re et appelait à en finir purement et simplement avec ‘la’ politique, a obtenu près de 200 000 voix, ce qui vaut trois députés, dont le chef de parti arrêté d'un parti somme toute inexistant...
Même les libéraux flamands pourtant particulièrement actifs n'ont pas pu monnayer leur rôle de parti d'opposition: gagner de justesse un siège, voilà qui ne constitue guère la preuve d'une opposition bien lucrative. Et les Verts flamands d'Agalev (Anders gaan leven - Vivre autrement), auxquels les sondages semblaient pourtant promettre le septième ciel, s'étaient déclarés candidats au pouvoir probablement avec un peu trop d'enthousiasme pour être encore acceptables en tant qu'alternative valable aux yeux de l'électeur aigri. Donc pas de progrès électoral pour eux non plus.
L'électeur belge, manifestement, ne savait plus de quelle manière donner libre cours à son exaspération concernant ce qui se passait du côté de la rue de la Loi à Bruxelles, où les événements et incidents n'avaient d'ailleurs pas manqué de susciter des commentaires ébahis jusque dans la presse étrangère également. Rappelons notamment toutes les péripéties autour de la présence du terroriste palestinien Walid Khaled à Bruxelles, les tergiversations sur la participation à la guerre du Golfe, la discussion sur la question de savoir s'il fallait ou non livrer aux pays du Moyen-Orient des armes commandées précédemment, et tant d'autres arrangements peu convaincants... L'électeur en avait aussi assez d'entendre parler tout le temps des immigrés alors qu'aucun pas concret n'est fait pour commencer à apporter un début de solution concrète à ce problème. Voilà suffisamment de raisons pour lesquelles l'électeur courroucé a, entre autres, fait du Vlaams Blok le quatrième parti de Flandre, avec plus de 10% des voix flamandes. Du point de vue purement mathématique, il n'est pas exclu que lors des prochaines élections municipales, ce même parti qui, en raison de son attitude ouvertement anti-immigrés, fait croire aux observateurs étrangers que la Flandre est à peu près mûre pour un réveil fascisto-raciste, puisse ambitionner la direction de la ville d'Anvers traditionnellement cosmopolite!...
Entre-temps, le sursaut électoral du 24 novembre 1991 complique considérablement la formation d'un nouveau gouvernement belge. A l'issue des élections de 1988, il a déjà fallu près de 150 jours pour mettre sur pied un gouvernement. Cette fois-ci, l'électeur a fait vaciller en outre un équilibre belge historique: dans la partie francophone du pays, le Parti socialiste, en dépit d'un léger recul, est et demeure sans conteste incontournable, mais le partenaire classique du côté flamand, le parti démocrate-chrétien CVP du premier ministre sortant Wilfried Martens (o1936), est devenu numériquement trop faible pour constituer encore un contre-poids véritablement belge. Si, de plus, les milieux politiques veulent que le nouveau gouvernement belge dispose d'une majorité extra-large pour parachever la réforme de l'État, il paraît pratiquement indispensable que presque tout le monde mette la main à la pâte pour parvenir à la majorité des deux tiers requise. Ne disons rien encore de la stabilité politique problématique qu'entraînerait un gouvernement à la composition aussi large qu'hétéroclite. De plus, un nouveau gouvernement aura à faire face dès 1994 à l'échéance de nouvelles élections à la fois municipales et européennes. A moins que l'on ne permette à l'électeur de se ressaisir, avec le risque - qui n'est certes pas à exclure - de voir l'électeur excédé tourner davantage encore le dos aux partis traditionnels. Depuis l'abaissement de l'âge d'accès au droit de vote, en 1987, le nombre des jeunes électeurs s'est considérablement accru; il s'agit là d'un phénomène nouveau dont on a insuffisamment tenu
compte à ce jour.
Marc Platel
(11 février 1992)
(Tr. W. Devos)