| |
| |
| |
Le Roi de Rome,
a Schoendrunn.
Dans un jardin superbe, orné de riches fleurs,
Où l'aile des zéphirs volages,
Des roses, en jouant, disperse les odeurs,
Un jeune et beau mortel erre sous les ombrages.
Ses yeux, tendres et doux, ressemblent aux bluets,
Balançant, dans les blés, leur saphir qui s'incline;
Son front large, plus blanc que la pâle aubépine,
Porte l'empreinte des regrets.
Sur sa joue arrondie, une ombre de tristesse
Voile l'éclat de son printemps,
Et de précoces pleurs ont hâté sa jeunesse,
Comme le lis qui croît sur le bord des torrens.
| |
| |
Taciturne, à pas lents, le voilà qui s'avance.
Envain la nature, à ses yeux,
Etale ses beautés: tant de magnificence
Obtient du solitaire un regard douloureux.
Pour qui cueillirait-il la rose et l'anémone?
Pour quelles tempes de guerrier,
Sa main, réunissant le chêne et le laurier,
Tresserait-elle une couronne?
Hélas! son père est mort sur un rocher lointain!
Sa mère, qui respire encore,
Qui reçut ses baisers à sa brillante aurore,
Sous le ciel d'Italie a fixé son destin.
Quelquefois, prolongeant sa vague rêverie,
S'il rencontre une fleur que, loin du sol natal,
L'art a transplantée et nourrie
Il s'anime; ses pleurs s'arrêtent; son oeil brille;
Un subit, incarnat remplace sa pâleur;
Dans ses membres émus son sang brûle, pétille;
Sur un sol étranger tu naquis comme moi!
Un plus heureux soleil s'étaient levés pour toi!
| |
| |
Dès ta naissance accoutumée
A de plus doux rayons qui réchauffaient ton sein,
Tu penches tristement ta corolle fermée
A la brise du soir, au soufle du matin.’
‘Mais tu languis sans plainte vaine;
Et si, presqu'en naissant ton calice est fané,
Tu ne demandes pas, comme moi dans ma peine:
A quoi Dieu m'a-t-il destiné?’
‘Et lorsque, sur ta solitude,
De l'imposante nuit le crêpe noir s'abat;
Rien ne te fait rêver, avec inquiétude,
De sceptre, de pouvoir, d'Empire, de combat!’
‘Alors, j'entends sonner la trompette guerrière;
Je vois l'éclair; j'entends le fracas du canon;
Au bruit sourd de remparts qui tombent en poussière,
Un cri s'est élevé: Vive Napoléon!’
‘L'Imagination, cette reine des fées,
Fait passer devant moi d'innombrables soldats,
Des princes, des palais, des glaives, des trophées,
Et des guerriers vainqueurs partageant des Etats!’
‘Avec quelle splendeur tout alors se présenté!
Que de plans à la fois conçus et renversés!
Que de sublimes noms! quelle gloire éclatante!
Que de lauriers cueillis! quels flots de sang versés!
| |
| |
Tout à coup, un immense et rapide incendie
Embrase l'horizon;; de momens en momens,
Je vois des murs; brûlés dans sa marche agrandie,
Se changer en débris fumans!’
‘Un cheval! qu'on me donne un cheval! que je fuie!
Ne parlez plus de sceptre; il faut céder au sort.
Par la flamme déjà ma poitrine assaillie
Ne respire qu'avec effort.’
‘Franchis les monts, coursier! traverse les vallées!
Eh bien!.... tu chancèles; tu meurs
Sur ces neiges amoncelées!
Dieu! quel froid m'a saisi!.. que vois-je? que d'horreurs!’
Oh! que de fantômes sans nombres,
‘Frissonnant sur un sol que l'hiver a raidi!....
Vous me grincez les dents! mais voyez, pâles ombres,
Sans feu tout comme vous, je succombe engourdi!’
‘Alors! - Mais quand d'effroi tous mes cheveux se dressent,
Je m'éveille, trempé de mortelles sueurs;
La glace sur le front, dans les maux qui m'oppressent,
Je verse des torrens de pleurs.’
‘A qui conterais-je mes songes?
Je n'ai plus de parens; cette cour, où je suis,
Raillerait mes récits comme de vains mensonges,
Et serait insensible à mes profonds ennuis.’
| |
| |
‘O fleur! emblême, hélas! de ma, sombre existence,
Mon funeste supplice est, inconnu de toi;
Tu vis sans rien sentir; mais moi, dans ma souffrance,
Je me dis: ô mon Dieu! que feras-tu de moi?’
Le jeune homme se tait. Tranquille,, solitaire,
Dans l'ombre des berceaux il poursuit son chemin;
Son sein exhale, un cri: c'est sa plainte dernière:
Il tombe sous le poids d'un noir et long chagrin!
|
|