n'est pas une spécialité néerlandaise, soupire notre auteur, montrant du doigt ses compatriotes du sexe opposé, collectivement responsables à ses yeux de cette carence nationale. ‘Ce qui manque, c'est la base’. Or, la base, c'est le savoir-faire légué par une mère ou, plus souvent encore, par une grand-mère, comme se plaisent à le reconnaître tous les grands chefs français, tels Bocuse et Alain Passard. Ce dernier n'a même pas hésité à baptiser son menu le plus prestigieux ‘Louise Passard, Cuisinière’ en hommage à sa grand-mère.
Wesseling consacre plusieurs chapitres à l'organisation de l'enseignement supérieur en France. Il signale et analyse rapidement les difficultés auxquelles se voient confrontées les universités accueillant en principe tous les bacheliers sans sélection aucune. Pas étonnant donc que, submergées par le nombre (on est passé de 300 000 étudiants en 1960 à 2 100 000 actuellement), elles se révèlent incapables d'organiser correctement leurs enseignements. L'auteur s'étend plus longuement sur le fleuron de l'enseignement supérieur français: les fameuses ‘grandes écoles’ auxquelles on accède par des concours réputés difficiles et qui, de ce fait, n'accueillent que les meilleurs des meilleurs. Exemple: l'École nationale d'administration (l'ENA), la plus illustre et aussi la plus jeune (elle fut créée par le général de Gaulle en 1945), dont les diplômés (les ‘énarques’) se voient offrir les postes les plus prestigieux dans la haute administration du pays. Certains d'entre eux ont fait ou font toujours une brillante carrière politique: Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Chirac (Présidents de la République), Michel Rocard, Alain Juppé, Lionel Jospin (Premiers ministres).
Parmi les nombreuses personnalités françaises dont Wesseling dresse le portrait, figure, bien entendu, François Mitterrand, président de la République de 1981 à 1995 (l'auteur eut le privilège de rencontrer personnellement le président lors de la visite d'État que celui-ci effectua aux Pays-Bas en février 1984). Dans un chapitre consacré à la mort de Mitterrand, Wesseling rend compte des réactions suscitées par la présence, lors des obsèques religieuses à Jarnac, de Mazarine, la fille naturelle du président, et de la mère de celle-ci, Anne Pingeot, la ‘maîtresse en titre’ (en français dans le texte). Si les uns se déclaraient scandalisés (‘On est en France. On n'a pas besoin de cheiks, ici!’), les autres, beaucoup plus nombreux, faisaient plutôt preuve de retenue, de compréhension, voire d'admiration. Chose plus surprenante encore, bon nombre de Françaises résumaient leur sentiment dans une phrase traduisant, dans sa concision, leur considération et sympathie pour le défunt: ‘Le président aimait les femmes’. Qu'on puisse prononcer une telle phrase un peu comme si on disait: ‘Le président aimait les huîtres, les chevaux de course ou les labradors’, voilà qui est tout bonnement impensable aux Pays-Bas, s'exclame notre auteur. Il ne faut donc pas se leurrer: même si les Français et les Néerlandais s'apprêtent à abandonner leurs francs et leurs florins pour une monnaie commune, les différences de mentalité et de culture qui les séparent ne s'effaceront pas de sitôt.
Urbain Dewaele
h.l. wesseling, Frans met de Fransen. Kleine bijdragen tot de Frankrijkkunde (Français avec les Français. Petites contributions à l'étude de la civilisation française), Bert Bakker, Amsterdam, 2001, 182 p. (ISBN 90 351 2293 3).