Septentrion. Jaargang 21
(1992)– [tijdschrift] SeptentrionEnvironnementComment l'environnement aux Pays-Bas franchira-t-il le cap de l'an 2000?La question de l'environnement aux Pays-Bas est de plus en plus brûlante, à en juger par le nombre croissant de publications qui y sont consacrées depuis trois ou quatre ans. Les pouvoirs publics eux-mêmes prennent des initiatives et ne cessent de publier notes, projets ou rapports. Le dernier document en date, paru fin 1991 sous le titre Nationale Milieuverkenning 2 (Objectif environnement national 2), actualise le rapport Zorgen voor morgen (Soucis pour demain) de 1988 sur l'état de l'environnement aux Pays-Bas et son évolution d'ici à l'an 2000(1). Ce premier inventaire Zorgen voor morgen forme une partie de l'ossature du Nationaal Milieubeleidsplan (NMP - Plan national de gestion de l'environnement) édité en 1990(2). Dans l'un comme l'autre de ces deux documents, les objectifs exprimés ne manquent pas d'ambition. Exemple: réduire de 80 à 90% en trente ans les rejets d'un grand nombre de matières, non seulement acides telles que SO2, NO et NH3, mais aussi alcalines (phosphates et nitrates), de métaux lourds, et d'une série d'autres produits nocifs. Suite à la crise gouvernementale, aux élections et à la formation d'un nouveau gouvernement, le plan a été complété en 1991 par un NMP +, dans lequel la nouvelle équipe au pouvoir définissait ses propres priorités et plaçait la barre plus haut encore. Le rapport Nationale Milieuverkenning 2 tente en fait d'établir dans quelle mesure les dispositions prises en application des plans NMP et NMP + permettent d'atteindre les objectifs que l'on s'est fixés tantôt pour 2010, tantôt pour une étape intermédiaire - 1994 ou 1995. Dans chaque cas, le rapport présente un constat de la situation actuelle et une projection à l'horizon 2010. Le rapport a été publié par le Rijksinstituut voor Volksge- | |
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zondheid en Milieuhygiëne (Institut national de santé publique et d'hygiène de l'environnement), qui fait de plus en plus office de bureau du plan pour l'environnement. Il n'est évidemment pas possible de résumer ici un rapport de 544 pages sans en trahir maintes nuances. Retenons l'idée générale que les dispositions concrètes que l'on connaît actuellement ne suffisent pas pour réaliser les objectifs. Ce qui n'empêche nullement d'épingler des conclusions positives. Si les mesures annoncées à ce jour n'entraînent qu'une réduction des rejets de 50 à 60% contre les 80 à 90% qui devraient être atteints, il importe d'affiner le bilan sur certains éléments: le rejet de produits acides par les grandes usines a nettement diminué: la production et l'utilisation de CFC - principale menace pour la couche d'ozone - seront même complètement arrêtées pour l'an 2 000. En revanche, le tableau s'assombrit sur d'autres points: le dégagement de CO2, un des gaz responsables de l'effet de serre, accusera après l'an 2000 une augmentation plutôt qu'une diminution; les émanations acides résultant de la production agricole et, plus encore, de la circulation des véhicules n'ont pas été réduites dans les proportions souhaitées et nécessaires. A cet égard, le spectaculaire accroissement du transport routier - pas moins de 18% en termes de Km/TIR aux Pays-Bas entre 1986 et 1990 - ne laisse pas d'inquiéter. Avec l'avènement du marché unique européen, le risque de voir ce mode de transport et cette forme de pollution se développer n'est pas illusoire. Le tableau n'est pas rose non plus dans les secteurs des déchets organiques et des immondices. En dépit de toutes les mesures prises, dans le secteur agricole, le volume de déchets organiques ne cesse de s'accroître. C'est que, d'une part, le cheptel continue de se développer, compensant les effets des techniques de réduction des déchets, tandis que d'autre part les techniques de transformation ne sont pas encore suffisamment au point. Ainsi, pour un volume de 5,5 millions de tonnes en 1995, on table sur une capacité maximale de transformation de 3 millions de tonnes. De plus, il est d'ores et déjà manifeste que la quantité de déchets ammoniacaux sera, en l'an 2000, nettement supérieure aux estimations et atteindra 101 kilotonnes au lieu des 70 prévues. Des constatations analogues s'appliquent au secteur des immondices. Les maigres résultats des campagnes menées jusqu'ici pour la prévention et le recyclage, conjugués avec une production et une consommation toujours en courbe ascendante, expliquent que la montagne de détritus grandit beaucoup plus rapidement qu'escompté. Au lieu des 40 millions de tonnes dont faisait état le rapport Zorgen voor morgen, nous en sommes aujourd'hui à 52 millions de tonnes, soit 30% au-delà de l'estimation. Cette accumulation plus rapide que prévu entraîne inévitablement des problèmes d'évacuation dépassant les capacités de transformation, tant au stade de la décharge qu'à celui de l'incinération. L'un dans l'autre, le rapport Nationale Milieuverkenning 2 débouche sur un bilan provisoire négatif. D'avoir communiqué ces conclusions avec une parfaite transparence est tout à l'honneur des pouvoirs publics néerlandais, lesquels font preuve d'une ouverture politique et de qualités de gestionnaire, qui les démarquent nettement du climat de secret et de confidentialité qui caractérise la gestion de l'environnement en France et en Belgique. Il reste que les conclusions n'incitent pas à l'optimisme. Trois ensembles de facteurs peuvent être mis en cause. Tout d'abord, il est clair que la gestion reposait sur des éléments erronés ou incomplets, de sorte que les problèmes se sont avérés plus sérieux qu'on ne le soupçonnait en 1988 dans Zorgen voor morgen. Des mesures nouvelles, affinées, s'imposent dans quasiment tous les domaines de la gestion de l'environnement. En second lieu, la mise en oeuvre effective des plans NMP et NMP+ se réalise beaucoup plus lentement que ces rapports ne l'envisageaient avec une trop grande confiance. Cela est partiellement dû au fait que certaines techniques ne sont pas devenues opérationnelles aussi rapidement que prévu, mais aussi à une sous-estimation de la ‘résistance’ des réalités politiques et sociales de la gestion de l'environnement. Mais il y a une troisième raison, que Milieuverkenning 2 met d'ailleurs davantage en évidence que ne le faisait Zorgen voor morgen: l'arrière-plan socio-économique a changé avec l'augmentation de la population, la croissance économique, de nouvelles habitudes de consommation d'énergie et de matières premières, etc... Autant de modifications qui contribuent dans une mesure non négligeable à la détérioration de l'environnement et qui, en outre, sont bien plus malaisées à juguler, sur le plan national, que le volume des déchets organiques et des immondices. Concrètement, le coût de l'énergie n'a cessé de baisser ces dernières années malgré des événements comme la guerre du Golfe persique; actuellement, les prix sont même plus bas qu'avant la crise pétrolière de 1973-74. La baisse des coûts n'est certes pas de nature à entraîner des économies de consommation. Quoi qu'en dise le lobby de l'automobile, rouler en voiture est à peine plus cher qu'il y a trente ans. Cela non plus n'incite pas à un comportement différent, plus favorable à l'environnement. Des changements sociaux aussi fondamentaux revêtent une importance considérable pour la protection de l'environnement, à l'échelle planétaire. Mais les pouvoirs publics (néerlandais ou autres) ont malheureusement très peu de prise sur ce genre d'évolution.
Pieter Leroy
(Tr. J.-M. Jacquet) |