Brieven 1888-1961
(1997)–Alexander Cohen– Auteursrechtelijk beschermd[Brieven 1897]Aan Kaya Batutaant.Vendredi 15.1.97 (158ième jour) Kayenka dear,
Une agréable surprise, j'espère, ma lettre si tôt cette semaine. J'ai demandé a t'écrire un jour plus tôt et j'espère que tu auras celle-ci diman- | |
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che matin. C'est-a-dire, j'y compte, puisqu'on m'a promis qu'elle partirait encore demain, samedi. - Oui, chérie, tes lettres ont été bien, bien irrégulières cette semaine. Non que je t'en fasse un reproche que tu n'ailles pas à la poste, le soir, tard, avec le froid qu'il fait. Et aux autres non plus il ne faut pas demander cela. Mais deux fois tout de même, avant de connaître ce nouvel arrangement, j'ai été très inquiet. Ta lettre de dimanche je n'ai que mardi et celle datée de lundi soir, mercredi après-midi. Par contre, jeudi, hier, j'en ai eu deux: une a dix heures du matin et l'autre a midi. Au moment où j'écris (vendredi soir six heures) je n'ai pas encore de lettre. Peut-être apprendrai-je tout à l'heure qu'il y en a une et si non, ce sera sans doute pour demain. Maintenant, celle-ci reçue, fais-moi le plaisir de répondre tout de suite. Et comme ce sera dimanche, tu pourras écrire dans la journée au lieu du soir, et la mettre ou faire mettre à la poste pendant le jour encore. Je l'aurai alors lundi matin. - Tu as donc eu des nouvelles de Helen. Pauvre enfant! Et je doute fort qu'en Australië elle trouve la distraction qu'il lui faut à tout prix. Il n'y avait pour elle qu'un seul eqdroit: Paris! - Tu ne veux donc pas m'écouter au sujet des visites? Mais crois-m'en donc: te savoir faire ce désagréable voyage de Westzaan à la prison par un temps froid - comme aujourd'hui p.e.: froid et brumeux - me fait tant de peine. Et puis tu viens encore sans manteau! Ecoute ce que [je] vais te proposer: si le temps est beau ou passable - je ne dis pas mauvais - je veux bien que tu viennes, mais sous une condition: que ce jour-la tu ne retournes pas à Westzaan, mais que tu restes diner et coucher chez Domela. L'autre semaine tu l'as refusé et tu as très bien fait, car il ne fallait pas donner lieu a des inquiétudes chez les Molenaar. Mais cette fois-ci tu pourras le dire d'avance et rester à Amsterdam jusqu'au lendemain, samedi. Tu demanderas a Jo de faire de la musique et de chanter, tu pourras ‘have a smoke’ si tu fais chercher des cigarettes légères ou du tabac (et ce n'est pas a dédaigner après quatre mois d'abstention). Ah, mais dis donc, je dis des blagues, a ton instar: tu as fumé à Londres, il n'y [a] guère que deux mois. Ce n'est donc pas quatre mois, comme tu me veux faire croire. Quelle drôle d'histoire celle de ‘muffin’. Et bien, je suis tres, très heureux qu'il ait été acquitté, car c'est un brave garçon. 11 à l'air stupide, c'est vrai, mais il a du coeur. Je vois très bien Helen, avec cette vieille canaille de sollicitor. Comme c'est gentil a elle d'avoir fait ces démarches pour le pauvre ‘muffin’. - Quand celle-ci te parviendra, il me restera encore trois semaines a faire, à moitié autant de semaines qu'il y a de mois a faire. Mais j'avoue que ces dernières semaines me durent | |
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terriblement. En outre, je suis de nouveau très oppressé et l'asthme m'empêche de dormir des nuits entières. Puis j'ai parfois de forts maux de tête. Aujourd'hui même j'ai cru ne pas pouvoir t'écrire, tant ma tête me faisait souffrir. Je suis un peu mieux maintenant et j'en profite pour un peu causer avec toi. Merci, chérie, des fragments de Salammbô. Mais si tu as tant a faire, ne m'en copie plus. Ecris-moi seulement et je serai content. Sept heures. On vient de me dire qu'il y a une lettre pour moi. Me voilà tranquille. Je l'aurai demain seulement, car la personne qui lit le français, n'est plus la à partir de quatre heures. - Maintenant tu ne m'as toujours pas dit si, oui ou non, tu as envoyé la copie à F.[élix] F.[énéon]. Si, au moment de recevoir ma lettre, tu ne l'as pas fait encore, dis-le-moi, et en ce cas attends encore jusque vendredi. (C'est-a-dire si le temps n'est pas trop mauvais. Surtout ne risque pas de te casser les membres si les rues sont encore couvertes de glacé. C'est trop dangereux). Alors, vendredi on te donnera l'autre copie et tu pourras envoyer le tout à la fois. Mais alors fais cela tout de suite. Et qu'as-tu écrit à F.F. et a Victor? Tu ne me dis rien. As-tu dit à F.F. d'envoyer l'argent pour les traductions déjà publiées? Cette fois-ci je ne t'attendrai pas si tôt pour ta visite. Toi, de ton cóté, arrange-toi pour ne pas trop me faire languir. Ne prends pas le tout premier train, cependant. Et dis-moi dans une lettre postée, au plus tard, jeudi matin (lorsque Maarten va à l'école) si tu viens ou non vendredi. Si oui, tu m'enverras de chez Domela, vendredi soir, une petite lettre, pas? Et le lendemain, samedi, dès de ton arrivée, une autre. - Non, évidemment, je n'aurais jamais pensé, pas plus que toi, a des figues, si j'avais vu Maarten prendre son ‘pet’. C'est incroyable qu'à Westzaan on connaisse les ‘figues’. Je raconterai aux Piet l'histoire des figues de la rue Lepic, quand je serai libre. Je ne veux pas prendre tant de place pour une si peu importante histoire. - No, depend on it, when we shall be at the sea side, I shall tell nobody that you are a milliner. Both, we shall be entirely free and idle. I, for my concern, I shall not even touch a pen, during the week or fortnight that we shall stop there. I must have plenty of fresh air, and running and jumping and so you shall. True, the season is not a very fine one to spend on the sea side, but we can not alter that. And as I will have plenty to do afterwards, I intend to profit as much as possible of that holiday. As soon as I am free, I'll write to the gentleman in question, and ask him whether he can have us now, rather than in the summer. - Poor dear, how I pity you! Alle those silly women coming to see and admire your work and wondering at it. But, be patient. A few | |
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days more, and I'll come and deliver you. We shall be often together in the small room upstairs and have a... smoke. Of course, everybody knows that I smoke cigarettes, and so you can profit of that circumstance, in catimini, of course. I say: don't forget, the day you come to fetch me and take me away from this damned place, that you bring two or three cigarettes with you and a box of matches. I should like to light a ‘fig’ as soon as I put my feet outside the jail. So don't forget. But make them out of very light tobacco, less I might get sick as I have not smoked for so very long a time. This week I have had no letters at all, except yours. Still, I expect one from my brother. - So, the murderers and torturers are again at work in Spain? I do not wonder, I really hope that Theresa C.Ga naar eindnoot1 is safe and out of their claws. She is a splendid woman and has been ‘run in’ at least halve a dozen times. I'll know all about that when I am free again. You know, I have made my mind up, after much consideration. I know what I am going to do, once free. Of course, first of all, I intend to finish the volume of Multatuli, for which I have still to write a biographical notice. And for that I'll have to pay a visit to his widow, who, I believe, lives in Amsterdam.Ga naar eindnoot2 But, our holiday before all. On our way to the sea side we'll stop a day or two at the Hague, where I have many friends. The Hague is a fine city which will please you I am sure. From the Hague to Schéveningue (on the sea) is a mere half hour trip. Now, you see already that we will have a few pleasant days before we begin to toil again. So, don't be sad any more and make the best of that three weeks you'll have to stop yet at Westzaan. Time is marching fast now towards my liberation. Friday next there will be only sixteen days left - Si par hasard la Revue Bl.[anche] arrivait avec q.q. chose de moi, apporte-la. Vraiment, F.F. pourrait bien te l'envoyer régulièrement comme a Watergraafsmeer et Londres. Cela te distrairait. J'espère vraiment qu'il publiera encore q.q. fragments dans la R.B. Il en a toujours demandé et a présent qu'il en a... (Il est neuf heures bientôt. Je continuerai demain, samedi). Samedi matin, 16. - Je n'ai pas encore ta lettre de jeudi et je crains bien que je ne l'aurai pas avant d'avoir remis celle-ci. S'il y a donc là-dedans q.q. chose sur quoi tu demandes une réponse, je ne pourrai pas te la donner,... à moins de ne pas expédier ma lettre aujourd'hui. Mais je ne veux pas faire cela. - Tous les jours maintenant c'est la même histoire: un soleil magnifique jusqu'à 7½-8 heures et puis de nouveau, et pour tout le reste de la journée, de la brume et du vent. - Veux-tu penser à temps | |
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aux choses dont j'aurai besoin pour ma sortie? Il faudrait apporter cela le dernier vendredi, mais tu feras bien peut-être de sortir le pardessus un plus tôt. Le pardessus gris, le neuf, je veux dire. Et il me faudra aussi un col cassé et un petit front repassés. - J'ai demandé, mais en vain, une demi-feuille extra pour écrire à Piet. Je vais donc encore te prendre q.q. lignes. Je ne sais pas, mais il me semble que l'on doit avoir assez chaud dans ces petites maisonnettes en bois, hein? Je crois que c'est plus facile a chauffer que des maisons en briques. Dis-moi un peu si cela est exact. - Pourquoi n'as-tu pas écrit un mot aux Bast.[ié]? Vraiment, du moment où tu y étais, tu aurais pu joindre quelques lignes pour eux à la lettre de Félix ou de Victor. - Tu me demandes ce que je lis en ce moment. De l'anglais. Des livres que j'ai lus déjà il y a vingt ans - que je suis vieux! - et que j'ai plaisir a relire maintenant. Des livres d'enfants plutôt - c.-à-d. pour des gamins de 12 à 15 ans - mais en ce moment je ne puis rien supporter de plus sérieux. Je ne puis pas travailler non plus. Tu sais, il faut que tu sois polyglotte aussi. L'anglais marche déjà très bien. Après tu te mettras volontiers a apprendre l'espagnol, car c'est une langue bien belle et a laquelle tu t'initieras sans difficulté. Tu seras, si tu le veux bien, mon petit sec.[rétaire] de red.[action]. Cela te va-t-il? - D'ici rien de neuf, absolument. Les jours se suivent et se ressemblent. Si jamais ce dicton a été vrai, c'est en prison. Peut-être bien qu'un prisonnier professionnel l'ait formulé le premier. Depuis quelques semaines mes pancartes moralisatrices ne m'embêtent plus. Je les retourne contre le mur dès que je les reçois et elles passent en d'autres mains sans même que je les aie lues. Un événement! Tout est événement ici. Avant-hier on a enlevé nos cruches a eau (des cruches en grès de forme ordinaire, comme celles dont on se sert pour chauffer les lits) pour les remplacer par d'autres, plus jolies. Forme évasée au centre et illustrées en bleu, comme nos pots a beurre a Watergraafsmeer. C'est le seul objet qui ait une couleur, quelque chose de gai. - Encore deux dimanches a passer ici, sans compter demain. Tout de même, ce qui est derrière nous a passé assez vite. Te rappelles-tu comme je t'écrivais: encore huit, encore sept lettres après celle-ci. Et maintenant, il n'y a plus que deux a t'écrire d'ici. Mais comme ces trois semaines en perspective semblent longues! - A very dull letter, is it not? But, at least, it is not a sad one. Indeed, what news could I tell you? And I am not gay enough to tell anecdotes or stories. I only live in the past and in the future. Not at all in the present. I enjoy on forehand the pleasure we shall have when we shall be together on the sea side. Let us try to have as pleasant a holiday as possible. Did | |
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you already talk about that subject? I hope not. Don't. Wait till I am free. I hope that we may have as nice a weather as can be expected in the present season. - Do write reçularly next week. Post your letters in the morning, that's quite right. But do it reçularly and always through Maarten. Then I will always receive them at the same time, that is to say, the next day, about noon. - Onze heures. - Je reviens de la ‘promenade’. Quel froid terrible. II gèle dur. Tu sais, je compte absolument sur la promesse que tu m'as faite, au sujet de la glacé: que tu n'irais pas dessus. Je crois que tu gardera loyalement ta promesse. Réitère-la-moi, pour que je sois tranquille. - Mille millions de baisers de ton Sandro qui t'adore. (Je suis en train de relire toutes tes chères lettres. J'en ai déjà lu soixante-dix.) Je viens encore de demander pour ta lettre, avant que celle-ci parte. Mais je ne vois rien venir et il est presque midi.
Waarde vrienden. Al weer een week om, en nog drie te doen. - Wat een kou, niet waar? Ik verzeker u dat wy h^t voelen op de luchtplaats, slecht gekleed als wy zyn. Het vriest dat het kraakt. - Zoo, zyn ze in Spanje weer bezig. Gy begrypt dat ik hier anders niet veel nieuws hoor, wat de buitenwereld aangaat. Ik kan deze week een dag vroeger schryven, en dat zal Kaya dunkt my wel plezier doen. Nog twee zondagen na deze en ik hoop u allen gezond en wel de hand te kunnen drukken. Groeten aan de kinderen, grootmoeder en anderen.
Uw vriend A. Cohen
Wel bedankt, Jansje, voor uw brief van Donderdag. Ik ontving hem nu pas, Zaterdag twaalf uur. Ja, nog een beetje geduld moet ik hebben. Groeten aan grootmoeder en de kinderen.
Ne te casse pas la tête pour ta surprise, chérie. Comme j'ai dit, cela dépend de beaucoup de circonstances. Mais ce n'st pas un MarzorattiGa naar eindnoot3 - atlas, ni une montre. Cela te rassure, hein
Comme ce Gori est béte. Au lieu de retourner en Italië où, depuis l'amnistie, il aurait pu vivre, il retourne en Amérique, ce sale pays détestable. Mais que ne fait-on pas pour soigner sa petite po-pu-la-ri-té. Comme je plains cette brave Louise. | |
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S'il fait beau demain, dimanche, et si les routes ne sont pas trop glissantes, fais donc une bonne promenade avec Ma ou Maarten. Tu te rendrais malade à rester à la maison tout le temps. - Une lettre gaie, pas?, en réponse de celle-ci. Sandro.
Si tu écris à Helen, fais-lui mes amitiés. Tu as donc son adresse d'Australie déjà? Prends bien soin, chérie, de ne pas te refroidir, par ce temps. De la chambre chaude dans l'air glacial.
J'espère qu'une lettre de toi arrivera ce soir, samedi. Pourvu qu'on me la donne avant lundi. J'espère que ton mal de tête soit passé au moment où j'écris.
Enfin ta lettre de jeudi, chérie. Pauvre adorée, tu as si mal à la tête? Dis-moi dans ta prochaine lettre si cela va mieux. Oui, nous patinerons ensemble, et je te ferai cadeau d'une magnifique paire de patins. Mais jusqu'a ma sortie tu n'iras pas, n'est-ce pas? Il faut te promener un peu de temps en temps, pendant le jour.
Je pense à toi jour et nuit, Kaya dear, un peu de patience encore, pas? |
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