De Broqueville traite aussi de ce que les Flamands ont conquis ‘au détriment des francophones et du droit de ceux-ci de parler français sur le sol flamand’. Elle omet de dire, par commodité, qu'en Flandre - comme en Wallonie et à Bruxelles - tout le monde est libre de parler la langue qu'il veut, fût-ce le chinois. Elle omet de préciser, toujours par commodité, que les lois linguistiques en vigueur en Belgique n'ont jamais eu pour objectif de régir l'usage des langues par les citoyens dans leur vie privée. Ignore-t-elle vraiment que toutes les lois linguistiques belges, sans exception aucune, depuis celle de 1873 jusqu'aux récents accords dits de la Saint-Polycarpe, ont été adoptées grâce aux votes d'élus tant francophones que néerlandophones? Partisan convaincu de ce grand compromis des Belges, j'estime, pour ma part, que ces lois ont permis d'éviter à mon pays des situations telles qu'en connaissent l'Irlande du Nord, le Pays basque ou la Croatie.
De quelle Flandre les auteurs nous parlent-ils? Deux contributions ont pour titre La Flandre est un songe, et ce n'est pas un hasard. Il s'agit là du titre d'un livre publié par Michel de Ghelderode en 1953, il y a donc un demi-siècle. La Flandre de Ghelderode a toujours été un mythe, un mythe indéniablement génial, mais un mythe.
Dans plusieurs textes sont évoqués les noms d'artistes importants ou moins importants: Pieter Bruegel, James Ensor, Léon Spilliaert, Jérôme Bosch, Pieter Pauwel Rubens, Charles de Coster, Émile Verhaeren, Jacques Brel, George Minne, Constant Permeke, Guido Gezelle, Ernest Claes, Felix Timmermans... Ceux-ci ont une caractéristique commune: ils sont tous morts... Un vivant cependant, un seul: Hugo Claus.
Le festival de musique rock ‘Torhout-Werchter’, édition 1996 (Photo S. Vanfleteren).
Seul le texte d'Yves Wellens s'écarte clairement de ce schéma. Wellens connaît les vivants: il parle notamment de l'acteur et écrivain Josse de Pauw, des chorégraphes Anne Teresa de Keersmaeker et Alain Platel, du ‘mille-pattes’ multidisciplinaire Jan Fabre, des musiciens René Jacobs et Philippe Herreweghe et de l'artiste Panamarenko. Il suit l'actualité flamande sur les plans artistique, politique et économique. Ce bagage lui permet de formuler des questions pertinentes que se posent également des intellectuels flamands critiques dans des quotidiens, des débats, des livres. Sur la médiocrité flamande, sur la suffisance flamande, sur l'extrême droite en Flandre. Ces questions, Wellens, précisément parce qu'il est francophone, les aborde sous un angle quelque peu différent, nous incitant ainsi, nous Flamands, à la réflexion.
Dans la plupart des textes, toutefois, la Flandre est et reste une vaste campagne aux prés ondulants comme la mer avec les tours élancées des églises gothiques se profilant sur le ‘ciel flamand entre Bruges et Gand’. ‘Vivent-ils tous dans un tableau de Bruegel l'Ancien?’ se demande Laurent Dumoulin dans une série joyeuse et quelque peu insolente d'interrogations sous le titre Questions flamandes. Dans ce tableau à l'ancienne nous rencontrons aussi Luc van den Brande et une poignée de membres tonitruants