Il n'est pas douteux que la situation des affaires de Mgr. le Prince en Hollande est très scabreuse pour le présent et même dangereuse pour le futur; que S.A. a déjà beaucoup perdu de son éminente dignité et qu'Elle est menacée d'en perdre encore davantage, mais je crois qu'il n'y a encore rien de desespéré, et que S.A. peut parvenir à rétablir peu à peu ses droits et ses intérêts par une conduite sage et également modérée et ferme, et en profitant habilement des avantages que les circonstances du tems paroissent lui offrir.
Autant qu'un étranger qui n'a jamais été en Hollande, peut juger de la surface générale des affaires, il me paroit incontestable que ce qui a le plus nui aux intérêts de la Serenissime Maison d'Orange, c'est la prédilection qu'on lui a supposé pendant longtems pour l'Angletere. Cette Puissance ayant tenu envers la Hollande la conduite la moins politique et à la fin très hostile, le parti aristocratique ou opposé à la Maison d'Orange en a profité pour confondre les objets et pour envelopper le Prince Stadhouder dans la haine de la Nation Hollandoise contre les Anglois, et de lui attirer en même temps par toutes sortes de fausses relations et d'interprétations la haine décidée et la persécution de la Cour de France, ainsi que de son parti nombreux en Hollande. Mgr. le Prince est parvenu à dissiper une grande partie de ces illusions de la Cour de France par la mission de M. de Heiden et encore plus par les insinuations fréquentes que le Roi a fait faire par M. le Baron de Goltz au Comte de Vergennes, et par les assurances très fortes qu'il a fait donner à ce Ministre de la conduite impartiale du Prince et nullement contraire aux intérêts et aux vuës de la France. Le Comte de Vergennes paroit être presqu' entièrement revenu de ses préventions. Il ne paroit plus croire aux relations sinistres des ennemis du Prince.... A juger par le dernier entretien, que M. de Bérenger a eu avec M. de Thulemeier, et que ce dernier à communiqué à Leurs Altesses, il paroit que le Comte de Vergennes a donné des ordres précis à M. Bérenger, de ne plus travailler contre les intérêts du Prince, mais de tempérer plutôt la fougue du parti aristocratique, et de travailler à retablir le calme et l'union.
Ce qui paroit avoir le plus contribué à ce changement favorable de la France, c'est après les fortes instances du Roi, la conduite en même tems hostile et équivoque, que l'Empereur tient présentement vis à vis de la République.... Il n'est pas indifférent à la France de voir subjuguer la République par son ancien rival et encore moins de voir revivre les anciennes liaisons de la maison d'Autriche avec les deux Puissances maritimes. Le Sieur Bérenger n'en cache pas sa jalousie au Sieur de Thulemeier, et lui a même assuré que pour peu qu'il fut assuré que le Prince ne favoriseroit pas les vuës de l'Empereur, il engageroit aussi le parti contraire à s'y opposer avec vigueur.
Il faut donc que Mgr. le Prince fasse montre d'une grande fermeté dans tout ce qui regarde l'Empereur. Ce sera le moyen le plus propre de se concilier et de s'assurer également l'amitié des Cours de France et de Prusse, qui ont un intérêt commun à cet égard, et de convaincre de son véritable patriotisme la plus grande partie de la Nation Hollandoise, qui sans le plus grand