Georges Simenon
L'enfant d'Outre-Meuse
‘Une animation extraordinaire régnait dans la petite maison, tandis qu'au dehors un froid d'octobre embuait la Meuse et rendait indécis les lourds contours des chalands amarrés au quai. Le pont des Arches lui-même s'estompait de brume, comme noyé dans le brouillard. Quelques ombres s'y profilaient, toutes grises, pressées, et l'on devinait les cols relevés, les nez violacés et les mains tout enfouies tout au fond des poches.’ (Au pont des Arches, 1921)
‘Entre le pont Neuf (aujourd'hui pont Kennedy) et le pont des Arches, il y a, frontière entre le faubourg et le centre de la ville, un large pont de bois qu'on appelle la Passerelle. C'est plus court, plus familier. La Passerelle est un peu la chose des habitants d'Outre-Meuse, le pont qu'on franchit sans chapeau, pour une course de quelques instants.’ (Je me souviens, 1945)
‘Place de Bavière, de l'autre côté du pont des Arches, il a retrouvé d'autres gardes civiques. Des gens endimanchés passaient, allant à la messe de Saint-Pholien. Au coin des petites rues, des colombophiles en casquette guettaient anxieusement les pigeons lachés pour quelque concours. - ‘Gardes civiques, à vos rangs!’
Un capitaine haut comme une botte, architecte dans le civil, poilu comme un chien barbet, gueulard, pétaradant et, autour des cinquante faux soldats, les gosses du quartier. Mon père, dépassant tous les autres de la tête et déparant l'alignement.