Quo vadis, Institut Néerlandais?
Le 8 février 2013, le ministère néerlandais des Affaires étrangères a annoncé que l'Institut Néerlandais à Paris fermerait définitivement ses portes le 1er janvier 2014.
Fondé en 1957, l'Institut est établi dans un immeuble impressionnant de la rue de Lille, à proximité de l'Assemblée nationale. Le ministère néerlandais des Affaires étrangères accorde à l'Institut une subvention annuelle de 1,4 million d'euros. En outre, un montant d'environ un demi-million est consacré à la location du grand immeuble xixe siècle de l'Institut à front de rue. Cet immeuble est la propriété de la fondation Custodia, qui gère la collection de l'amateur d'art néerlandais Frits Lugt. Custodia est établie dans l'hôtel Turgot, construction du xviiie siècle située derrière l'Institut Néerlandais. En 1957, Frits Lugt fut à la base de la création de l'Institut, et ce en collaboration avec le gouvernement néerlandais. Depuis lors, la fondation Custodia est partenaire de l'Institut, où sont régulièrement exposées des oeuvres de la collection de Lugt.
Lorsque, en juillet 2012, l'annonce de la fermeture de l'Institut est tombée pour la première fois, le personnel est passé sans tarder à la contre-offensive et a organisé une pétition-action, adressant entre autres une lettre à la reine Beatrix. Dans les journaux français Libération (29 / 30 juillet 2012) et Le Monde (1er août 2012, en première page!) ont paru également des articles qui exprimaient l'incompréhension.
Cette incompréhension, Septentrion continue à la partager. L'Institut Néerlandais est le principal relais, la principale plate-forme et base d'opérations pour la langue et la culture néerlandaises en France. C'est un lieu favorable à la transmission d'un enseignement et d'informations, un lieu de rencontre pour artistes et responsables politiques, pour historiens, pour le citoyen français et néerlandais ordinaire. Et surtout, l'Institut est devenu ces dernières années une table ronde où intellectuels et scientifiques ont débattu d'importantes questions sociales. La présente revue a toujours eu un lien évident avec l'Institut. Son premier directeur, Sadi de Gorter (1957-1977), était un collaborateur apprécié de Septentrion, et Henk Pröpper (1998-2003) et Rudi Wester (2003-2009), les premiers directeurs qui n'étaient pas des diplomates et qui ont donné un nouvel élan à l'Institut, ont eux aussi toujours bien collaboré avec notre revue.
Le ministre néerlandais des Affaires étrangères, Frans Timmermans, a demandé au Raad voor Cultuur (Conseil néerlandais pour la culture) d'émettre un avis sur un nouveau concept de relations bilatérales culturelles avec la France.
Le département culturel de l'ambassade néerlandaise à Paris veillera, selon le ministre, à mettre en évidence, de manière souple et avec le concours d'experts, le secteur néerlandais de la culture et de la création. C'est d'ailleurs la ligne suivie dans d'autres centres culturels importants comme New York, Londres et Berlin. Cette manière de procéder entraîne moins de frais fixes (location de l'immeuble), de sorte qu'une plus grande partie des ressources disponibles peut être affectée aux activités culturelles. Custodia assurera entièrement la gestion de l'hôtel Lévis Mirepoix au 121 rue de Lille à Paris et continuera à en utiliser les espaces d'exposition pour présenter des oeuvres de sa propre collection. Une concertation est en cours entre l'ambassade des Pays-Bas à Paris et Custodia quant à la possibilité pour la fondation d'accueillir dans son immeuble le département culturel de l'ambassade.
Une page est irrémédiablement tournée. Je veux espérer que la fermeture du vivant lieu de mémoire que l'Institut est devenu au fil des années ne sera pas synonyme de trou de mémoire pour la culture néerlandaise à Paris et en France. L'avis du Raad voor Cultuur a été rendu public le 16 mai 2013. Cet avis, équilibré, a été mûrement réfléchi. La balle est à présent dans le camp du ministère des Affaires étrangères.
Luc Devoldere
Rédacteur en chef.