Brieven 1888-1961
(1997)–Alexander Cohen– Auteursrechtelijk beschermdAan Kaya Batutaant.Amsterdam, 25.10.96 Dear Sweetheart mine! What a nice, lovely letter I got to day! You know, that much coloured one. Perhaps you may be astonished to hear that I received that letter to day only, while you wrote it Thursday. But, I am sure you have posted it too late that day so it came only here yesterday - Friday evening - and it was handed to me this morning, Saturday, in company with your letter from Friday. Yesterday I've got nothing and to day two letters. And both so nice, especially the green-red-brown written one. It is, since long, the most amusing, the gayest letter I received. Your little drawing of the bus-drivers back - is it your own work? - is very good indeed and it made me laugh. And the narration of your walk with Helen and of your patriotic conversation with that bus-driver amused me very much too. - If I am not mistaken - for your figures are not always as plainly and clearly written as one might wish! - your intention is to depart from London on the 5th of November next. But I am afraid that that will be too late. Your return ticket is available for 60 days only and I do not know whether the days of departure and return are included in or excluded from that number of days. You departed from here on Monday, September yth. If the days I mentioned are in cluded then, if you depart from L. the 5th of November only, you will reach Amsterdam on the 61st day only, i.e. the 6th of November. Look here: Departure from Amsterdam on the 6th of September. That makes, for that month 24 days. October 31 days: together 55 days. Thus if you depart from L. on the 5th you will be back the 61st day only. Now the best thing to do is that one of these days, and the sooner the better, you go with Olive or Helen to the Great Eastern Railway Station, in Liverpool Street, to the inquiring-office, with your ticket to show it and to inquire about. At any rate, if I were you, I should not wait till the very last day. If that day you reach the station 5 minutes too late, your ticket is not any longer | |
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available and you will have to pay nearly a pound again. Furthermore, the season is not exactly beautiful for travelling purposes and in your place I should depart from L. the first smooth day in November. The weather is so very rough and windy now and it would make me so quiet and happy if I knew you were on your way back on a smooth and calm night. But, as I said before, inquire at the railway-station. - Oui, chérie, tu peux m'envoyer le petit dessin dont tu me parles: the second-class. Je peux te le renvoyer dans une prochaine lettre. Je l'ai demandé. Mais gare à la lettre, au taxe, j'entends. - Tu sais, ce n'est pas du tout la faute aux Hollandais que tes deux lettres aient été taxed. Ce sont bel et bien tes amis les Anglais qui ont cela sur leur conscience. Les enveloppes portaient und grand T imprimé ce qui est, en Angleterre, la marqué distinctive pour les lettres surchargées. En Hollande, comme en France, on y colle des timbres spéciaux portant ces mots: port a pay er (?) centimes. Donc tu as calomnié mes compatriotes et les accusant de rapacité! - Non, pour aller à la promenade je n'ai pas pu obtenir quelque chose pour mieux me couvrir. Et j'ai si froid! Dans la celluie aussi je suis glacé toute la journée. Lorsque j'écris je suis drapé dans mes couvertures ce qui est un peu gênant. Mais cela réchauffe - J'avais demandé une couverture en plus, pour la nuit, à ‘l'homme de science’ qui sévit ici. Naturellement il me l'a refusée. C'était la première fois qu'il entendait quelqu'un se plaindre du froid, disait-il. Je lui ai dit aussi que mon poumon commen^ait a me faire mal de nouveau. Des poumons faire mal. Jamais il n'avait entendu parler de cela. Néanmoins il m'a prescrit des poudres - sans toujours m'ausculter et il est parti. Il y a quelque temps je lui avais redemandé, pour là 2ième ou jième fois, de l'huile de fois de morue, dont j'ai absolument besoin, et que je prends toujours dehors, surtout l'hiver. Il disait que s'il m'en donnait il serait obligé de m'enlever autre chose. Cette autre chose... c'est le litre de lait, puisque je n'ai que cela. Naturellement je n'ai pas insisté, car ce lait me fait manger mon pain. Tu comprends, je n'aurais pas aussi terriblement froid si je pouvais prendre une nourriture plus fortifiante et surtout quelque corps gras qui développe beaucoup de chaleur.Ga naar eindnoot1 - Et à la promenade c'est terrible de froid! Chaque fois que j'y vais je me sens saisi par ce temps glacial. - J'ai demandé a parler au président du collége des régents et je pense que je le verrai au commencement de la semaine prochaine (c.-à-d. dans 2 ou 3 jours). Je lui expliquerai tout cela. Il faut absolument écrire a Piet, si tu ne l'as pas fait encore. C'est vraiment scandaleux. Chaque fois que eet excellent garçon m'écrit il me dit qu'ils | |
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n'entendent rien de ‘petit Kaya’ et il me demande des nouvelles de toi comme de moi-même. Et moi je ne puis pas lui répondre. Pas plus qu'a Domela. Ecris aussi un petit mot a celui-ci, que, si tu n'as pas écrit encore a Piet, tu pourrais mettre sous la même enveloppe avec prière a Piet de le remettre. - On a commencé aujourd'hui (c'est-a-dire hier, car j'ai cessé hier soir au bas de la page et je continue maintenant, dimanche, ma lettre) a chauffer, mais on ne s'en aperçoit pas beaucoup encore. Le chauffage se fait à la vapeur d'eau qui passé par des tuyaux de fer. Aujourd'hui ce tuyau m'a l'air bien froid. Seul le soir, quand le gaz est allumé, il fait un peu plus chaud. - Comme ces vers de Baudelaire dans ta lettre de jeudi sont magnifiques. Et si sonores. Est-ce dans le volume de Baudelaire qui est à nous que tu as trouvé cela. Jamais avant je ne l'avais lu. - Surtout, si tu as apporté de nos livres à Londres, ne les y oublie pas. - Tu sais ce que je veux demander? A avoir mes calgons de laine. Si on me le permet, je te l'écrirai et tu pourras me les envoyer dès ton retour. Cela me tiendrait le bas du corps et les jambes un peu plus chaud. - Cette semaine, chérie, je n'ai pas de fleurs a t'envoyer. C'est fini, tout à fait fini, la végétation. Et tu ne m'as même pas dit si tu as trouvé jolies celles de la semaine dernière. Tu m'as demandé seulement comment j'avais pu les avoir. Comme j'avais eu les autres. Les cages où l'on se promène sont elles-même pavées de briques, mais en passant la main a travers la grille qui les ferme d'un cóté, on peut parfois, dans l'herbe qui pousse dehors, attraper une fleur. On n'est pas toujours dans la même cage - il y en a plusieurs - et devant toutes il n'y a pas de fleurs. Mais a présent c'est fini partout, à l'exception de quelques fleurs de camomilles, qui ne sont pas jolies et qui ont un caractère trop médical pour être envoyées en souvenir. - Ne manque pas, avant de partir de L., de faire ce que je t'ai dit dans ma lettre de dimanche dernier. Profite de cette favorable disposition d'esprit de la petite personne pour dire ce que tu penses. Peut-être ne lui manque-t-il que cela pour se ressaisir et prendre une décision héroïque et salvatrice. - Refuser d'aller au Japon! Quel extraordinaire refus. Ah, si on nous faisait une semblable proposition, hein? - A propos du Japon. Rappelle donc un peu à Olive les japonaiseries que son père m'avait promises. Tu sais que nous n'en avons eues que trois et je serais bien content d'en avoir d'autres en sortant d'ici. J'aurai tant besoin de couleurs! - Ne m'envoie pas le dessin fait de toi par Helen. Cela s'abimerait dans une lettre. Emporte-le en Hollande, et puis, un jour de visite, tu demanderas que l'on me le remette. Si on veut me le donner, je garderai cela jusqu'à ma sortie et te le | |
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rendrai ensuite. - Le premier jour de visite en novembre est le jeudi 12 (comme c'est long encore!) - J'ai trouvé une autre distraction. En allant à la promenade je me munis de quelques miettes de pain que je distribue aux pierrots qui viennent la quelquefois. Je ne fais cela que depuis q.q. jours, mais déjà ils commencent a me connaître et a venir quand je les appelle. Ils viennent jusque dans la cage, prés de la grille, il est vrai, mais ils viendront bien plus prés dans peu de temps. La promenade dure une demi-heure et ces petits oiseaux me sont une distraction. - Il ne faut pas te mettre en tête, chérie, que tu t'ennuieras tant à Westzaan. Je comprends aisément qu'a Londres tu t'amuses davantage, pour mille raisons. - Mais pense à moi, combien je m'amuse a ne jamais voir personne. Emprunte des livres à Olive qui ne demande pas mieux que de t'en prêter, et surtout des livres anglais. Et des grammaires aussi. Tu étudieras l'anglais et cela te fera passer le temps utilement. - Ecris-mois encore des lettres avec des encres multicolores. C'est si gai! - Quant à la Devocion de la Cruz,Ga naar eindnoot2 j'attendais toujours la fin avant de le lire, mais ce que j'en ai lu, par-ci, par-la, me paraît très beau. - Je demanderai, à la fin de cette semaine, de t'écrire un ou deux jours plus tôt, pour que ma lettre te parvienne encore à Londres. J'espère qu'on ne me le refusera pas. - Autre chose maintenant. Ne sois pas assez sotte pour t'embarquer tout à fait sans le sou. Ce serait la plus grande bêtise que tu pourrais commettre. Si tu n'en as pas, demandes-en un peu à Olive. Tu ne peux pas faire ce voyage sans galette. Tes valises a transporter du wagon au bateau et du bateau au wagon; quelque chose de chaud a prendre a bord etc. etc. - Si la Revue B. publie un peu de Muit, j'aurai, en sortant d'ici, assez d'argent pour rembourser ce que Olive t'aurait prêté. Prometsmoi cela. J'en suis déjà soucieux maintenant, car je te connais bien. - Au retour tu débarques au Hook of Holland - pas avec le bateau jusqu'a Rotterdam! - où il y a deux trains: un pour Amsterdam et un pour Rotterdam. C'est le premier qu'il te faudra. La visite des douanes se fait à la gare comme lorsqu'on arrivé a Harwich. Ils sont la aussi rigoureux, et donc ne fraude pas. - Si tu peux le faire, il faut apporter q.q. petite chose pour les enfants de Piet. Je ne sais pas trop quoi, mais tu trouveras. Fais cela! C'est l'habitude ici que l'on donne q.q. choses aux enfants, au retour d'un voyage. J'avais pensé à un joli petit portemonnaie pour Ma (tu en trouveras de très jolis chez Parker and Cottins, corner Oxford Street et Rathbone Place et dans d'autres boutiques dans Oxford Street). Et pour Maarten une boîte avec plume, crayon, régie, gomme ou q.q. chose d'analogue. Q.q. chose de gentil. | |
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Très dróle l'Orator Prig.Ga naar eindnoot3 Et the little Vagabond est aussi très bien. Pas mal: Dieu qui s'arrange avec le Diable et qui boit un coup avec lui! Quand donc Olive m'écrira-t-elle de nouveau? Elle doit avoir le temps maintenant et des lettres me sont si bienvenues. Et Helen? Elle n'écrira donc pas décidément. Et que fait Paul? L'age d'or n'est donc pas encore venu pour lui? Rake a vraiment toutes les chances. Pourquoi n'écrit-il jamais? L'énumération de ses achats artistiques m'amuserait tout en me faisant rager de ne pas pouvoir le voir. Dis-lui qu'il m'écrive et donne-lui mon adresse. Mais lisiblement. Lorsque tu seras de retour, je voudrais que tu t'entendisses avec D. pour envoyer q.q. unes de mes traductions à la R[evue] B[lanche] pour que celle-la en publie une partie ou tout. Mais d'abord il faudrait encore écrire a Felix pour lui demander s'il veut en publier q.q. chose. S'il dit oui, il faudra envoyer recommandé le manuscrit. F. devra tout relire soigneusement, et faire les corrections nécessaires... s'il y en a a faire. Et puis en publier le plus possible en gardant la menouille jusqu'a ma sortie. Puis je verrai pour la publication en volume! Je n'ai pas besoin de te faire remarquer combien ceci est important. Ecris donc, dès ton retour ici, une lettre détaillée et minutieuse a F.F. pour lui expliquer ce que je veux de lui. Des morceaux que tu lui enverras, il peut, s'ils lui semblent trop longs, prendre des fragments. Mais je serais très content d'en voir publier beaucoup a cause de la galette. Car ^a ne sera pas dróle les premiers temps! Et qu'il n'imprime pas en trop petits charactères. - Le temps est affreux ici, ces derniers jours. Très changeant, mais la pluie et le vent - un vent glacial - dominent. - Préviens Domela du jour de ton retour ici et, de la gare, va chez lui. Restes-y un jour ou deux pour ensuite retourner a W. avec Piet. - Je m'ennuie beaucoup, malgré le travail, et souvent je ne suis pas du tout disposé. Néanmoins je travaille assez bien a ces si difficiles traductions. - Souvent, au beau milieu de la journée, il fait si noir qu'on ne peut rien voir. - Pauvre enfant, ma lettre n'est pas gaie aujourd'hui. C'est le temps. Et j'ai si froid! Tu sais combien je suis frileux, mais ici c'est terrible. J'ai mis une couverture en guise de sarong, et l'autre sur mon dos. Et encore j'ai froid! - Et dire que cette sale vie doit encore continuer pendant trois mois et demi! C'est dégoutant! - Ce pauvre Mr. Bilder! J'espère qu'il sera vite guéri. Fais mes amitiés a Mrs. B. si tu la vois? Es-tu allé voir les Lawrence?Ga naar eindnoot4 Tiens, voilà le soleil! ‘Comment vas-tu, ma vieille?’ - C'est la première fois que je le vois, aujourd'hui. Crac, parti! - Ecris-moi des lettres gaies comme celle de vendredi. Plus je suis morne plus aussi j'ai besoin de gaieté. - Si je pouvais seulement | |
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avoir une béte ici, un oiseau ou même une souris. Comme je serais content! - Non, de mon père je n'ai pas eu de nouvelles depuis l'autre fois. Et toi, as-tu appris q.q. chose de Victor et de Hedwig? Peut-être ne sont-ils pas encore de retour à Paris! - Tu sais, ces derniers jours, je repense avec vigueur aux ‘Paradoxes’.Ga naar eindnoot5 J'ai une foule d'idées. Quelque chose comme une bouteille pleine qui, trop brusquement retournée, retient son liquide. Mais si pleine, si pleine. Je pense tout de même, et sérieusement, que cela ira. Les difficultés ne sont que matérielles, mais on pourrait peut-être les vaincre. Si EE a le dessin, demande-le. Dis-lui que je tiens a mon plan. Si le dessin te paraît bien, garde-le. Si non, tu le garderas également et j'en ferai faire une autre, plus tard. Mais demande le dessin de Maurice D.Ga naar eindnoot6 Envoie-moi donc ce dessin, ‘second class’, si c'est amusant. Et dis-moi, dans ta réponse, que tu partiras de L. au premier beau jour de Novembre... s'il y en à un avant le 4 ou le 5. Mais informe-toi à la gare de Liverpool Street. Ce sera donc ou les Indes ou le Japon (de préférence) ou le pays des Paradoxes. As-tu recommandé à Olive de suivre un peu les annonces de l'Athenaeum? Il y a souvent des demandes intéressantes là-dedans, pour nous. Pardonne-moi, chérie, le ton maussade de cette lettre. Tu n'as pas idée du terrible ennui que si souvent empoigne un prisonnier, surtout si ce prisonnier est un nerveux personnage comme moi. Depuis une dizaine de minutes le soleil se montre maintenant et cette apparition me met aussi un peu de clarté dans l'âme. Si j'avais encore a écrire ma lettre, elle serait peut-être - si le soleil ne désertait pas du moins - plus gaie qu'elle n'est à présent. Demain, lundi, il y aura onze semaines que je suis en prison. Et encore 15 a faire. Plus que la moitié encore! - Comment est le temps à Londres? Beau ou vilain. - Ecris-moi des lettres gaies et coloriées. A présent, on allume le gaz à 4½, heures. Et c'est plus agréable, pour plusieurs raisons: c'est plus clair que la plus grande partie du jour, plus chaud, et plus ‘cosy’. - Ce pauvre Maarten qui m'a écrit aussi me demande toujours a lui garder les timbres... que je ne reçois pas. Tâche d'en trouver pour lui. As-tu pris avec toi ‘Ivan the Fool’? - Moi-même je n'ai lu que très peu Balzac; c'est un grand tort que j'ai eu et que je veux redresser. C'est drôle, maintenant que ma lettre est finie, je suis moins triste. Il est vrai que j'ai moins froid que dans la journée. - Je t'embrasse avec ferveur et te remercie encore de tes gentilles lettres. Comme tu es | |
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patiente! - Mes amitiés à tout le monde. Insiste qu'on m'écrive! De tout coeur
ton Sandro
J'ai biffe deux lignes à la deuxieme page. - Comme j'ai dit, je demanderai à t'écrire la prochaine fois un ou deux jours plus tôt. Je te dirai alors si j'ai obtenu q.q. chose pour mieux me couvrir.
C'est dommage que tu n'aies pas pense à parler de Ceylan et du desir que nous avons d'aller dans ces parages, à Mrs. Garnett.Ga naar eindnoot7 Elle à un fils ou une fille mariée la, et aurait pu nous donner des renseignements. Occasionellement Olive pourrait encore en parler.
Je m'efforcerai a être un peu plus gai dans ma prochaine lettre. Toujours ton Sandro.
Soir: Kaya aimée, je regrette tant d'avoir écrit une lettre triste. - Maintenant je ne suis plus aussi abattu. Je te reverrai bientôt et le temps de mon emprisonnement commence a passer. La moitié encore seulement. Je t'adore. |
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