Septentrion. Jaargang 39
(2010)– [tijdschrift] Septentrion– Auteursrechtelijk beschermdThéâtreLa correspondance de Michel De Ghelderode, 1958-1960: une entreprise couronnée de succèsRoland Beyen vient de publier le tome IX de sa monumentale entreprise: présenter une sélection des quinze mille lettres environ qui constituent la correspondance de et à Michel de Ghelderode (1898-1962). Ce tome présente 281 missives, dont la majorité sont de la main de Ghelderode. Et pour cause: si Ghelderode est un épistolier hors du commun, la plupart de ses correspondants ne le sont pas. Aussi Beyen ne retient-il qu'une lettre sur quinze écrites par eux, contre une sur trois envoyées par Ghelderode. Le tout fait un ensemble très varié, instructif et vraiment agréable à lire, grâce à la virtuosité stylistique et à l'humour, parfois grinçant, de l'épistolier. On y découvre un homme en proie à des sentiments extrêmes: euphorique pour un rien, colérique pour moins que rien. Mais on y est admis aussi dans les coulisses de la vie littéraire de l'après-guerre en Belgique, en France, en Europe, dans les Amériques. Dans les années 1958-1960, le dramaturge connaît des déceptions et des moments de gloire. La déception majeure, c'est le silence total lors de son 60e anniversaire, le 3 avril 1958. Sa revanche, il la tient deux ans plus tard: la ville d'Ostende lui rend hommage à l'occasion du centenaire de la naissance du peintre James Ensor. Lors des festivités, Jan Boon, administrateur directeur général de la radio et de la télévision flamandes, rappelle la collaboration de Ghelderode au Vlaamsche Volkstooneel dans les années 1930 et fait allusion à un éventuel prix Nobel... Ghelderode est charmé: ‘l'hommage de la ville d'Ostende reste unique dans son genre, car Ostende, au seuil du monde fluctuant, n'est pas la Belgique: c'est la limite de la Flandre, mon pays élu, terre d'inspiration - et cela ne regarde pas les Belges!...’ (p. 14). Il a le sentiment d'y vivre le dos tourné à la Belgique et ‘de conchier les Belges trétous et les Belgiques zavec’ (p. 11). Un mois | |
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plus tard, le 17 août, un autre hommage lui est rendu: on appose une plaque commémorative sur sa maison natale à Ixelles (près de Bruxelles), dans la rue de l'Arbre-Bénit, la même rue où est décédé en 1879 Charles De Coster. Si l'on se souvient que Ghelderode est venu à la littérature par La Légende d'Ulenspiegel, le geste devient symbolique et émouvant: il réunit deux auteurs à l'originalité forte, nourrie par la même Flandre de jadis, et qui ont fait rayonner les lettres françaises de Belgique dans le monde entier. Mais Ghelderode doit constater aussi que le temps de la ghelderodite aiguë n'est plus. On le joue de moins en moins en Belgique et en France. En revanche, l'étranger le découvre: ses pièces sont à l'affiche dans plusieurs capitales européennes, à Montréal et même à New York. Toutes ces manifestations l'obligent à envoyer des lettres et des lettres: d'autorisation, de remerciement, de récriminations de toutes sortes. Cette obligation de ‘faire le bureau’ l'empêche de travailler comme il le voudrait à la rédaction des deux derniers tomes de son Théâtre. En outre, sa santé va de mal en pis: il souffre d'oedèmes, d'asthme chronique, de dépressions. Ghelderode prend peur: ‘Ce serait mon désespoir si je rendais l'âme entre-temps!’ Il n'avait plus que deux ans à vivre. En septembre 2008, Roland Beyen a reçu le prix triennal Michel de Ghelderode pour l'ensemble de ses travaux sur le dramaturge. Une fois achevés, les dix volumes constitueront une mine d'or pour tout chercheur curieux de la vie littéraire et théâtrale des années 1920-1960. Et même pour tout chercheur désireux de comprendre la Belgique: ‘En effet, peu d'écrivains ont eu autant de contacts avec l'autre communauté, peu d'artistes reflètent mieux la complexité de notre beau pays surréaliste’Ga naar eind1. On attend avec impatience le tome X qui couronnera ce travail de toute une vie: il comportera, ‘outre les lettres de 1961 et 1962 et l'index des noms et des oeuvres cités dans l'ensemble des dix tomes, plusieurs cahiers d'illustrations: des portraits des principaux correspondants, des photos de spectacles, des fac-similés de lettres de Ghelderode “adornées de surprenants dessins”’Ga naar eind2. On ne peut rêver plus beau cadeau pour le cinquantième anniversaire de la mort du dramaturge, que l'on célébrera le premier avril 2012. vic nachtergaele |