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Lettre de Charles à sa petite soeur Marie.
Depuis ton départ, soeur chérie,
Je n'ai pu quitter le logis,
Par un méchant torticolis.
Je pensai: je lui vais écrire;
Car le temps est si rigoureux.
Toujours chez soi, seul, et sans rire,
A la longue, c'est ennuyeux.
J'ai tant de choses à te dire,
Que je voudrais être avec toi;
Mais puisque en vain je le désire,
Ce papier causera pour moi.
Il faut écrire comme on parle,
On nous l'a souvent répété:
Petite soeur, ton frère Charle
Va t'instruire de sa santé.
D'abord, ma peine fut extrême,
Quand je te vis partir ainsi:
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‘Je suis sûr que Clorinde l'aime;
Mais que fait-elle loin d'ici,
Disais-je?.... Je gardais pour elle
Un cadeau d'étrennes charmant;
Oh oui, l'estampe la plus belle!
Nous nous aimons si tendrement!...’
Mais à quoi servait cette plainte?
Ma soeur n'était plus près de moi,
Et mon amitié fut contrainte
Hélas! à se passer de toi.
Ensuite, je pris un gros rhume,
Pour avoir trop voulu courir.
Je ne saurais, avec ma plume,
Conter ce que j'ai dû souffrir.
De manger on me fit défense;
Le mal m'empêchait de dormir;
Je demandais, avec instance,
Si cela n'allait pas finir.
A mes jeux j'étais insensible;
Oisif, je passais tout mon temps,
Et mon chagrin le plus pénible,
C'était d'être au lit si long-temps.
Papa, Maman, avec tendresse,
Essayaient de me divertir;
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Mais, abattu par ma faiblesse,
Je ne voulais d'aucun plaisir.
J'étais de si mauvaise humeur,
Et je croyais que, de ma vie,
Je ne reverrais plus ma soeur.
Je dis à la fin: ne rien faire
Ne peut qu'augmenter ma douleur.
Je lus un peu pour me distraire,
Et mon état devint meilleur.
J'écrivis; je pris mes gravures,
Qui m'amusèrent à leur tour,
Et je pus même, sans murmures,
Garder la chambre tout le jour.
Une fois arriva mon père;
Tranquillement je dessinais;
Bientôt après suivit ma mère,
Pour apprendre comment j'étais.
J'avais l'ame toute joyeuse;
Tout était gai dans la maison;
Mon humeur n'était plus grondeuse;
Je ne répondais plus: Oui! non!
Ainsi, de ma convalescence,
S'écoulèrent les longs instans:
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J'avais encor quelque souffrance,
Mais sans cris, sans gémissemens.
Mon père dit que mon jeune âge
Est sujet à d'autres douleurs,
Et qu'avec un peu de courage,
Je les supporterai sans pleurs;
Que celui qui soumet sa vie
Aux volontés du Créateur,
Dans la plus grande maladie,
Goûte encore quelque bonheur.
Adieu, ma soeur. Charles t'engage
A ne plus long-temps rester là:
Mets une fin à ton voyage,
Quand ma lettre te parviendra.
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