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La voix du Passé.
A Mr. Alphonse de Lamartine.
Telle que l'ouragan qui siffle sur le faîte
Des pins courbés par l'aquilon;
Telle que le fracas du char de la tempête
Qui, des rocs escarpés, bondit dans le vallon;
Ainsi, majestueuse, et s'élève et s'élance
Cette ondulante voix, cette voix du Passé,
Qui, prophétesse de vengeance,
Gronde et vient avertir le Présent insensé.
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Quelle es-tu? Que veux-tu, voix, aux accens funèbres?
Que nous fait ce qui fut un jour?
Un fantôme qui perce à travers les ténèbres?
Un rayon des soleils éclipsés sans retour?.....
Serais-tu quelque esprit de la voûte azurée,
Qui, pour nous châtier, veut, en traits éclatans,
Instruire notre âme égarée,
Et rouvrir, à nos yeux, les annales des temps?
Tutélaire génie! oui, ta main énergique,
Du Passé tenant le miroir,
Nous fait lire, du bout de ta verge magique,
Dans un accord frappant, les leçons du devoir.
Des siècles décédés, tu viens, guide sublime,
Pour détourner nos pas du sentier des erreurs,
Et, nous montrant de près l'abîme,
Convertir les humains en consolant leurs pleurs.
Où sont-ils maintenant ces vains peuples qu'entraîne,
Que perd le premier tourbillon?
Qu'ont produit leurs efforts? où donc est cette chaîne
Qui les liait entre eux de coeur, d'opinion?
Et ce drapeau de paix, déroulé sur le monde?
Et ce temple, où régnait la sainte liberté?
Et cette sagesse profonde,
La base des vertus, des arts, de l'équité?
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Spectacle du Présent, sombre et funeste image,
Tu trompas nos yeux fascinés!
Nous ne découvrons plus, dans cet épais nuage,
Que les tristes écarts des peuples effrénés.
Comme, sous ses verroux, l'avare solitaire,
N'éprouve, ne connaît que la soif d'un trésor,
Chaque peuple, clôt sa frontière,
Et ne l'ose franchir que pour ravir de l'or!
Le gain seul aujourd'hui pèse dans la balance!
L'infamie, au front sans pudeur,
Qui, dans de vils plaisirs, affiche l'insolence,
Un noir esprit de trouble, un luxe corrupteur,
Un constant sacrifice au Moloch des richesses,
Le mépris du travail, de la fidélité,
Voilà, dans ses lâches bassesses,
Voilà les Dieux qu'adore un siècle déhonté!
Envain l'égarement le couronne et l'encense;
Il est froid comme le tombeau!
Sur son front impudent, qui singe l'innocence,
Le sillon du désordre est gravé comme un sceau!
Eh quoi donc! la vertu ne serait qu'un mensonge?
Le flambeau de la foi qu'une vaine lueur?
Un meilleur avenir qu'un songe?
Et, comme le Passé, le Présent qu'un trompeur?....
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Serait-il vrai, grand Dieu?.... Mais, dans ta main divine,
Tel qu'un éclair, ton sceptre luit;
Les monts fument; la terre a tremblé; tout s'incline!
Tu fais signe: le mal cesse; l'opprobre fuit.
Oui, le monde respire! un nouveau jour l'éclaire!
Et, plein d'espoir, le siècle, aux clartés d'un rayon
Tombé de l'éternelle sphère,
Rajeuni, marche au sein de la Création!
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Envoi.
Cette voix du passé qui pour moi se réveille,
Cette voix aux divins accens,
C'est ton sublime luth qui frappe mon oreille,
C'est ton souffle de feu qui pénètre mes sens.
Oui! quand j'ai lu, relu, ta belle poésie,
De tes nobles leçons j'admire la grandeur,
Et, comme une pure ambroisie,
Je goûte les parfums dont tu remplis mon coeur!
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