Brieven 1888-1961
(1997)–Alexander Cohen– Auteursrechtelijk beschermd
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Aan Kaya Batutaant.Sch.[iermonnikoog] 25.6.99 (dimanche) Kaya chérie, J'ai lu dans les journaux d'hier soir qu'enfin il y à un ministère.Ga naar eindnoot1 Je m'en réjouissais déjà quand dans les journaux d'aujourd'hui je vis que le préfet Blanc a été cassé aux gages pour être remplacé par Lépine, l'identique préfet par qui j'ai été expulsé. Je crains que ce soit trés, très mauvais. Et je ne puis plus patienter... Il faut - si tu n'as pas encore été voir Cl.[emenceau] - y aller au plus vite et lui dire que c'est pour moi une question de vie et de mort. Dis-lui aussi que Lépine m'est hostile. Cela décidera Cl. peut-être a s'adresser directement au ministre de l'intérieur. Ne négligé rien, absolument rien, et rappelle-toi, ce que je t'ai écrit au sujet de Bernard Lazare et de son intervention. B.L. est très bien avec TrarieuxGa naar eindnoot2 et ReinachGa naar eindnoot3 qui, eux, sont je crois au mieux aussi bien politiquement, avec Waldeck-Rousseau, le nouveau président du conseil et ministre de l'intérieur. La où (peut-être) Cl. échouerait, B.L. pourrait réussir. Je suis sur que Lépine sera contre. Il ne faudrait donc pas que ma rentrée dépendït de lui. Il faut que Waldeck-Rousseau dise oui, simplement, et alors ce sera: oui. Tu sais mieux que personne, Kaya chérie, a quel point de découragement et d'affolement je suis arrivé et qu'une fin de non-recevoir opposée à ma demande signifierait pour moi la mort sans phrases. - Peut-être Clemenceau pourrait-il aller voir MillerandGa naar eindnoot4 (je ne sais pas s'ils sont bien ensemble), le nouveau ministre du commerce. Et Millerand pourrait alors demander comme une faveur personnelle à son collègue de l'intérieur de me permettre de rentrer à Paris. Si Cl. ne peut pas le faire lui-même, il t'indiquera sans doute q.q. qui pourra et voudra faire cette démarche. Tout ceci dit, uniquement sous forme d'indications et nullement pour t'imposer ma volonté. - Hier soir je n'ai pas pu t'écrire, car au lieu de rentrer a sept heures de notre excursion navale, nous sommes arrivés à 11 heures du soir, trop tard pour la poste. Probablement y a-t-il une lettre de toi en route que je recevrai demain. Je pense partir demain matin pour Bois-le-Duc, chez ma soeur qui m'a écrit aujourd'hui qu'on m'attend la les bras ouverts. Mon adresse est donc provisoirement: | |
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Mme PolakGa naar eindnoot5 Pensmarkt Bois-le-Duc Hollande Ecris surtout lisiblement. Maintenant voici ce que je compte faire. Si je puis rentrer à Paris, je retourne a Schiermonnikoog dès que j'en reçois la nouvelle par toi, chérie. Et de qui veux-tu que je l'entende, si non de toi, la petite sorcière qui rouvre, devant les proscrits désespérés, les portes de la patrie. Oui, la patrie; je suis Francais, nom de dieu, cent mille fois plutôt que les gouapes qui traïnent la France dans la boue du ridicule. Pourvu que je n'aie pas trop longtemps a attendre. J'emballe alors mes affaires, c.-à-d. les quelques choses que j'emporte d'ici et j'accours à Paris. Tu dis que je ne dois pas aller chez ta mère.Ga naar eindnoot6 Mais où te verrai-je alors? N'est-ce pas, chérie, tu seras à la gare pour me dire la bienvenue à Paris. Je pense que je serai un peu peureux et pas trop sur de moi, à Paris. J'ai tant souffert, dans la solitude et l'abandon que Paris, je crains, me fera l'effet d'un tourbillon. - Je trouverai sans doute moyen de t'écrire demain soir - lundi - dès mon arrivée a Bois-le-Duc, ne fût-ce que q.q. lignes sur une carte postale. Aujourd'hui, dimanche, quand j'ai su que je partais demain, il était trop tard pour te télégraphier: ‘autre adresse’, comme il était convenu. Je le ferai demain, a Dokkum, ou a Leeuwarden. - Cette après-midi j'ai vu G. et lui ai fait mes adieux. Elle à l'air très souffrante et fatiguée et la maladie de M. n'y a pas fait de bien. M. va mieux, mais pas encore bien. G. était très fâchée contre moi, ou plutôt indignée, indiciblement indignée. C'était par rapport a M. D'abord elle voulait a peine me causer. Je l'ai suppliée de m'écouter, ensuite je l'ai exigé, puis je l'ai priée encore. Elle m'a écouté et en partant elle m'a dit qu'elle me croyait sans réserve et que son estime pour moi avait grandi encore, justement parce qu'elle m'avait un moment méprisé. Je te raconterai tout cela après et tu sauras mieux encore ce que j'ai souffert ici depuis ton départ. Vite, vite, tire-moi d'ici, Kaya chérie! Je souffre trop et ne pourrai plus tenir longtemps. Si tu ne peux pas obtenir l'annulation pure et simple de mon arrêté d'expulsion, tâche d'au moins obtenir la ‘tolérance’ qui provisoirement suspend les effets de l'arrêté, et permet l'expulsé de rentrer en France. - Oh que ta dernière lettre - datée de mercredi - était bonne et réconfortante! Merci encore, Kayouchka chérie, pour cette lettre. Et que je te voie bientôt, bientôt. Je n'en peux plus. - De tout mon coeur
ton Sandro |
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