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A Mr. Alph. de Lamartine,
sur la mort de sa fille.
Ainsi donc ce malheur devait briser ton âme!
Il devait la navrer d'une douleur sans fin!
Toi, dont le sein recèle une divine flamme,
Au sommet du Liban, sans un affreux chagrin,
Sans pleurer cette enfant que ton amour réclame,
Ne pouvais-tu planter l'appui du pèlerin?
Julia! Julia! si jeune et si chérie,
Devait-elle à jamais disparaître à tes yeux!
Sur ton ange d'amour, à tes baisers ravie,
Te fallait-il verser tant de pleurs douloureux,
Avant qu'au saint tombeau ton âme recueillie
Ait porté ta prière et déposé tes voeux!
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Oui, Poète immortel, je sens ta peine extrême!
Je sens comme ton coeur haletait sous tes maux,
Et comme, dans ce lieu, vers la voûte suprême,
Tes suppliantes mains, tes paternels sanglots,
Redemandaient au Sauveur même,
L'enfant qui s'endormait dans l'éternel repos!
Je vois couler tes pleurs: j'entends ta plainte amère,
Ton désespoir!.... Mais non! pardonne mon erreur!
Tu te plains, tu gémis comme nul sur la terre;
Jamais le désespoir n'est entré dans ton coeur;
Et quand de ton enfant tu recouvris la bière,
Ton Dieu, dans cette épreuve, embauma ta douleur!
C'est là, sous des palmiers, que tu laisses ce gage,
Ce tertre parfumé de roses et de lis;
Et si, dans ton pèlerinage,
D'y prier chaque aurore il ne t'est pas permis,
Tes yeux du moins ont vu l'ombrage
Où ces restes si chers dorment ensevelis!
‘Les anges garderont cette tombe légère,
Jusqu'à l'heure où l'airain, de sa terrible voix,
Appellera les morts, réveillés sous la Pierre,
Pour entendre et subir l'arrêt du Roi des rois,
Du Dieu qui d'un enfant prive le coeur d'un père,
Du Dieu qui mourut sur la croix!
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Tu le contempleras ce jardin, ce calvaire,
Où Jésus, à genoux, dans la poudre a pleuré;
Plein d'espoir, essuyant ta brûlante paupière,
Confiant dans ton Dieu, le sein moins déchiré,
Tu verras la colline où, comme un caractère,
S'est imprimé son pied sacré!
Cette place, ce pied gravé sur la poussière,
Avant que l'Homme-Dieu remontât dans le ciel,
Rappelle à tes esprits que la tristesse atterre,
L'immuable garant d'un bonheur immortel,
Qu'après une vie éphémère,
Dieu nous prépare au jour du réveil éternel!
Poète! poursuis donc ta sublime carrière!
Célèbre, dans tes chants, ce grand jour sans déclin,
Où doit être à jamais rendue à ta prière,
Celle qui maintenant, dans le séjour divin
Satellite éclatant d'un trône de lumière,
Et folâtre et voltige avec le Séraphin.
Ah! reviens parmi nous; quitte ce sol de larmes,
Cet asile de deuil, d'indicible douleur,
Où tu vis, avec tant d'alarmes,
S'éclipser à tes yeux l'étoile du bonheur;
Où Julia, si tendre et si riche de charmes,
De la mort, dans tes bras, a subi la rigueur!
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Reviens, lorsqu'au tombeau du Rédempteur du monde,
Ton âme aura trouvé son seul et vrai soutien;
Reviens, lorsque ta Lyre, en chefs-d'oeuvre féconde,
Aura calmé les maux d'un coeur comme le tien.
Ton combat fut cruel; ta blessure est profonde;
Mais ta soumission est digne d'un chrétien!
Qu'est-ce donc que la vie? Une mer de souffrance,
Un gouffre où nos bonheurs s'abîment sans retour.
Mais pour nous consoler, dans ce naufrage immense,
Deux trésors sont à nous: c'est la Lyre et l'amour!
Oh! puisse donc l'amour, charmant notre existence,
Nous inspirer les chants du céleste séjour!
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