Aelbert Cuyp, ‘De Maas bij Dordrecht tijdens een storm’ (La Meuse à Dordrecht lors d'une tempête), huile sur chêne, 49,8 × 74,4, vers 1645-1650, ‘National Gallery’, Londres.
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Un fleuve de mots
Charles Péguy
Adieu à la Meuse
Adieu, Meuse endormeuse et douce à mon enfance,
Qui demeure aux prés, où tu coules tout bas.
Meuse, adieu: j'ai déjà commencé ma partance
En des pays nouveaux où tu ne coules pas.
Voici que je m'en vais en des pays nouveaux:
Je ferai la bataille et passerai les fleuves;
Je m'en vais m'essayer à de nouveaux travaux,
Je m'en vais commencer là-bas des tâches neuves.
Et pendant ce temps-là, Meuse ignorante et douce,
Tu couleras toujours, passante accoutumée,
Dans la vallée heureuse où l'herbe vive pousse;
Meuse inépuisable et que j'avais aimée.
Extrait de ‘OEuvres poétiques complètes’, Gallimard (La Pléiade, no 60), Paris, 1948.