Brieven 1888-1961
(1997)–Alexander Cohen– Auteursrechtelijk beschermd
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Aan Kaya Batutaant.Bois-le-Duc 27.6.99 (adresse: Mme Polak Pensmarkt Bois-le-Duc) Kaya chérie, Me voici chez ma soeur, où je suis arrivé hier soir, vers neuf heures. Ma soeur est très affectueuse, son mari est en voyage et il y a deux enfants dont je préfère la plus petite, une fillette de un an.Ga naar eindnoot1 Cette petite est délicieuse et naturellement déjà au mieux avec moi. - A l'instant je reçois ta carte de samedi (a midi). De Dokkum, où, en passant, j'ai demandé à la poste de me faire suivre mes lettres, on Fa expédiée ici, de façon que je l'ai eue plus tôt encore que je ne l'eusse eue a Schiermonnikoog]. Hier, de Leeuwarden (a la gare) je t'ai télégraphié, comme il était convenu: autre adresse. Dèsormais donc tu m'écriras directement ici. - J'ai eu une journée bien triste hier. Pas dormi la nuit, dehors a 6 heures, départ à 7 et puis en route jusqu'a 9 h. du soir, seul avec ma souffrance. Temps pluvieux et gris, comme toujours quand je voyage. - Tu es donc allee pour voir Cl.[emenceau] sans le trouver. Il faut battre le fer pendant qu'il est chaud, autrement dit hater les choses, car je ne pense pas que ce ministère extraordinaire - et intéressant - vive longtemps. Cl. ne doit pas ignorer que Lépine m'est personnellement hostile, et la raison de cette hostilité est uniquement dans le fait que j'ai réussi en août 1895, Lépine régnant, de rentrer en France et de pénétrer jusque dans la Conciergerie sans que sa police en ait pu ou su l'empêcher. Raisonna-blement L. ne peut pas m'en vouloir, car si lui avait intérêt a me faire arrêter, moi je tenais énormément a me présenter sans accompagnement de gendarmes. - Parenthèse: non, je ne resterai pas longtemps ici, je m'ennuie déjà. Ma soeur est très affectueuse, très bonne, elle me comble, me gave de toutes sortes de nourritures, la petite fillette est très gentille, le petit garçon est très bruyant et me fatigue. Je suis ici au 3lème étage, chambres énormes, vue sur une petite place où se tient un marché. J'ai l'âme morne, morne, morne. Il n'y a que Paris qui puisse me sauver si je suis encore a sauver. - J'ai vu G. la veille de mon départ, elle m'a demandé instamment de bien bien te saluer de sa part et de te dire comment sa lettre a toi a été interrompue par là maladie de Mathilde. | |
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Elle a fini cette lettre hativement - je n'ai pas trop bien compris ce qu'elle m'a dit au sujet des dernières lignes hativement jetées sur le papier, et tient a ce que tu saches comment cela s'est fait. - Veux-tu m'envoyer des journaux, tout les jours? (Si ton petit budget le permet, du moins). Ce sera du moins une distraction. Pense a ce que je t'ai dit par rapport a Millerand. S'il demande a Waldeck-Rousseau (intérieur) a titre de faveur personnel de me permettre de rentrer en France, la chose est faite. Reste a savoir si Cl. est bien avec Millerand. Je ne vis que dans l'attente de ta lettre m'annon^ant la fin de mon exil. Je ne ferai qu'un bond vers Schiermonnikoog, et deux jours après je serai prés de toi. Que ce soit vite, car mon anxiété ne fait qu'accroitre. - J'ai pris avec moi, de l'ïle, une quantité de ces petites fleurs que tu aimes tant. Je t'en envoie ci-clos. J'aurai tes lettres un jour plus tôt maintenant, chérie, et toi les miennes. - Je cesse car je redeviens sombre et ne peut plus bien coordiner mes idees. Demain une autre lettre. Envoie-moi des journaux et ne lâche pas Cl. (et les autres) qui s'occupent ou disent vouloir s'occuper de mon affaire. - A demain, Kaya, chérie. Ma soeur me demande de te saluer. De tout mon coeur
ton Sandro |
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