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‘De Rode Vaan’ hisse le drapeau blanc
Tout comme dans la défunte Union soviétique, la presse communiste disparaît de Belgique. Près d'un an après son confrère francophone, De Rode Vaan (Le Drapeau Rouge) s'est vu contraint lui aussi de hisser le drapeau blanc. L'hebdomadaire, un jour si florissant, sera désormais introuvable dans les kiosques à journaux. En fait, cela faisait déjà belle lurette qu'on ne le trouvait plus dans la plupart. Quelques vendeurs à qui nous demandions l'historique dernier exemplaire, fronçaient même un sourcil ébahi. ‘De Rode Vaan?’ disait l'un d'eux, ‘non, monsieur, je ne connais pas cette publication...’. Ainsi filent les années et les réputations.
Il fut un temps où l'organe du parti communiste faisait partie des journaux les plus vendus de Flandre. C'était le cas après la seconde guerre mondiale, quand les ‘valets de Moscou’ comme se plaisaient à les appeler leurs adversaires, avaient percé jusqu'au sein du gouvernement belge. Il y a une éternité de cela!
Le déclin du journal commença au plus fort de la guerre froide et rien ne put dès lors l'enrayer. Ce n'est qu'au prix d'énormes efforts et du soutien des amis qu'on put le maintenir en vie si longtemps.
De Rode Vaan vit le jour en 1921 comme organe du Parti communiste de Belgique. Au sein du parti unitaire d'alors, il était étroitement lié à son pendant francophone Le Drapeau Rouge. Il lui était toutefois loisible de marquer ses inflexions propres, par exemple lors des discussions sur l'amnistie pour les activistes de la première guerre mondiale.
De début 1937 à fin 1939, le journal parut sous un autre titre Het Vlaamsche Volk (Le peuple flamand). L'objectif était de briser le cercle trop étroit des lecteurs communistes pour atteindre un public plus large. La manoeuvre n'eut guère de succès, à une époque où la guerre civile espagnole poussait à son comble la hantise du ‘péril rouge’.
Au cours de la seconde guerre mondiale, on cessa la publication, mais dès mai 1941, le titre original apparaissait déjà sur une feuille clandestine et deux jours après la libération de Bruxelles, il s'étalait en tête d'un quotidien. De Rode Vaan et Le Drapeau Rouge étaient alors édités sous une même direction et bien souvent les articles de fond de l'édition flamande étaient une traduction d'originaux en français.
Dans la fièvre de l'après-guerre, alors que ‘la glorieuse Armée rouge’ campait aux portes de l'Europe et qu'on put croire un instant qu'ici aussi l'extrêmegauche l'emporterait, le Kommunistische Partij (Parti communiste) engrangeait moult électeurs et lecteurs. On raconte que Le Drapeau Rouge tirait alors à plus de cent mille exemplaires.
C'était la période où des intellectuels flamands, plus précisément des hommes de lettres, se sentaient attirés par le communisme. Dans De Rode Vaan, ils découvraient le nom d'un jeune romancier talentueux, devenu journaliste: Louis-Paul Boon (1912-1979). Les relents du stalinisme puis les drames de l'impérialisme soviétique l'éloignèrent, lui comme d'autres. Fin 1958, le journal était contraint de se muer en hebdomadaire.
Son confrère français tint bon jusqu'en 1966 avant de devenir à son tour hebdomadaire, non sans promettre un retour à une parution quotidienne. Cette promesse fut tenue. En 1974, au cours de la floraison finale de ce qu'il est convenu d'appeler la révolte des étudiants, en pleine crise pétrolière, on crut qu'un fort vent progressiste soufflait à nouveau dans les voiles. En petit format, le journal sortit à nouveau chaque jour des presses, toujours en tant qu'organe du parti mais ‘avec un regard et une oreille ouverts aux opinions des autres’.
Ce timide pluralisme-entre-progressistes ne livra pas le résultat escompté. Hâve et livide, le journal se traîna jusqu'à ce qu'en février 1991, au lendemain des coups de masse qui sapaient le Mur de Berlin et la domination soviétique, par manque d'argent, il dût cesser de paraître. Il devait alors tirer à moins de 15 000 exemplaires, dont 1 500 destinés à des abonnés russes. Une tentative de sortir, sous le titre Libertés, un journal plus généraliste, avorta trois mois après.
De Rode Vaan, qui s'était proclamé ‘la voix de la gauche flamande’, paraissait faire assez bonne figure comme hebdomadaire. Les dernières années, il élargit effectivement sa sphère d'intérêt et tenta de rallier divers courants de gauche qui ne trouvaient plus guère ou plus du tout à s'exprimer ailleurs. Sa bonne rubrique artistique et littéraire n'était pas étrangère à sa relative attractivité. Mais, pas