Daniël Robberechts (1937-1992).
six textes dont
Tegen het personage (Contre le personnage, 1968), où Robberechts, fasciné par la banalité du quotidien et la réalité corporelle, dénonce l'empathie fictionnelle et rejette le personnage littéraire conventionnel. Se méfiant de l'approche de la réalité via le langage et du narrateur sûr de lui, il part à la conquête de son moi authentique, seule réalité vraiment connaissable. Diariste depuis ses 14 ans, il entame un journal amplifié couvrant neuf mois; ‘autodescription dynamique’,
De grote schaamlippen (Les grandes lèvres, 1969);
Open boek (Livre ouvert), mêlant notes triviales et essais graves, reflète en livre - miroir bouleversant l'incohérence de l'existence et décortique la honte foncière - Green et Leiris regardent. Dévoilement à vif, cette confession compromettante d'une sincérité impitoyable révèle à l'auteur l'écriture absolue, pose des problèmes d'esthétique, se veut ‘lettre aux prochains’ et constitue un acte de libération. Les journaux
'64-'65 (1984) et
'66-'68 (1987) permettent de compléter la compréhension de cette personnalité complexe.
Aankomen in Avignon (Arriver en Avignon, 1970) essaie de saisir le sujet Avignon d'après l'expérience de l'auteur lors de vingt et un passages en huit ans. La topographie sert de structure à approche épistémologique: que peut-on connaître de?, assortie d'éléments métaphysiques et psychanalytiques: renaissance à travers les premières expériences amoureuses. Praag schrijven (Écrire Prague, 1975) se veut création par le seul langage d'une ville que l'auteur ne connaît pas dans la réalité. Mais le printemps de Prague fait dévier ce processus, qui va de novembre 1967 au début 1971: histoire, politique et idéologie font irruption et entraînent l'auteur, lui révélant la tension entre individu et monde, mais surtout la falsification de l'information, les limites de l'imagination et l'impuissance devant les événements politiques, le camouflage et la manipulation. Le projet Prague échoue en partie, mais quelle leçon.
Dans le sillage de mai 68 - associé à la discussion culturelle, il découvrit l'impact de la société sur l'institution littéraire -, Robberechts publie dans sa revue unipersonnelle ronéotypée Schrift (Ecriture, 1972-1977) des ‘matériaux pour une pratique contemporaine de l'écriture’ abordant tous les aspects théoriques de celle-ci pour aboutir à une critique culturelle et littéraire fondée. Les textes d'Onderwerpen (Sujets / soumettre, 1978) illustrent la dégradation, asservissante au lieu de libératrice, du langage à notre époque.
En mai 1977, Robberechts lance son grand projet: à l'instar de Cervantes, Rabelais, Sterne et Multatuli, et se fondant sur la Rhétorique générale (1970) élaborée par le Groupe mu de l'Université d'État de Liège, il entend réunir, mélanger et exploiter toutes les caractéristiques et possibilités du média écriture en vue de répondre à la diversité et complexité du monde, rendre la réalité plus lisible, accroître le respect des mots chez l'individu et lui conférer ainsi plus de ‘pouvoir de lecture’ en lui faisant prendre davantage conscience du mécanisme et de l'impact du langage, dont on ne se méfie jamais assez... Neuf volumes représentant tous les niveaux du langage devaient concrétiser le ‘plaisir du texte’ chez l'auteur et le lecteur. Un groupe restreint d'abonnés recevaient en effet des fragments de cette ‘oeuvre en cours de composition’ par livraison trimestrielle de tijdSCHRIFT (revue/tempsÉCRITURE) et pouvaient participer à son développement. Deux volumes étaient achevés fin 1990. Aucun éditeur n'en a voulu...
Ses innombrables essais et articles - notamment dans les revues flamande Heibel (Dispute, 1977-1985, dont il était le secrétaire de rédaction) et néerlandaise Raster Treillis, 1979...) -, dont une partie infime seulement a été réunie dans Bezwarende geschriften (Écrits compromettants, 1984), justifientils que l'on se pose la question de savoir si le génie créateur de Robberechts - cherchait-il l'impossible? - n'est pas resté un rien en déçà de la grande perspicacité du théoricien et analyste inspiré?
Daniël Robberechts, qui se félicitait quelquefois que ses livres parviennent plus facilement et sûrement chez les lecteurs via les ma-