Brieven 1888-1961
(1997)–Alexander Cohen– Auteursrechtelijk beschermd[Brieven 1940]Aan W. van Ravesteynaant.Toulon (Var), ces 18 février - 7 mars 1940
Cher monsieur van Ravesteyn,
J'ai bien reçu tous vos envois: votre bonne lettre du 10 janvier, les bonnes feuilles de votre article sur la Révolution Française (dont les résultats et les conséquences, un siècle-et-demi après date, ne m'apparaissent plus, quant au bonheur de l'humanité en général, comme de premier ordre), et, ces jours-ci, la coupure de journal (lequel?) où il est parlé des ‘succédanés de succédanés’ dont les Boches se régalent de plus en plus. La remarque de l'interlocuteur de ce correspondant berlinois: que l'Allemagne ne souffrirait jamais d'une pénurie de victuailles, et que, par conséquent, le problème de la boustifaille n'y joue aucun róle, pour cette raison péremptoire ‘que le vigoureux régime dont elle jouit peut faire manger aux gens, comme aussi ne pas leur faire manger, tout ce qu'il lui plaît’, cette remarque m'a fort amusé. Tout est la, évidemment, et c'est proprement sublime! J'ai été enchanté de voir l'historien que vous êtes arriver aux mêmes conclusions, formulées par moi, dans le Telegraaf, dès avant la signature de la triste paix de Versailles. Je lis, en effet, dans votre lettre du 10 janvier: ‘Ma conviction est aussi que la paix ne saurait être durable sans garantie durable, c'est a dire sans la destruction de l'unité allemande. Seulement: je crains que l'opinion anglaise est encore loin de l'acceptation de cette formule’. Je reviendrai plus loin sur votre appréhension quant a cette rétivité en la matière de l'opinion anglaise, sur quoi, documents en mains, j'espère pouvoir vous rassurer. En attendant, voici, pour votre délectation, un | |
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texte de Goethe, reproduit d'après la version française des Conversations avec Eckermann (Editions Charpentier, Paris 1862, tome II, pages 66-67), oeuvre dont vous avez certainement, à la Bibliothèque Municipale, une édition dans le texte allemandGa naar eindnoot1. Vous connaissiez, sans doute, cette page, pour l'avoir lue plus ou moins récemment. Je la connaissais aussi, mais l'avoue que, ma dernière lecture des Conversations datant d'au moins vingt ans, le souvenir s'en était un peu estompé. J'ai donc été bien content de la voir, ces jours-ci, reproduite par Maurras dans l'Action Française. Jeudi, 23 octobre 1828. Le ‘sage de Weimar’ avait bien vu les choses! On peut se demander, une bonne centaine d'années après ce 23 octobre 1828, ce que la Kultur allemande, depuis l'unification, a produit de réellement grand en dehors des terrains scientifique et technique, une technique surtout de destruction. Le Reich unifié et prussianisé d'après 1864-'66 et '71 a empoisonné et rendu irrespirable l'atmosphère de l'Europe, qui, depuis, ne connaît plus trêve ni sécurité. Et elle continuera de vivre dans un perpétuel état d'alerte (agrémenté, tous les 15 ou 20 ans, jusqu'a extinction de tous les petits et moyens états encore indépendants, par des boucheries plus ou moins générales) si la prochaine et inéluctable | |
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défaite du Reich n'est pas consacrée, définitivement, par là dislocation de la Béte et par le rétablissement, dans leur souveraineté et leur interdépendance, de tous les Etats et Etaticules d'avant 1866. Hors de la, point de salut! Et la raison du plus fort sera, en l'occurrence, d'autant plus ‘la meilleure’, que l'Allemand n'en comprend et n'en a jamais compris d'autre. Il ne croit, en la redoutant, qu'à la force, dont il use impitoyablement lorsqu'elle est de son cóté. Sans doute, parmi ces 65 à 70 millions d'esclaves, d'esclaves féroces, il doit bien y avoir quelques centaines, mettons quelques milliers de gens convenables, ‘decent people’ comme disent les Anglais. Mais l'ensemble des Teutons est une immense horde de brutes, d'insensibles brutes, approuvant tout en applaudissant à tout ce que font leurs sataniques maîtres, élus - ne l'oublions pas! - par eux mêmes. Avec quel enthousiasme toujours croissant! Hitler annexe l'Autriche? Famos! Il récupère les frères sudètes, il engloutit la Bohème et la Slovaquie, dont il se proclame le Schutzherr? Grossartig! Il se rue de mèche, depuis de longues années, avec le compère Staline, sur la Pologne? Wundervoll! Tous ils sont d'accord dans leur admiration, leur déification du Führer. Tous, vous dis-je! à l'exception peut-être des quelques centaines ou des quelques milliers d'individualités mentionnées ci-dessus et qui ne disent rien parce qu'elles ne peuvent rien dire sans être étripé sur place. Mais lorsque, dans quelque temps d'ici - et que Dieu ou les dieux veuillent que ce soit bientôt! - la défaite viendra, alors, oh! alors ils renieront, d'une seule tonitruante gueule, leurs bien aimés bergers d'aujourd'hui, comme ils renièrent, après le ‘Zusammenbruch’ de novembre 1918, leur Friedenskaiser, ce PicrocholeGa naar eindnoot2 de Guillaume II. J'entends d'ici - et vous de même, n'est-ce pas? - leur gémissement: ‘Das haben wir nicht gewollt!’ Eux, ils ont invariablement chéri la Paix, la concorde, la bonne entente entre tous les peuples de la terre! Leur devise, de tout temps, a été: ‘Alle Menschen Brüder!’Ga naar eindnoot3 Les vrais coupables, les seuls, ce furent Hitler, Goering, Goebbels, Hess, Himmler, Streicher und Kompagnie!... Evidemment, Hitler est, quant au présent, ‘die Gestalt der wahren Sphinx’, l'incarnation même de l'Allemagne. Mais ce n'est pas Hitler qui à fait l'Allemagne! C'est elle qui l'a porté dans son giron et engendré, comme la mère engendre son enfant. Il est à son image comme elle l'est à la sienne. Hitler, c'est l'Allemagne à son paroxysme, mais c'est l'éternelle Allemagne. Et tant que la Germanie unifiée existera il n'y aura ni tranquillité ni sùre existence pour aucun peuple. Avec la petite | |
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trentaine de pays allemands autonomes d'avant 1866, par contre, la cohabitation pacifique serait possible, et même le bon voisinage. Vous savez que ce n'est pas d'aujourd'hui seulement que date, chez moi, cette conviction, que, pendant plus de vingt ans, je l'ai inlassablement ex-primée. Vivent donc, pour le plus grand bien de l'Europe, les royaumes de Bavière, de Saxe, de Wurtemberg, de Hanovre, les grand-duchés de Bade, de Hesse-Darmstadt, de Hesse-Nassau, et dix, et vingt autres duchés, et grand-duchés, et principautés, et villes-libres: Hambourg, Brême, Lübeck, Altona etc. Quant à la Prusse, il faudra y incruster la république, démocratique et sociale bien entendu! Et tout comme on imposa à la pauvre Autriche d'avant l'Anschluss, le docteur Zimmermann,Ga naar eindnoot4 ancien bourgmestre de Rotterdam, comme dictateur aux Finances, on pourrait, à la Prusse ainsi rehpoeblikanisée et dehmokratisée, infliger le camarade internationaliste Léon Blum comme Führer, chancelier et ministre des Affaires Etrangères. Blum a perpétuité! Blum voronoviséGa naar eindnoot5 tous les trimestres, afin qu'il vive longuement! Comme ministre des Finances on enverrait a Berlin - a fonds perdu également! - le camarade Vincent Auriol, dont l'inégalable incompétence en la matière, si brillamment étalée sous le premier proconsulat de Blum, ferait merveille dans cette Prusse définitivement et incurablement sozial-demokratisirt! Avec ces deux naufrageurs-en-chef installés sur les bords fleuris de la Spree, la France serait tranquille. Et vous autres, Hollandais, de même! Et la Belgique, et la Scandinavië! Et tous les autres petits et moyens pays, menacés, dans leur existence et leur indé- pendance, par là vorace et féroce Béte. Que vous en semble-t-il Sur cette inéluctable nécessité, si l'on veut continuer de vivre, de détruire l'unité allemande, tout ce qui, ici, pense sainement et logiquement, est d'accord. Et vous aurez vu, par là lecture de nombre de coupures de journaux que je vóus ai adressées, il y a quelque jours, qu'en Angleterre également la saine raison gagne du terrain dans les têtes lucides. J'attire tout particulièrement votre attention sur l'article de Jacques Delebecque, chef de la rubrique Politique Etrangère à l'Action Française, où il est parlé de la très significative évolution de Wickham Steed,Ga naar eindnoot6 ancien directeur du Times, dont vous avez naturellement suivi la grande activité politico-journalistique ‘genevoise’ d'après-guerre. Certes!, ce très notoire ‘épongiste’ et réembrasseur de Boches ne conclut pas encore nettement et directement à la nécessité d'en finir avec la pan-Germanie. Mais sa constatation: ‘Nous sommes placés en | |
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face d'une tâche beaucoup plus formidable que celle qui consiste a briser la domination d'Adolf Hitler et du Troisième Reich (je souligne. - C.) sur l'Allemagne et l'Europe Centrale’, et sa remarque désabusée qu'il serait ‘imprudent de compter sur la rapide apparition d'une ‘bonne Allemagne après l'écroulement de l'hitlérisme’, cette constatation et cette remarque, ne laissant que bien peu de place a d'autres solutions compatibles avec la coexistence et la souveraineté d'Etats autres qu'une Germanie instatiable et pratiquement illimitée. Donc: disloquons l'Infame! après l'avoir écrasé!Ga naar eindnoot7 Vous avez vu plus haut que tout ce qui, en France, pense sainement et logiquement, - et j'ajouterai: proprement, sans arrière-pensée intéressée - se trouve d'accord la-dessus. Serez-vous très surpris d'apprendre que Blum, le ‘cordial camarade’, naguère encore, des traîtres communistes, a qui lors de la constitution de son second cabinet (d'aisance)Ga naar eindnoot8, il avait offert quelques portefeuilles, tomberez-vous des nues, cher monsieur van Ravesteyn, si je vous dis que ce Blum se met en travers de ce courant d'idées salutaires et qu'il se démène, inlassablement, afin que, la Béte a nouveau terrassée - au prix de quels sanglants sacrifices? - il ne soit fait nulle peine, même legére, à sa bien aimée Allemagne, patrie vénérée du marxisme et berceau de la Sozialdemokratie internationale, dont il se considère comme le Gauleiter in partibus pour la France?Ga naar eindnoot9 Il court, il voyage, il confère, il conspire avec tous les Attlee,Ga naar eindnoot10 tous les GreenwoodGa naar eindnoot11 et autres têtes creuses du travaillisme anglais et du socialisme flamando-belge - Kamiel HuysmansGa naar eindnoot12 -, et quotidiennement, dans son Populaire, où, depuis vingt ans et plus, il tient boutique d'erreurs insanes et de consciente imposture, lui-même et ses sousordres usent de tous les sophismes imaginables en faveur du maintien du Reich unifié, il espère voir ressaisir, après la chute de l'hitlérisme, les leviers de commande par là Sozialdemokratie. Ne cherchez nulle part ailleurs le mobile de ses préoccupations et de ses louches entremises. Ce qui, pour ce tortueux messianiste et plat ambitieux, chez lequel on chercherait en vain la moindre élévation d'esprit, la moindre noblesse de sentiments, comme en avait, incontestablement, l'illuminé Jaurès, son prédécesseur à la tête du ‘Parti’, ce qui, pour Blum, devra résulter de cette nouvelle boucherie, c'est uniquement la chute de Hitler et de sa bande et leur remplacement au pouvoir par l'équipe de sozialdemokrates qui se tient toute prête dans la coulisse, tant à Paris qu'à Londres. Pour commencer, on ferait peut-être une petite place au ‘bon’ chancelier WirthGa naar eindnoot13 - qui, dès 1921, a RapalloGa naar eindnoot14, amorga, avec les émissaires de | |
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Staline, le re-partage de la Pologne - a Hermann Rauschning, le ‘dévoileur’ des idées de derrière la ça-Boche de son ancien patron Hitler, et, qui sait!, afin de se concilier une Partie des Nazis dissidents, au Volksgenosse Otto Strasser,Ga naar eindnoot15 ennemi intime du bel Adolf. Mais les postes principaux dans le Reich ainsi reconsolidé seraient reoccupés par tous les Loebe, tous les SeveringGa naar eindnoot16, tous les BreitscheidtGa naar eindnoot17 et autres vieux débris de la Sozialdemokratie weimarienne, qui, a plat ventre d'abord devant Hindenburg et Stresemann, dont ils acceptèrent et exécutèrent tous les mots d'ordre de trahison afin de ‘rouler’ la France, réprésentée, pour son malheur, par le calamiteux ‘Apotre de la Paix’, sa sequelle et quelques uns de ses successeurs au quai d'Orsay - ensuite, pendant le règne de Hitler, terrés dans leurs trous de rat où le Führer fit mine de les oublier. Loebe, l'ancien président du Reichstag, fut, je crois, hébergé quelque temps dans un camp de concentration, d'où Hitler, magnanime, le tira... en récompense, sans doute, de l'activité déployée, naguère, par lui, Loebe, en faveur de l'Anschluss. Quant a Breitscheidt, pendant toute la durée du régime de Weimar, il faisait la navette entre Berlin et Paris, pour, a chaque voyage, en accord fraternel avec Blum, Salomon GrumbachGa naar eindnoot18 et consorts, arracher aux Briand, aux Paul-Boncour, aux Herriot e.t.q., quelque nouvel abandon, en faveur de la République allemande, soeur et amie, et aplanissant ainsi le chemin par où Hitler allait surgir. Comme circonstance atténuante, légèrement atténuante, quant à l'abjecte soumission des chefs sozialdemokrates, on peut avancer, que, dès l'avènement du ‘Schuft’ de Berchtesgaden, ils furent lachés par leurs électeurs, ces mêmes électeurs dont le prophéte Blum, à la date du 8 novembre 1932, avait proclamé, coram populo - c'est a dire: coram... Populaire -, qu'ils avaient ‘exclu Hitler du pouvoir et même de l'espé- rance du pouvoir’, et qui, quatre mois après, passèrent armes et bagages au service du nouveau Maître. Le 11 mars 1933, sept jours exactement après les élections du 4, qui assurèrent la victoire de Hitler, la Confédération des syndicats socialistes votaient la résolution, hypocritement, entortillé, que voici: ‘Les syndicats ne sauraient prendre position quant aux conséquences des élections. Les grandes associations professionnelles des ouvriers allemands sont conscientes de leur devoir en cette heure qui, pour le pays et pour le peuple, revêtira une importance historique. Elles continueront a travailler à l'accomplissement de leur mission.’ En même temps le chef syndicaliste LeipartGa naar eindnoot19 assurait les dirigeants du IIIe Reich de ‘l'attachement passionné’ de sa Confédéra- | |
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tion a ‘l'unité et l'indépendance de l'Allemagne’. Attachement passionné qui, lors de quatre plébiscites consécutifs, se traduisit par l'approbation quasi-unanime de la politique hitlérienne par le corps électoral allemand, socialistes et communistes inclusivement. (Je trouve les données ci-dessus dans un fascicule de la collection: Cahiers de l'Economie nationale, intitulé: Le Marxisme au service de Vimpérialisme allemand.) Je connais le fallacieux argument de tous les Blum de la ne Internationale: ‘L'immense majorité de l'aimable peuple allemand est terrorisée par là bande au pouvoir et n'aspire qu'à s'en libérer! ’ Blague et imposture! Aucun pouvoir au monde ne saurait ‘terroriser’ des dizaines de millions d'individus - 43 millions aux dernières élections! - au point de les contraindre a perpétuer, par le moyen de plébiscites, et a contrecoeur, une domination abhorrée! Si!, tout de même. Un pouvoir, un seul, peut se permettre une terreur semblable: le Pouvoir soviétique, délégué, comme chacun sait, du prolétariat dictatorial, et qui, disposant de tous les moyens de production, et par voie de conséquence, détenteur et distributeur de tous les articles de consommation, tient à sa merci absolue, 160 ou 180 millions d'esclaves étroitement surveillés. La-bas - ou la-haut! - la péremptoire mise-en-demeure: ‘Friss, Vogel, oder stirb!’, autrement dit: ‘Vote comme on te l'ordonne, ou crève de faim!’, a gardé toute son efficacité. J'ignore mais la chose me paraît vraisemblable, si en Soviétie les prisonniers politiques et autres jouissent du droit primordial et constitutionnel d'élire leurs propres geóliers, dispensateurs souverains du pain d'écorce de bouleau, des têtes de harengs pourris, des soupes de feuilles de betteraves etc., qui constituent la pature coutumière des hótes de la Guépéou. C'est un sozialdemokrat allemand, le camarade Kurt Falk, qui, il y a quelques dizaines d'années, préconisa, dans une brochure consacrée aux Droits et Devoirs du par-fait Marxiste, cette prérogative du citoyen-sous-les-verroux. Ce qui est certain, c'est que les sujets de Staline, occupés dans les usines de l'Etat (qui possède toutes les usines) jouissent du devoir d'y élire leurs maitres, contre-maîtres, contrôleurs, surveillants etc. L'image ci-incluse, découpée dans l'Emancipation Nationale, - l'hebdomadaire du très courageux Jacques Doriot - révèle avec quel entrain, avec quelle franche gaieté ils s'en acquittent! Pauvres gens! Voyez leurs figures apeurées, abruties, hagardes. Il y en à un qui ferme les yeux, sans doute pour ne plus voir les traits aimés et vénérés des camarades-candidats pour lesquels il vote bien librement, sous le vigilant regard des garde-chiourme | |
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du Parti. Pauvres dictateurs prolétariens! Ce sont les mêmes que le Kremlin envoie, par dizaines de mille, périr sur les champs de bataille de la Finlande.Ga naar eindnoot20 A ce propos... Si je me réjouis, comme bien vous pensez, des victoires des Finlandais, noble petit peuple qui se couvre d'impérissable gloire en résistant, comme il le fait, à l'assaut de la Horde, je ne puis me défendre d'une certaine pitié à l'égard des lamentables victimes, sacrifiées par l'impérialisme stalinien, et qui se battent, elles, sans foi en quoi que ce soit, et, en fin de compte, pour la perpétuation de leur propre et indicible misère. Quant aux Boches, que la guerre fauche et fauchera encore, nulle commisération ne me trouble Pentendement. Plus on en tue, mieux cela vaudra! Car ils savent, eux, pourquoi ils se battent! Leurs guerres, de tous temps, ont été des guerres de domination, de butin, de rapine, de pillage, et ils les entreprennent et les poursuivent d'unanime accord. Leurs moeurs et leurs méthodes guerrières, n'ont pas changé depuis Wallenstein. Le meurtre pour la sadique joie du meurtre. Le massacre pour le démoniaque plaisir de verser le sang. La destruction pour la destruction. La cruauté. érigée en principe, en article de foi. Voyez comme ils traitent les vaincus! Et comme, vaincus eux-mêmes, ils sont laches et vils! C'est une race de loups et de louvetaux, à l'égard de qui toute manifestation de pitié et de générosité serait une stupide et suicidaire duperie, qu'il vaudra mieux, le Béte a nouveau terrassée, ne pas recommencer. Aussi bien, et dès maintenant, peuvent ils bien, quant à moi, crever de faim, jeunes et vieux, grands et petits. S'ils meurent jeunes ils ne vieilliront pas et ils ne deviendront pas, a Finstar de papa, de grand-papa et de leurs ancêtres de toujours, des envahisseurs et des dévastateurs. C'est toujours cela de gagné! Il n'y a que le Boche mort qui ne morde pas! Qui ne mordra plus! Pour Fempêcher, pendant un bon laps de temps tout au moins, de mordre tout le monde, il n'existe qu'un seul moyen: disloquer le Reich en fermant Poreille aux chants de sirene des aspirants-successeurs de Hitler et de sa bande, a savoir: les compères sozialdemokrates, délogés, sans coup férir, par le bel Adolf, et qui, dès maintenant, se préparent a le remplacer à la tête d'une Allemagne restée Une-et-Indivisible. Vous trouverez ci-inclus le texte du manifeste, adressé par le ‘Conseil Exécutif du Parti Social-Démocrate allemand’ - résidant à l'étranger - au peuple allemand. J'espère que, comme moi, vous vous délecterez à la lecture du passage où les onctueux auteurs de ce rescrit pastoral envisagent le moment où leurs braves compatriotes, innocents comme | |
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l'enfant qui vient de naître des crimes du seul Hitler, se rueront, ‘les mains tendues pour la réconciliation’, à la rencontre des vainqueurs, qui, sans doute, seront tout disposés à tout re-pardonner et a re-passer l'éponge. A condition, toutefois, que ‘le peuple allemand’, pendant qu'il en est temps encore, se ‘désolidarise (verbalement) de ces crimes’, et fasse entendre aux Polonais et aux Tchèco-Slovaques, victime du ‘systè- me hitlérien’, qu'il ‘ne les considère pas comme ses ennemis mais comme des alliés dans la lutte pour la liberté’. Faute de quoi, les vainqueurs, tout débonnaires et accomodants qu'ils se soient montrès à l'issue de l'autre guerre fraiche et joyeuse, pourraient finir par croire a ‘la complicité du peuple allemand’, ce qui, entre autres conséquences regrettables, pourrait faire naître ‘une haine profonde’ et ‘une soif de représailles’, qui ‘l'emporteraient alors sur toutes les forces de réconciliation’. Vous voyez la manoeuvre, n'est-ce pas? Manoeuvre concertée, de toute évidence, entre les Breitscheidt et consorts, prétendants à la couronne de l'Allemagne-Une, re-dehmohkratisée et re-fraterniseuse, - d'une part, et, de l'autre, les Blum, les Attlee et consorts, interprêtes patentés et éprouvés des ‘forces de réconciliation’. Que le Ciel dispense, aux futurs négociateurs, aux futurs dictateurs de la paix, de ce cóté-ci de la barricade, ce qu'il faut de lucidité pour percer ces meurtrières ruses, et l'inébranlable décision de les déjouer! S'entoureront-ils, lorsque la Béte se sera effondrée, de conseillers perspicaces, décidés d'‘en finir’, non pas avec le seul ‘hitlérisme’ mais avec l'éternel et insatiable pangermanisme dont il est la fidéle expression? Espérons-le! Car sans cela, tout serait perdu, définitivement cette fois!
Pour finir, je voudrais, aussi succinctement que possible, vous rappeler que la Sozialdemokratie allemande, mère-nourricière de la calamiteuse Internationale no 2 - qui, ceci dit en passant, ne vaut pas mieux que les no 3 et 4! - a toujours été pan-germaniste, impérialiste, tout comme le fondateur de l'Eglise, le grand Karl, auteur du Kapital, lui-même, qui était panbismarxiste! ‘Prolétaires de tous pays, unissez-vous!’...sous la férule allemande. C'est la pensée intime du Maître, formulée, on ne peut plus nettement, dans sa lettre au compère Engels en date du Il septembre 1867: ‘Les choses marchent (en français dans le texte). Et la prochaine révolution, qui est peut-être plus proche qu'il ne semble, nous (c'est a dire toi et moi), aurons ce puissant instrument (a savoir “l'Association Internationale des Travailleurs” - C.) dans notre main.’ | |
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Mais il y a mieux et plus clair encore! Le 20 juillet 1870, tout au début de la guerre, que Bismarck, grâce à la falsification de la ‘dépêche d'Ems’Ga naar eindnoot21, a réussi a faire déclarer par Napoléon in, Marx écrit a Engels: ‘Les Français ont besoin d'une raclée (Die Franzosen brauchen Prügel) ... Si les Prussiens sont victorieux, la centralisation du pouvoir de l'Etat favorisera la centralisation de la classe ouvrière allemande. La prépondérance allemande, en outre, transférera le centre de gravité du mouvement ouvrier européen de France en Allemagne; et il suffit de comparer le mouvement dans les deuxpays, depuis 1866 jusqu'd présent, pourvoir que la classe ouvrière allemande est supérieure à la française tant au point de vue de la théorie qu'à celui de Porganisation. Laprépondérance, sur le thédtre du monde, du prolétariat allemand sur le prolétariat français serait en même temps laprépondérance de notre théorie sur celle de Proudhon.’ Il faut donc que la France soit vaincue! Et Engels, le stratègue du répugnant duumvirat, fait éclater tout son enthousiasme dans la lettre qu'il adresse, à la date du 31 juillet 1870, à l'ami Marx: ‘Ma confiance dans la force militaire des Allemands s'accroït chaque jour: C'est nous (sic!) qui avons gagné la première bataille sérieuse.’ Le 5 septembre 1870-trois jours après SedanGa naar eindnoot22 - le Comité central du Parti Socialiste allemand, résidant a Brunswick, lance une circulaire dans laquelle on lit, entre autres choses: ‘Un de nos plus distingués et plus anciens amis et collaborateurs de Londres nous écrit: ‘...Un but sérieux est atteint, et si la classe ouvrière allemande ne réussit pas a jouer le róle historique qui lui est assigné, ce sera de sa faute. Cette guerre a transféré en Allemagne le centre de gravité du mouvement ouvrier continentale.’ Cet on ne peut ‘plus distingué ami et collaborateur de Londres’ n'était autre que Marx, qui, furieux de se voir ainsi désigné et ses intrigues dévoilées, exhala, dans une lettre a Engels, datée du 10 septembre, sa colère contre les camarades de Brunswick, qui, dit-il, ‘non seulement impriment textuellement les extraits de ma lettre, mais encore me désignent on ne peut plus clairement comme l'auteur de la lettre (sie zeigen auf mich mit der Heugabel als den Briefschr eiber). Ils reproduisent des phrases comme celle sur le transfert du centre de gravité du mouvement ouvrier continental de France en Allemagne, etc., qui devaient servir a les stimuler, eux, mais qui sous aucun prétexte ne devaient être publiées. Je dois encore m'estimer heureux qu'ils n'aient pas imprimé ma critique des ouvriers français. Et la-dessus mes gaillards | |
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d'envoyer, tout chaud, leur compromettant factum à Paris! (sans compter Bruxelles et Genève). Je leur laverai la tête, mais la sottise est faite’.Ga naar voetnoot* N'en ayant pas le texte sous la main, j'ignore en quoi, dans sa lettre au Comité de Brunswick, avaient consisté les ‘critiques des ouvriers français’, que ce vil intrigant de Marx se félicitait de n'avoir pas vu reproduites dans la circulaire en question. Mais dans sa correspondance avec Engels - et pas avec Engels seulement! - ce chauvin pangermaniste, qui, dans une lettre a Bolte.Ga naar eindnoot24 datée du 23 novembre 1871,5e rengorge d'être ‘von Haus aus ein Deutscher’, et qui dans la coulisse toujours, applaudit à l'oeuvre sanglante de Bismarck, traite, coutumièrement, lesdits ouvriers français de ‘crapauds (Kroten)’, d'‘imbéciles’, (die dummen Kerle in Paris), de ‘chauvins’ (sic!), d'‘ignorants’, de ‘vaniteux’, de ‘bavards’ etc. Et avec quel mépris se gausse-t-il de ‘ces imbéciles d'ouvriers parisiens’, qui, dans leur naive foi en la fraternité universelle, prêchée par Marx, s'adressent, au lendemain de la chute du second Empire, au ‘peuple allemand’ pour l'inviter, ‘au nom de la justice’, de retirer ses armées du territoire français’ et de ‘repasser le Rhin’. En voilà d'impertinents nigauds, qui, en lui envoyant à lui, Karl Marx, ‘des masses de leur ridicule manifeste’... ‘se permettent en outre de m'envoyer des instructions télégraphiques pour me préscrire la manière dont je dois faire la propagande chez les Allemands!’ (Marx a Engels, 10 septembre 1870).
Où je veux en venir, et pas seulement par ces citations d'une si aveuglante clarté, auxquelles il serait aisé d'en ajouter une infinité d'autres du même acabit
A ceci:
Que l'Internationale marxiste a été, de fondation, une entreprise pangermaniste; Que la Sozialdemokratie allemande, sous le pseudonyme d'‘Internationale Ouvrière’, en a toujours conservé, en l'accentuant toujours! le | |
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caractère, et qu'elle a, dès le début, cherché et réussi, a dominer, a vassaliser, toutes les ‘Sections’ étrangères;Ga naar voetnoot* Que, dès avant la guerre de 1914, cette Sozialdemokratie à fait cause commune avec son Kaiser - rappelez-vous le vote, par là Fraktion socialiste du Reichstag, au printemps 1913, du crédit extraordinaire de 1500 millions de marks, exigé par le Grand Etat-Major de SchlieffenGa naar eindnoot25 et destiné a des constructions d'artillerie lourde! - et que, pendant la guerre... guerre d'agression si jamais il en fut!, et jusqu'a la debacle de novembre 1918, - souvenez-vous, entre autres choses, du discours - d'Ebert, futur président de la République de Weimar, en faveur de l' ‘impitoyable guerre sous-marine’ - elle persista invariablement dans cette attitude... fùr Gott, fùr Kaiser und Vaterland!; Que pendant toute la durée de ‘Weimar’ elle recevait et exécutait joyeusement les instructions et les ‘directives’, tant de GrönerGa naar eindnoot26 et de von SeecktGa naar eindnoot27 pour la reconstitution et le renforcement de la Wehrmacht, que de Stresemann, de Wirth et de BrüningGa naar eindnoot28 pour le bernement de la France, rendu bien facile par là sombre imbécillité de l'‘Apótre de la Paix’, Aristide Briand, et de sa presse fonds secrétière; Qu'elle a ainsi préparé le lit pour Adolf Hitler, avec qui, sous maint rapport, et notamment quant à sa politique de non-exécution du traité de paix et ses ‘acquisitions’: Autriche, Tchéco-Slovaquie, Memel, Pologne (je maintains: Pologne!),elle a été tacitement mais fervemment d'accord, et qu'elle ne reniera de fait, en le trainant, au besoin, aux gémonies, qu'à l'heure de l'effondrement du Troisième Reich. Autant de raisons, ne vous semble-t-il pas?, de ne pas lui confier - et point davantage a quelque autre parti politique d'outre-Rhin! - le gouvernement d'un Quatrième Reich uni, où, dix, quinze ou vingt ans après, surgirait un autre Hitler pour remettre le monde a feu et a sang. Delenda Carthago! Il faut détruire l'Unité allemande et en revenir aux ‘allemagnes’... au pluriel. Hors de la, tout serait désastre! Donc, sus à la Béte! Sus aux deux Bêtes, celle de Berlin et celle de | |
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Moscou, ennemies du genre humain, et ouvertement accouplées a présent.Ga naar eindnoot29 Bien cordialement votre
Alexandre Cohen.
p.s. - Comment se porte votre femme? Le mauvais hiver et les tristesses des temps ne l'ont-ils pas trop éprouvée? Et votre fils, est-il toujours mobilisé et affecté à la défense contre avions? Est-il pointeur? Et bon pointeur? En ce cas, j'espère qu'il ne brùlera pas sa poudre aux moineaux. Les ‘Heinckel’, les ‘Messerschmidt’ et les ‘Dornier’, qui survolent la Hollande encore neutre, sont un gibier beaucoup préférable. Que Dieu bénisse ses armes et la justesse de son tir!
Vous vous calomniez en qualifiant votre français d'‘abominable’! Sauf, et bien rarement encore, quelque tournure de phrase inusitée, vous écrivez fort bien en français. Je le pense et le dis très sincèrement!
Autre chose encore: avez-vous eu, depuis le mois d'août dernier, des nouvelles de la copie que vous avez bien voulu vous efforcer de placer ici ou la? Vous m'avez écrit, a cette époque, que vous aviez donné ma traduction de Swift - ‘Conseils aux Domestiques’ - a Dirk Coster, pour sa revue De Stem. Coster, me disiez-vous, est ‘un peu négligent’, mais vos relations avec lui étaient assez intimes pour vous permettre de l' ‘aanporren’ un peu, si besoin en était. Je serais bien content, pour plus d'une raison, qu'il publiat ma traduction de cette mordante mais amusante satire. - Et quoi de mes Contes d'enfants, qui, je crois - sans me le rappeler avec certitude - ont été remis par vous à la rédaction du Nieuwe Gids? (Si Dirk CosterGa naar eindnoot30 se décide a publier le Swift, veuillez lui demander de m'en faire, en temps utile (mettons: un mois à l'avance) et recommandées, les épreuves en doublé exemplaire. Je tiens essentiellement a faire moi-même la correction. -) |
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