Septentrion. Jaargang 35

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Pourquoi l'homme n'est pas
un singe qui singe le singe Par Joke van Leeuwen

Traduit du néerlandais par Emmanuèle Sandron.

Il y a eu un début à tout. Au vent d'ouest, aux montagnes, au chant des oiseaux, à la langue néerlandaise, à la cuisson du pain.

Tout a commencé à cause d'un infime changement quelque part, à cause d'une très lente modification du cours des choses.

A cause de quelqu'un qui s'est mis à chercher quelque chose que personne n'avait encore cherché,

à cause de la faim,

à cause de la curiosité.

Ou parce que cela s'est passé comme ça et que personne n'a rien fait pour l'empêcher.

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Il y a un million d'années, les années ne portaient pas encore de numéro.

C'est bien simple, le mot année n'existait pas - dans aucune langue, car les langues n'existaient pas non plus.

Tout a commencé en Afrique, qui ne s'appelait pas encore l'Afrique, même si pourtant elle existait déjà.

Il y avait aussi des plantes et des animaux qui vivaient et qui mouraient.

Et puis des singes anthropopoïdes et des anthropopithèques.

Les singes anthropopoïdes existent toujours. Avec une baguette, ils sont capables de déloger des insectes dans les arbres pour les manger. Ils se comprennent entre eux, à leur façon de singes. Mais aucun ne pourra jamais dire à un autre: ‘Y a quelque chose qui me chatouille, tu veux bien me gratter le dos?’

Les anthropopithèques, c'était autre chose. C'était les ancêtres de nos ancêtres. Ils ont appris à se redresser et à marcher sans se casser la figure.

Ils ont eu des enfants, leurs enfants sont devenus adultes à leur tour et ont eu eux aussi des enfants. Il y a eu des naissances et des morts, et encore des naissances et des morts. Peu à peu, avec une lenteur inimaginable, ils ont évolué. Ils se sont progressivement servi de leurs cordes vocales, de leur langue et de leurs lèvres pour dire autre chose que Ouf! ou Bouh! Leurs dents n'étaient plus aussi grandes qu'au début. Et leur cerveau s'est mis à mieux fonctionner. Il leur permettait de penser à ce qu'ils étaient en train de faire. A penser en images, à penser en mots.

Personne ne sait à quoi ressemblaient les premiers mots. Certains pensent qu'ils se composaient d'une longue suite d'émissions sonores. D'autres prétendent que tout a commencé avec des sons brefs. En tout cas, les premiers mots n'étaient certainement pas alignés dans une belle phrase du genre de celle que tu es en train de lire pour le moment, le genre de phrase qu'on pourrait dire sans avoir réfléchi très longtemps dans sa tête avant de la prononcer.

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Les premiers hommes, qui ne savaient donc pas en quelle année ils étaient nés, ont exploré de nouvelles régions du monde et se sont mis à y vivre comme si ces terres leur appartenaient.

Et des milliers de siècles plus tard, on a retrouvé les crânes de quelques-uns d'entre eux. Des crânes d'hommes de Neandertal qui pensaient avec leur cerveau, mais qui ne sortaient aucun mot de leur bouche. Et des crânes de nos ancêtres les plus jeunes, que nous appelons homo sapiens sapiens, ce qui signifie homme intelligent intelligent, même si ces gens-là ne savaient pas encore grand-chose - comment auraient-ils pu être au courant de tout ce qui se produirait après eux?

Neandertalien

Homo Sapiens Sapiens

Nous savons faire des tas de choses que les anthropopithèques ne savaient pas faire. Ce qui n'empêche que, pour certaines choses, ils étaient plus doués que nous. Par exemple pour respirer et boire simultanément. Nous, si nous essayons, nous nous étranglons, et alors là, impossible de prononcer le moindre mot!

Extrait de ‘Waarom een buitenboordmotor eenzaam is’ (La Solitude du hors-bord), Stichting Ons Erfdeel, Rekkem, 2004, pp. 7-9.