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Au Rhin.
Le Nord, las d'ouragans, de grêle et de ravages,
Se repose! le Rhin, majestueux et fier,
Marche le long de ses rivages,
Libre des chaînes de l'hiver.
Sur ses antiques bords son flot se développe,
Et des hameaux voisins les joyeux habitans
Portent le salut du printemps
Au roi des fleuves de l'Europe,
Qui, des Alpes Précipité,
Ou caresse sa rive, ou fait bondir son onde,
Partage en Royaumes le monde
Et va des potentats borner l'autorité.
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Moi-même je passai quelques jours sans nuage
Sur ces bords enchanteurs! Le coeur brûlant, heureux,
J'y savourai le doux partage
Que m'avaient réservé les cieux!
Un simple-arpent de terre, un toit vers la montagne
Habité par la paix, embelli par l'amour,
Pour moi, pour ma digne compagne,
Lorsque, sous un berceau sans art,
Ou sous l'arc étoilé de la voûte infinie,
Nous parlions d'une autre patrie,
Et rendions grâce à Dieu d'une si belle part.
Et je compte déjà mes cheveux sur ma tempe!
Mais qui pourra compter mes pleurs et mes sanglots?
Vers les monts que sa source trempe,
Le Rhin rebroussera ses flots,
Avant que, consolé, mon triste coeur oublie
Le coup qui m'a tué pour la seconde fois!......
Mon Dieu! tu le sais, tu le vois,
Jusques au terme de ma vie,
Je veux me confier au bras
Qui jamais par plaisir ne se montre sévère;
Mais ce double deuil, ô mon père,
Est un pesant fardeau dont chancèlent mes pas.
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Aux digues de Katwyk, où la mer qui murmure,
Dans son onde salée, ô Rhin! t'engloutira,
Dort, sous la dune sans verdure,
Celle que la mort m'enleva.
Je mêlerai mes pleurs aux flots de ton rivage;
Dans ton cours, charge-toi de ce tribut de deuil:
Pour les verser sur un cercueil,
Je n'ai plus assez de courage.
A cette idole de mon coeur,
Pour qui jamais mes yeux n'auront assez de larmes,
O Rhin! va porter mes alarmes,
Et sois mon interprète en peignant ma douleur.
Salue aussi l'enfant dont le sein de la terre
Avait déjà reçu le cadavre glacé,
Avant que de sa pauvre mère;
Le souffle de vie eût cessé.
J'ai rouvert son cercueil, quand la lutte mortelle
Du trépas sur ma femme eut imprimé le sceau,
Et j'ai mis, dans le grand tombeau,
Mon enfant à côté de celle
Qui crut le nourrir dans ses bras.
Je me suis dit: ‘Mon Dieu, que rien ne désunisse
Ce qu'a réuni ta justice!’
Et mon double trésor est renfermé là bas!
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Que celui qui toujours sur des roses chemine,
Appelle cette terre un Eden plein d'appas,
Pour moi, sur ma route d'épine,
Je ne recule point d'un pas.
Je compte chaque jour que la douleur m'apprête,
Comme un jour de gagné sur ce globe mortel:
Trente cinq soleils, grâce au ciel,
Ont déjà tourné sur ma tête!
Le temps roule comme ces flots!......
O tombe! pour mes morts sois à jamais légère;
Et bientôt, sous la même pierre,
Près de restes chéris recouvre aussi mes os!
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