| |
| |
| |
Désespoir.
Des élémens rivaux l'épouvantable, guerre
S'allie au bruit roulant des éclats du tonnerre;
La nature succombe en un mortel effroi.
L'ouragan, des rochers brise les noires cimes,
Et pousse leurs débris dans de profonds abîmes;.
Oh! combien ces horreurs ont de charmes pour moi!
Sur ces monts escarpés, sur cette affreuse scène,
La nuit va déployant son grand réseau d'ébène;
Partout plane de Dieu l'ange exterminateur!
Mais ces chocs, ces combats, ces ravages horribles,
Sont encor moins fatals, sont encor moins terribles,
Que l'orage brûlant qui gronde dans mon coeur.
| |
| |
A mes tristes regards, comme d'immenses voiles,
Ces nuages flottans ont caché les étoiles,
Et sur l'astre des nuits étendu leur noirceur.
De momens en momens, un éclair homicide
Fait serpenter dans l'ombre une clarté livide;
Sur le flanc des rochers roule un feu destructeur.
O supplice! ô destin! quelles sombres ténèbres
Ont couvert ma raison de leur crêpes funèbres,
Egaré mon esprit et fasciné mes yeux!
Le malheur, comme un feu qui consume la vie,
Epuise lentement ma force anéantie:
Il m'a ravi l'espoir, soutien des malheureux.
A pas précipités, ne vois-je pas la crainte
Baisser son pâle front où la mort est empreinte,
Et jeter autour d'elle un inquiet regard?
Sinistre et gémissant, au bruit de la tempête,
Le nocturne hibou voltige sur ma tête,
Et, dans l'épaisse nuit, plonge son oeil hagard.
Que le tonnerre gronde, éclate; que la foudre
Disperse les rochers en tourbillons de poudre;
Que le globe vieilli s'ébranle à tant d'assauts;
Non, ce n'est point encor ce désordre, ce trouble,
Que rien ne peut calmer, que chaque instant redouble,
Dans un coeur écrasé sous le poids de ses maux!
| |
| |
Quand la nature meurt, quand le bruyant orage,
Par la destruction signale son passage,
Quand partout le malheur semble marcher en roi,
Un barbare plaisir apaise mon murmure,
Et je me dis, content des peines que j'endure:
‘Oui! tout ce qui respire est souffrant comme moi!’
Raison, fatal présent, torture de la vie,
Combien de l'insensé le sort me fait. envie!
Il n'a jamais connu l'inflexible malheur;
Jamais le fier orgueil, blessé de ses alarmes,
Tarissant malgré lui la source de ses larmes,
N'essaya d'étouffer le cri de sa douleur.
O toi, toi qui détruis les sentimens de l'âme,
De mon sein déchiré viens éteindre la flamme;
Ote-moi ma raison! viens, viens me délivrer
De ce feu qui nourrit ma brûlante pensée;
Sur mon front embrasé pose ta main glacée;;
Arrache-moi des fers qui me font expirer!
Frappé de mes regards, que tout mortel pâlisse;
A mes rauques accens qu'il recule et frémisse;
Dans mes sens égarés verse ton philtre amer!
Accomplis mon destin; que mes larmes taries
Cessent de dévorer mes paupières flétries;
Viens donc! franchis pour moi les portes de l'enfer!
| |
| |
Je t'attends! qu'une fièvre, ardente, inextinguible,
S'allume sans repos dans mon âme insensible;
Donne à mon faible bras la force d'un géant.
Si mes traits, du bonheur ont gardé quelque trace,
Que ta sanglante main et l'efface, et l'efface,
Et découvre à mes yeux les gouffres du néant!
Que mes cheveux épars, au gré de la tempête,
Comme d'affreux serpens, se dressent sur ma tête;
Débarrasse mon sein de ces lourds vêtemens:
Nouvel hôte des bois, sans abri, sans pâture,
Aux ardeurs des étés, aux traits de la froidure,
J'offrirai, sans douleur, mes membres expirans.
Oui, là, de ces rochers je gravirai les cimes;
Avec d'horribles cris, sur le bord des abîmes,
J'imposerai silence à la voix des autans;
Et, semblable à l'enfant qui, sautillant de joie,
S'environne de feux prêts à saisir leur proie,
Je braverai, sans crainte, et la foudre et les vents.
Que la pâle misère et la mort dévorante,
Assurent, à leur gré leur victoire éclatante;
Que tout tombe et s'abîme à mes yeux endurcis!
Viens donc, fille d'enfer, inexorable rage;
Ta victime t'attend. - frappe, détruis, ravage;
Viens donc! entoure-moi d'effroyables débris!
|
|