Philosophie
La philosophie et la médecine aux Pays-Bas
Au moment où la technologie et le calcul mathématique font leur percée en médecine, un nouveau mouvement s'annonce qui demande un peu plus de circonspection. En effet, réflexion et pondération s'imposent d'urgence à une époque où tous les dirigeants politiques, dans des domaines impliquant les plus grandes responsabilités, s'avèrent si pressés et si impatients. Dans la pratique quotidienne de la médecine, cela signifie concrètement que chaque patient renonce à tout sentiment de résignation devant sa condition humaine et attend une guérison hyperrapide d'une pharmacothérapie qui aurait fait siennes les dernières innovations de la technologie de pointe. En effet, les patients confrontés à des problèmes se montrent extrêmement individualistes à cet égard: ils attendent que la science médicale soit à leur disposition à tout moment de la journée.
Tout homme sensé se rend compte que cela est impossible. Il sait qu'en tant qu'être humain, il est un être insondable, que la maladie et la mort ne relèvent certainement pas exclusivement des techniques médicales, qu'en raison de notre conditionnement sur le plan social, l'homme n'est pas ou ne peut pas être un individu complètement indépendant.
Ce que dit le bon sens constitue généralement un excellent point de départ pour la réflexion philosophique. C'est pourquoi des médecins sensés demandent aux philosophes si ceux-ci ne peuvent leur prêter leur concours dans la réflexion sur la place et le sens de la médecine dans une société où les besoins et les desiderata existentiels du malade ne sont plus guère perçus en raison de l'agitation bourdonnante d'une médecine et d'une science médicale qui s'érigent en technologie.
Aujourd'hui, il y a aux Pays-Bas quelques médecins qui ont reçu une formation philosophique. Précédemment, c'était surtout dans le secteur de la psychiatrie - qui est, en fait, la médecine par excellence - que l'on trouvait quelques figures marquantes qui soulignaient l'importance de la critique philosophique. Rümke, Carp et Van den Berg - ce dernier est l'auteur de nombreuses études pénétrantes sur la ‘métablétique’, terme qu'il conçut pour désigner la théorie des modifications sociales, une manière éminemment spéculative d'interpréter des phénomènes historiques - ont effectué des travaux particulièrement suggestifs à cet égard. En dehors de la psychiatrie, il faut incontestablement songer à Buytendijk. Pendant quelque temps, tout semblait indiquer que la jeune génération ne voulait plus s'intéresser à l'approche plus contemplative de ses prédécesseurs. Stimulés par le succès scientifique - quoi que cela puisse signifier -, ils se passionnaient davantage pour les résultats de la recherche fondée sur l'observation de faits ‘incontestables’. Toutefois, un nombre croissant de médecins commencent à se demander quel sera le prix à payer pour le prétendu progrès.
C'est Johan Hendrik van den Berg, susdit professeur à l'université de Leyde, qui, il y a vingt-cinq ans, a ouvert le débat public avec son étude Medische macht en medische ethiek (Pouvoir médical et éthique médicale). Aux Pays-Bas, pays de moralistes et de théologiens par excellence, ce débat n'a fait que s'élargir et s'amplifier. Actuellement, chaque faculté de médecine compte son maître de conférences d'éthique médicale et chaque hôpital dispose d'une commission d'enquête éthique. Bien sûr, dans ce domaine également, la ‘réunionite’ risque souvent de primer sur la réflexion approfondie, et l'aspiration à une politique transparente en matière d'organisation et de consultation l'emporte parfois sur le souci effectif du malade. Il n'empêche qu'une vision différente de la médecine peut s'y exprimer, qui doit libérer la pharmacothérapie de son autonomie fortement hiérarchisée.
L'éthique médicale est la spécialisation qui retient actuellement le plus l'attention: les problèmes suscités par l'avortement et l'euthanasie, par l'aide médicale en cas de suicide, par la fécondation in vitro, par l'insémination artificielle, par la responsabilité en matière de médecine préventive et au niveau de la recherche sur les maladies susceptibles d'être prévenues, et d'autres encore. Tous ces thèmes font quotidiennement l'objet de discussions et de réflexions, de recherches et de publications. A ce propos, il convient de signaler