Miriam Van hee:
une aspiration à ce qui manque
Après le néo-réalisme, qui marqua la poésie flamande à la fin des années soixante, un nouveau courant littéraire s'est dessiné au début des années soixante-dix que l'on a baptisé le néo-romantisme. De fait, il ne s'agissait pas tant d'un mouvement ou d'un courant que d'une tendance, d'un nouveau regard de certains poètes, parmi lesquels Luuk Gruwez est certainement le plus connu. Dans la même génération et au sein du même groupe, on situe d'habitude Miriam Van hee, Erik Verpaele et Daniel Billiet.
En comparaison avec le néo-réalisme, la poésie néo-romantique se caractérise par une très nette différence d'accent que Hugo Brems commenta dans un numéro précédent de la revue (cf. Poésie en Flandre depuis 1950, dans Septentrion, 1988, no 1). Ce n'est plus la froide prise en compte du réel qui se trouve au coeur des préoccupations, mais plutôt l'expérience subjective de celui-ci. La poésie néo-romantique revient à l'expression des thèmes éternels et récurrents que sont l'amour et la mort. Toutefois, la touche spécifiquement romantique surgit de l'accent mis sur le désir, le manque, l'incomplétude humaine.
Il en va ainsi dans la poésie de Miriam Van hee. Elle se distingue cependant des écrivains de sa génération par des inflexions tout à fait singulières et par un ton spécifique, de nature élégiaque, qu'elle a défini elle-même comme une ‘hésitation entre se taire et parler’. La poétesse n'a pas manqué de souligner par ailleurs les traits typiquement existentialistes qui marquent sa poésie première.
Miriam Van hee (née à Gand en 1952) a déjà publié quatre recueils. Het Karige Maal (La Maigre Chère), dont le manuscrit lui valut en 1977 le prix décerné par la province de Flandre orientale à un poète débutant et fut publié à Gand en 1978 par le Masereelfonds, fixa d'emblée la teneur de sa vision poétique du monde. Celle-ci est caractérisée par l'incertitude, par des qualifications telles que ‘parfois’, ‘à peine’, ‘mais’ et ‘toutefois’, par une distanciation qui imprègne toutes les fibres de l'écrit - ainsi dans: ‘Des dieux nous ne nous sommes / guère avérés même pas / dans nos rêves’ - et surtout par un désir inlassable: désir d'être blottie, désir de chaleur et de contact, mais aussi aspiration au changement, aux horizons lointains. Ces ‘grands’ sentiments s'expriment simplement et sans prétention, évitant tout pathétique. Les émotions sont rapetissées, réduites à des proportions quotidiennes; ainsi, l'aspiration aux horizons lointains s'exprime par un train qui passe, ou par une bicyclette s'enfonçant dans le paysage.
Ces motifs récurrents se présentent également dans le second recueil, Binnenkamers en andere gedichten 1977-1980 (Intérieurs et autres poèmes 1977-1980), publié à Gand en 1980. Comme il appert dès le titre, la poétesse s'est retirée dans son propre petit monde, intime et vulnérable. Et cependant c'est au sein de ce microcosme que, paradoxalement, elle prête attention à d'autres univers, à d'autres individus et à d'autres pays (la Russie, Paris, un tableau de Chagall). La résignation s'est estompée au profit d'une inquiétude grandissante et d'un désir intensifié d'horizons nouveaux.
Le troisième recueil, intitulé Ingesneeuwd (Enneigée), fut publié en Hollande (Amsterdam, De Bezige Bij, 1984) et, de ce fait, procura à l'auteur une plus large renommée. Le livre témoigne d'une attention accrue à la langue poétique et à la composition des pièces. Entretemps, Miriam Van hee, qui est licenciée en slavistique, s'est plongée dans l'oeuvre de la poétesse russe Anna Akhmatova, dont elle a tra-