‘Beelden’ - Images d'Hugo Claus
L'écrivain flamand Hugo Claus, que la francophonie n'ignore plus depuis la parution en traduction de son monumental roman Het verdriet van België (sous le titre Le chagrin des Belges) présentée avec verve et brio par l'auteur au cours de l'émission télévisée de Bernard Pivot ‘Apostrophes’, se double d'un peintre et dessinateur chevronné. Les éditions Mercatorfonds-Antwerpen ont souligné cette autre facette de son talent en publiant un magnifique album de reproductions intitulé Beelden van Hugo Claus (Hugo Claus Imagier), qui offre un aperçu de ses dessins, gouaches, collages, frottages et autres oeuvres graphiques réalisés au fil des nombreuses années écoulées. On en a volontairement banni les peintures. Il en est résulté un livre d'art assez peu conforme à la tradition car Claus a expressément interdit de mentionner la date des oeuvres, de leur donner un titre et de les accompagner d'indications qui en éclaireraient la genèse. Le curieux qui voudrait néanmoins creuser la chose peut recourir à l'introduction du poète et critique Freddy De Vree et aux entretiens que ce dernier eut avec Claus au sujet de son oeuvre plastique. On y évoque plus ou moins l'origine de certaines oeuvres et les influences que l'artiste subit et intégra. Encore le mot ‘influences’ est-il par trop simpliste: mieux vaudrait parler de références, lesquelles sauteront aux yeux de l'amateur d'art éclairé qui feuillettera l'ouvrage. Mais à l'examen, il découvrira une interprétation personnelle tantôt sauvage et brutale, tantôt marquée par un parti pris de plagiat, tantôt affectée, tantôt très tendre. On en vient alors
à se demander si Claus possède bel et bien un style propre; la réponse c'est l'auteur lui-même qui nous la donne: ‘Je fais fi d'une évolution stylistique personnelle car cela supposerait que la multiplicité de nos expériences puisse se réduire à une paire de formes stylistiques.’ Mieux vaut poser le problème autrement. L'esprit érudit de Claus embrasse les multiples facettes des arts plastiques qu'il observe, analyse et interprète en connaisseur. C'est un diable de joueur qui connaît ses forces et entend les mesurer à celles de ses compagnons de jeu sans renoncer pour autant à sa personnalité propre.
Dès sa prime jeunesse, Claus a toujours été peintre/dessinateur. A l'époque, c'était l'oeuvre des expressionnistes flamands qui le fascinait, et surtout la nature introvertie d'Hubert Malfait. Il tombe sous le sens que son style en fut alors tributaire: songeons qu'il était tout jeune et que l'influence des expressionnistes s'exercerait puissamment sur la peinture flamande jusqu'au lendemain de la seconde guerre mondiale. Vers 1946, Claus a 17 ans,
il entre en contact avec Roger Raveel, un peintre d'une grande importance, initiateur d'une nouvelle vision des choses, qui fera sur lui grande impression. Raveel lui ouvre les yeux sur des aspects différents et novateurs de la peinture qu'on peut retrouver dans son oeuvre. De cette rencontre résulte une manière plus libre, plus désinvolte et plus primitive de peindre, qui amène Claus dans l'immédiate mouvance des artistes du mouvement Cobra. A tel point que, par l'entremise de Pierre Alechinsky, il attire l'attention du cofondateur de Cobra, Christian Dotremont, lequel l'invite à se joindre au groupe. Il participera tout un temps aux expositions collectives et Cobra laissera des traces assez durables dans son oeuvre. Mais l'esprit inquiet de Claus continue à explorer d'autres domaines. Il développe une technique du collage qui présente des traits surréalistes du genre de ceux que nous connaissons à Max Ernst. Dans ses dessins proprement dits, il lance des clins d'oeil à Picasso, à Dubuffet, à Picabia et même le non-figuratif l'attire, sur-