Les avant-gardes littéraires en Belgique
Sous la direction générale de Jean Weisgerber (o1924), directeur du Centre d'études des avantgardes littéraires de l'université de Bruxelles, a paru une étude monumentale au sujet des avant-gardes littéraires en Belgique. Cet ouvrage collectif, publié en français, renouvelle la question à plus d'un égard.
Dans son Avant-Propos Weisgerber affirme que le livre ne vise ni une vue d'ensemble ni une description exhaustive du sujet. Ce sont plutôt des enquêtes partielles ou des ‘sondages’ qui ont été effectués, voulant établir, d'une part, les parallèles entre les deux littératures nationales et, d'autre part, les points de tangence entre les arts plastiques et la littérature dans la période 1880 - 1950. Ce large angle d'attaque comparatiste nous livre des résultats surprenants et enrichissants. Ainsi est mise en lumière ‘la dette contractée par Van Nu en Straks vis-à-vis de La Jeune Belgique et d'autres mouvements francophones de l'époque’. Beaucoup d'attention est accordée également à la collaboration entre Flamands et francophones, à l'oeuvre des Flamands francophones et à la réception des mouvements d'avant-garde des deux côtés de la frontière linguistique. L'on met ainsi en évidence la réception de l'expressionnisme (qui avait percé surtout en Flandre) dans les revues francophones, ou celle du surréalisme (avant tout une affaire francophone) en Flandre. Mais l'optique comparatiste va plus loin: les mouvements d'avant-garde, qui en Belgique furent en premier lieu des mouvements d'adaptation-transformation, sont situés dans leur contexte européen (dans leur relation avec la France, les Pays-Bas, l'Angleterre, l'Allemagne).
L'ouvrage se compose de deux parties, dont la première est consacrée à la préhistoire de l'avantgarde historique (le modernisme) et à la ‘géographie’, autrement dit à l'étalement des différentes ramifications du mouvement sur les centres urbains: Anvers, Bruxelles, La Louvière, Mons et Liège. Le renouvellement des années 80 (La Jeune Belgique) et des années 90 (Van Nu en Straks) n'appartiennent pas, à strictement parler, à l'avant-garde (le terme modernisme recouvre dès lors une acception peu appropriée), mais il s'avère nécessaire de connaître leurs programmes pour mieux comprendre ce qui a suivi. Remarquable pour cette période est le lien étroit qui existe alors entre les deux cultures du pays. A la génération de 80 appartient encore la conscience d'une synthèse cultuelle; pour eux l'apport flamand se transforme en véritable mythe (‘le mirage nordique’: Lemonnier (1844 -1913), Van Lerberghe (1861 - 1907), Verhaeren (1855-1916), Ensor(1860-1949)). Ce n'est qu'après la première guerre mondiale, par l'introduction du suffrage universel provoquant l'autonomie des régions et l'unilinguisme, qu'une séparation culturelle se manifeste clairement. Ce phénomène de floraison et de désagrégation d'une ‘littérature belge’ mériterait, d'un point de vue comparatiste, bien des enquêtes supplémentaires - ce n'est là qu'une des nombreuses et intéressantes suggestions faites au cours de l'ouvrage.
La deuxième partie nous offre des articles tout à la fois panoramiques et détaillés au sujet de la pénétration du futurisme en Belgique (dix ans plus tard que partout ailleurs en Europe) et de la réception de l'expressionnisme - avec, comme auteur principal, le poète flamand Paul van Ostaijen (1896 - 1928) - au sein des revues francophones, une attention spéciale allant à Ça Ira, à la publication polyvalente Sélection (P.G. van Hecke,