Impressions de l'âme. Mélange de traductions du Hollandais, de l'Allemand, de l'Anglais et de poésies du traducteur(1841)–Aug. J.Th.A. Clavareau– Auteursrechtvrij Vorige Volgende [pagina 166] [p. 166] Silence, vains regrets! (Écrit près d'une tombe.) O monde! que veux-tu d'une âme désolée, Qui des pleurs d'ici bas a sondé la vallée? J'ai parcouru tes flots, Océan orageux! Et les coups de la foudre ont déssillé mes yeux. Je suis un matelot, dont l'esquif fit naufrage, Retrouvé seul parmi les débris du rivage. Tout est fini pour moi: l'orage a renversé Mes rêves du présent, mes trésors du passé! O monde! qu'attends-tu d'une pauvre victime, Qui des maux d'ici bas a mesuré l'abîme? [pagina 167] [p. 167] Par ma fatale étoile à souffrir destiné, J'ai bu jusqu'à la lie au vase empoisonné: J'ai pleurée sure l'amour, j'ai gémi sur la haine; Et lorsque, pour tromper mes heures et ma peine, Une main devant moi semblait jeter des fleurs, Un souffle amer passait sur leurs frêles couleurs. O monde, garde-toi d'inviter à ta source Le pèlerin tout près de terminer sa course! Quand l'homme use sa vie en regrets superflus, A ses jours fatigués qu'importe un jour de plus? La tempête a grondé sur mon front solitaire, Et je n'ai point joui des bonheurs de la terre! Haletant dans la nuit, sur mon sombre chemin, Je n'ai vu se lever pour moi nul jour serein. O monde, n'attends rien d'un malheureux qui pleure, Et qui presse d'un pied sa dernière demeure! Je n'avais qu'un ami qui, quelquefois le soir, Venait, à mon foyer, auprès de moi s'asseoir. Nous vivions loin du bruit d'un théâtre où tout passe, Comme un son qui, dans l'air, meurt sans laisser de trace. Mais à peine sur nous quelques soleils ont lui, Que, dans une autre sphère il me rappelle à lui! O monde, prends pitié de mon âme qui souffre: Ma planche de salut se rompit sur ton gouffre! [pagina 168] [p. 168] Qu'il m'aurait été doux, pour charmer ma douleur, De garder cet ami, cet écho de mon coeur! Mais il ne devait pas, sur ce globe éphémère, Recueillir mes chagrins et fermer ma paupière. Dieu ne l'a pas voulu!..... Silence, vains regrets! Un voile impénétrable enferme ses décrets. O monde! je n'ai plus ni matin, ni soirée: Qui pourra consoler mon amitié sevrée? Puisqu'il faut ici bas marcher sans murmurer, Qu'il soit du moins permis à mes yeux de pleurer! Il est des noeuds secrets, tissus de sympathie, Qui pour deux coeurs unis n'ont créé qu'une vie!..... Mais silence, ô mon âme! ô regrets, taisez-vous! L'Eternel l'a voulu: silence! courbons-nous! O monde, sur les bords du torrent qui m'entraîne, Laisse-moi m'endormir et déposer ma chaîne! Vorige Volgende