Brieven 1888-1961
(1997)–Alexander Cohen– Auteursrechtelijk beschermdAan W. van Ravesteynaant.Toulon, ce 19 iv. 1945
Bien cher Monsieur Ravesteyn. - Voici les démons par l'Enfer vomis,
Chassés de votre infortuné pays
Foulé aux pieds, dévasté, saccagé,
Pillé, vide, torturé, çnassacré
Avec une cruauté toute méthodique,
Impitoyable autant que ‘scientifique’,
Pendant cinq ans, puis laissé pantelant
Sous l'écrasant fardeau de la détresse
Physique mais invaincu moralement,
Grace à son inflexible et fiére jeunesse,
Qui tenant tête, sans crainte, à la tigresse
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(monstre hybride plutôt, né de l'accouplement
d'un père tigre et d'une mère hyène,
dans les sombres forêts de l'Hyrcanie germaine)
L'a vu s'enfuir enfin, la gueule ensanglantée,
Bavant de rage mais l'échine bas courbée.
Et maintenant, n'oubliez pas
Et moins encore, pardonnez
A ces maudits, a ces damnés,
A ce peuple de quatre-vingts millions,
Qui, sauf de rarissimes exceptions,
Ont tout su et tout approuvé,
Des maux que vous ont infligés
Les maîtres qu'ils s'étaient donnés
Bien librement, par libre choix!
Les adulant comment jamais rois
Ni empereurs de droit divin
Ne l'ont été au cours des ages.
Témoins muets des pires carnages
A moins qu'ils n'y applaudissent!
Tous les complices se sont faits
Des tortionnaires monstrueux,
Des exterminateurs hideux,
Régisseurs de macabres danses,
De millions d'êtres sans défense,
Hommes, femmes, adolescents, enfants,
Pendus, étranglés, mutilés,
Disloqués, vivisectionnés
Par leurs plus éminents savants,
Gazés, asphyxiés, puis brülés,
Réduits en cendres, que, pratiques,
Ils recueillaient dans des barriques
Et dans des sacs étiquetés,
Soigneusement enregistrès
L'humain engrais utilisèrent
Pour enfumer leurs tristes terres
Et faire pousser leurs pommes de terre!
N'oubliez pas! N'oubliez rien!
Et moins encore pardonnez!
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Ceci dit, cher monsieur Ravesteyn!, je vous prie de bien vite nous donner de bonnes nou[velles] de vous-même et de ceux qui vous sont chers. Et voudriez-vous par là mêmeGa naar eindnoot1 occas[ion] nous renseigner sur le sort de mon cousin van Zwanenburg (18b 's Gra[vendyksche]wal) et de sa familie dont, depuis plus de cinq ans, nous n'avons eu au[cune nou]veile? Sont-ils vivants? Sont-ils morts? Ont-ils survécu à la destructfion af-[reuse] de votre pauvre ville de Rotterdam, où, dans ma prime jeunesse, j'a[i passé de] bien heureux jours? - Croyez-moi, bien fidèlement, votre
Alexan[dre Cohen]
Quant à nous deux, ma femme et moi, nous nous portons assez bien. - Quant à moi je l'ai échappé belle ici. Si la Gestapo avait su qui j'étais!
Y a-t-il a nouveau des journaux en Hollande? Si oui, envoyez-moi quelques-uns. |
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