciproques qui pourront être une suite des hostilités maritimes qu'éprouveroit l'une des deux puissances, ou du maintien de la garantie respective des établissements des dites deux puissances dans les deux Indes, il survenoit en Europe une attaque par terre du territoire de l'une des dites puissances, S.M.T.C. s'engage à défendre et à protéger celui des E.-G. par un nombre suffisant de troupes de Terre qui sera ultérieurement déterminé, mais les E.-G. ne pourront jamais être tenus de fournir réciproquement des troupes de Terre à S.M.T.C., et le cas prévu par le présent article arrivant, les dits secours de leur part seront compensés par une somme d'argent qui sera ultérieurement convenuë. Article 9. - Les Seigneurs E.-G. s'engagent à entretenir constamment leurs forces maritites de manière qu'ils puissent être en mesure de mettre en mer au premier besoin le nombre de vaisseaux qui sera ultérieurement déterminé, soit pour maintenir la neutralité maritime dans le cas où les deux puissances resteroient également en paix, soit pour fournir des secours dans le cas des hostilités maritimes, soit pour assurer la garantie des possessions respectives dans les deux Indes. Article 10. - S.M.T.C. s'engage réciproquement à employer ses forces maritimes au maintien de la neutralité maritime dans le cas où les deux puissances resteront également en paix, à la prestation des secours dans le cas des hostilités maritimes, et à l'assurance de la garantie des possessions respectives dans les deux Indes. Article 11. - S.M.T.C. s'engage à maintenir ses établissements dans le meilleur état de défense possible et à donner aux Seigneurs E.-G. tous les éclaircissements qu'ils pourront désirer, tant sur la situation des dits établissements que sur celle de ses forces maritimes. Article 12. - Les Seigneurs E.-G. s'engagent à mettre et à maintenir leurs établissements dans les deux Indes tant relativement à la garnison des places qu'à leur fortification et à celle des différents ports, dans le meilleur état de défense et tel qu'il pourra être concerté entre les deux puissances; s'engagent également les dits Seigneurs E.-G. à donner à S.M.T.C. tous les éclaircissements qu' Elle pourra désirer, tant sur le maintien des dits établissements que sur l'entretien habituel de leurs forces maritimes. NB. Quant à la base des stipulations purement relatives au commerce, les deux puissances pourront se promettre de se traiter respectivement comme la nation la plus favorisée, et S M.T.C. sera priée de conserver aux E.-G. les faveurs dont Elle veut bien les laisser jouir présentement sans qu'ils aient l'avantage d'avoir avec Elle un traité de commerce. Quant au tarif, il pourroit être convenu que la confection en seroit renvoyée à des Commissaires, afin de ne pas retarder la Conclusion du traité, dans lequel il ne seroit fait d'autre mention du dit tarif que pour exprimer | |
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que dans le cas où il seroit ultérieurement arrêté, il auroit la même force et la même valeur que s'il y avoit été inséré mot pour mot. | |
Vauguyon aan Vergennes, 21 Mei 1784.De patriotten verzoeken hem in den Haag te blijven ten minste tot Brantsen in staat gesteld is, te Versailles het werk der alliantie ter hand te nemen. Je crois pouvoir penser sans me faire illusion, que ma présence ne sera pas inutile à l'exécution de leurs desseins patriotiques, et je me détermine conformément à la permission que vous m'avez accordée, de différer jusque là la remise de ma lettre de rappel. | |
Résultat du dernier entretien des patriotes avec M. le Duc de Lavauguyon, avant son départ de La Haye, remis par cet Ambassadeur a son arrivée a Versailles.Le système des patriotes relativement à l'alliance qui doit être proposée à S.M. consiste essentiellement dans les principes qui ont déterminé les articles élémentaires dont ils ont fait parvenir le projet. Ces articles sans engager les Etats-Généraux dans des querelles qui doivent leur être étrangères, et en les soustraiant au danger de se trouver obligés de consentir à une augmentation de troupes, funeste pour leur liberté intérieure, tendent à assurer à leur territoire en Europe la protection effieace du Roi et à offrir en échange à S.M. l'employ de tous leurs moyens sur les mers et dans leurs établissemens des deux Indes. S'il étoit jugé convenable par S.M. de rendre plus générale la garantie exprimée dans ces articles, et d'établir la réciprocité des secours sur une base plus étenduë, ils désireroient que les cas où elle devroit avoir lieu fussent specifiés précisément, et que la compensation des secours en troupes de terre fut toujours déterminée en argent. Les patriotes, certains de leur prépondérance, se chargeroient bien de proposer le traité ainsi conçu à la délibération des provinces, mais il leur paroitroit plus désirable que S.M. après avoir reçu avec bonté la proposition générale d'une alliance défensive, daignêt leur en faire parvenir Elle-même le plan fondé sur les principes qu'ils viennent de déveloper, et ils croyent pouvoir assurer S.M. de la prompte adhésion de tous les membres de l'Union. | |
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Vergennes aan Bérenger, 1 Juli 1784.- J'ai communiqué confidentiellement à M. de Brantzen un projet d'articles. Cet ambassadeur l'a envoyé secrètement à M. le Grand-Pensionnaire, et dès qu'il sera de retour avec les observations de ce ministre, j'en conférerai ministériellement, pour la forme, avec les deux ambassadeurs; tout cela sera fait, à ce que j'espère, dans le courant de cette semaine, au moyen de quoi la conclusion plus ou moins prompte dépendra uniquement des Etats-Généraux. La célérité avec laquelle on s'occupera de cette besogne préviendra les efforts du ralliement des Anglomanes à M. Harris, et je présume que cette reflexion donnera un nouvel essor à l'activité des patriotes. | |
Bérenger aan Vergennes, 2 Juli 1784.Vergadering van de leiders der patriotten, ter bespreking van het overgezonden ontwerp. Ils ont unanimement applaudi à la sagesse profonde et à la respectable modération qui caractérisent tous et chacun des articles de ce projet, il n'en est aucun qui ne porte l'empreinte de la bienveillance du Roi pour la République. Ils tombent d'accord que la stipulation de réciprocité est de forme consacrée par une pratique constante et d'ailleurs nécessaire pour ôter toute suite de jalousie et de reproche. Slechts bij één ding kunnen zij zich niet neerleggen: .... la note en marge de l'article 2, qui porte que la garantie n'auroit son effet que d'après l'arrargement amiable qui se négocie à Bruxelles entre l'Empereur et les Provinces Unies. Cette note, qui, je ne sais comment ni par quel hazard, a été connuë et ébruitée en Hollande plusieurs jours avant que le projet de traité y ait été envoyé, a produit dans ce Païs une très facheuse impression; nos amis la tiennent fort secrète et protestent qu'ils n'en ont point connoissance, mais les Anglomanes la publient avec ardeur et en affirment l'authenticité; vous jugerez aisément que cette arme, maniée par eux avec l'adresse et la malice d'un ennemi alerte qui ne néglige aucun moyen de reculer sa défaite, déconcerte les esprits foibles. M. de Bleswick soupçonne des intrigues ténébreuses. Amsterdam est régie dans ce moment par quelques Magistrats gangrenés; leur règne à la vérité ne sera pas long, mais leur perversité ne sera pas oisive pendant qu'ils resteront en place. D'après ces diverses considérations, il avoit été imaginé de remettre la confection du Traité au tems où les différens avec l'Empereur seroient terminés, où en mesure de l'être, sur un pied satisfaisant; on comprenoit que la France se départiroit difficilement et même qu'on ne peut pas sans indiscrétion la prier de se départir envers ce Prince de l'attention exprimée dans la note marginale; la suspension imaginée en auroit sauvé à la fois la nécessité pour Elle et pour la République d'éviter les em- | |
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barras et les inconvenients incalculables qui en dérivent; mais quelque plausible que pût être cet expédient, des reflexions importantes ont obligé d'y renoncer: 1o. on n'a pas voulu s'exposer au soupçon de ne pas répondre avec la gratitude et l'empressement convenables aux témoignages de bienveillance et de magnanimité du Roi; - 2o. il a paru qu'un délai indéterminé et par lui-même et par la nature des choses auroit renvoié à une époque encore plus incertaine, un ouvrage salutaire et dont l'intérêt essentiel de la patrie doit faire presser l'exécution; - 3o. enfin on a pensé que le Corps des Administrateurs et des Magistrats sur les lumières, l'union, l'énergie et le zèle desquels on doit principalement compter pour le succès, n'étant point à l'abri des vicissitudes humaines, il importoit de ne pas le mettre au hasard de quelque révolution ou de quelques circonstances imprévues qui pourroient le faire échouer. Quel fil prendra-t-on, Monseigneur, pour se conduire dans les sentiers épineux de ce Labyrinthe, et pour franchir les obstacles qui semblent fermer toutes les issuës? Les patriotes n'en trouvent qu'un: ils chargent par ce Courier M. de Brantzen de vous le soumettre, non pas avec la confiance que vous en serez pleinement satisfait, mais avec la prière la plus instante de l'adopter comme le seul qui leur paroisse propre à diminuer les difficultés qu'ils apréhendent, et qu'ils ne se flattent pas de vaincre s'il étoit rejetté. Ils vous suplient, Monseigneur, de ne rien changer au projet de Traité, de le conserver quant au fonds et à la forme tel qu'il est et de consentir seulement à la suppression de la note en marge de l'article 2; ils espèrent que moiennant cette nouvelle marque de la protection du Roi, ils rendront vaines toutes les manoeuvres de leurs antagonistes, et qu'ils seront assez forts pour conclure l'alliance aussitôt que les formes de leur constitution et la nécessité indispensable du suffrage unanime de tous les confédérés le permettront. Pour engager S.M. à accorder cette grâce, et Lui témoigner en même tems qu'ils n'ont rien plus à coenr que de concilier leurs besoins avec la respectueuse déférence qu'ils doivent à Ses vuës et à Ses principes, ils proposent de consigner dans un article séparé et secret la stipulation par laquelle la garantie réciproque n'aura son effet qu'après l'accommodement avec l'Empereur; ils se bornent à demander que cette stipulation secrète soit accompagnée de la promesse des bons offices du Roi, et que la nouvelle assurance qui en sera donnée sera conçuë dans les termes les plus tranquilisants, de manière qu'en cas de nécessité ils puissent s'en prévaloir utilement pour détruire l'imputation d'indifférence et d'abandon que leurs Ennemis osent faire contre S.M., et démontrer au contraire la constance et la sincérité de l'intérêt qu'Elle est disposée à prendre à la préservation de la République. | |
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que je ne doutois pas que le Roi pour constater la réserve qui y est énoncée, ne se prêtât à une forme qui put convenir aux patriotes. Effectivement, sur le compte que j'ai rendu à S.M., Elle a décidé qu'il ne seroit fait aucune mention dans le traité ni dans un article séparé, du différent subsistant entre la République et le gouvernement de Pays Bas, et que la réserve que ce différent exigeoit, seroit seulement énoncée dans une note que je remettrois aux deux ambassadeurs Vous voudrez bien. Monsieur, confier ces détails à M. de Bleswick. | |
Note, communiquée confidentiellement a messieurs de Berkenrode et de Brantzen. - Versailles, le 13 Juillet 1784.- L'objet essentiel du Roi, en contractant une alliance défensive avec les Provinces Unies, est d'assurer autant qu'il peut dépendre d'Elle, la tranquilité de la République tant par terre que par mer. C'est dans cette vuë que S.M. garantira toutes les possessions Hollandoises dans quelque partie du monde qu'elles soient situées. Mais il est de règle et d'un usage universel et constant, que ces sortes de garanties ne sauroient porter sur des objets litigieux parce qu'elles auroient un caractère offensif à l'égard de la puissance vis à vis de laquelle la litige existeroit. D'après ce principe le Roi garantira dès à présent toutes les possessions, droits et immunités de la République, à l'exception des objets qui font la matière de la négociation actuellement entamée à Bruxelles entre l'Empereur et les Etats-Généraux; mais S.M. déclare en même tems qu'Elle garantira également l'état des possessions et des droits de la République tel qu'il aura été réglé avec S.M. Impériale, qu'Elle continuera Ses bons offices auprès de ce Monarque en faveur de L.H.P. et qu'Elle fera tout ce qui pourra dépendre d'Elle pour amener les choses à un arrangement d'une convenance réciproque. | |
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