Victor Hugo
Au haut de la flèche
A Louis Boulanger
Anvers, le 22 août 1837.
Je vous écris d'Anvers, cher Louis, c'est tout vous dire, je suis en pleine Flandre, à même les cathédrales, les Rubens et les Van Dyck. C'est un admirable pays. Hier j'étais au haut de la flèche de cette merveilleuse cathédrale, et je pensais à vous. Je pense à vous toutes les fois qu'une chose contient un tableau ou une pensée.
Je voyais, du même regard, devant moi la mer et Flessingue à vingt-deux lieues, à gauche la Flandre et les tours de Gand, à droite la Hollande et la flèche de Bréda, derrière moi le Brabant et le clocher de Malines; puis l'Escaut, large et brillant au soleil, et, entre la mer et l'Escaut, les polders inondés, une prairie de cinq lieues de tour changée en lac, à droite une autre prairie toute verte et scintillante de maisons blanches; à mes pieds les quelques toits de la tête de Flandre bloqués par l'eau; sous moi Anvers, qui est, au dix-neuvième siècle, comme était Paris au seizième, un amas magnifique d'églises et d'hôtels, de toits taillés, de pignons contournés, de clochers