Au moment où tout semblait annoncer une victoire espagnole, Maurice engagea son ultime réserve de cavalerie. Elle fit basculer les chances. L'archiduc Albert réussit de justesse à s'échapper mais le commandant espagnol, Don Francesco Mendoza, fut fait prisonnier. A 19 heures, les soldats de Maurice étaient maîtres du champ de bataille et tandis qu'on commencait à anéantir l'ennemi en fuite, Maurice descendit de son cheval, s'agenouilla sur la plage et, les mains au ciel, pria à haute voix: ‘O Dieu, qui sommes-nous, nous hommes à qui Vous avez fait un tel honneur et donné la victoire?’
Le bilan de la bataille était extrêmement sanglant: sur une superficie d'à peine 1,5 km2 tombèrent en 4 à 5 heures de 5 000 à 7 000 soldats: 2 000 à 3 000 dans l'armée de Maurice et 3 000 à 4 000 chez les Espagnols. A quoi il faut encore ajouter les 800 morts de l'escarmouche de Mariakerke.
Le jugement final sur la bataille de Nieuport est démystifiant: cette campagne téméraire qui avait failli tourner au fiasco ne put enregistrer de succès durable parce que le siège de Nieuport qui s'en suivit échoua. Des pluies continuelles et l'ouverture des écluses inondèrent les polders qui entouraient la ville. Dunkerque, le deuxième objectif de l'expédition, resta hors d'atteinte. Le 1er août 1600, les dernières troupes de Maurice embarquèrent à Ostende, ‘l'honneur sauf’.
Mais entre-temps, dans toute l'Europe, le prestige de Maurice en tant que chef militaire était établi et celui de la République conforté. Lorsque l'Espagne reconnut formellement le droit à l'existence de la République par le traité de Westphalie (ou de Münster, 1648), la bataille de
La bataille de Nieuport: l'amiral espagnol Don Francesco Mendoza est amené devant le prince Maurice, tableau de L. Moritz, 1820.
Nieuport, si relatif que fût son impact, put être incorporée à effet rétroactif dans la toute neuve histoire du nouvel État.
Au bout du compte, l'impact réel de la bataille des Éperons d'or fut également fort relatif. Mais la piétaille avait pour la première fois eu raison de la cavalerie; quelques provinces soulevées avaient pour la première fois battu une puissance mondiale sur un champ de bataille. David contre Goliath. Et quelle nation refuserait de figurer parmi les Davids?
Luc Devoldere
(Tr. J. Fermaut)