Septentrion. Jaargang 17

Henri Lambert et ses ‘intragrammes’

La recherche de nouvelles techniques et leur application sont des éléments caractéristiques de l'art contemporain. C'est d'une manière assez confuse, toutefois, que l'artiste graphique bruxellois Henri Lambert (1955) est arrivé à une technique nouvelle.

Vers 1984, Lambert a été associé à la réalisation du projet de ‘Redu - village du livre’. La commune de Redu, dans le Brabant wallon, s'est presque complètement consacrée au livre sous toutes ses formes. Lambert y est entré en contact avec Jules Dekimpe, un restaurateur de livres. Dekimpe a conçu un système pour restaurer du papier par la refibrilisation au moyen de pâte à papier. Pratiquement, cela se fait comme suit. Le système se compose de deux cuves superposées, la cuve supérieure contenant 100 litres d'eau et la cuve inférieure 150 litres, séparées par une trame avec un filtre. Le document à restaurer est posé sur la trame. Un nombre calculé de fibres de papier sont mélangées aux 100 litres d'eau de la cuve supérieure. En laissant s'écouler les 150 litres d'eau de la cuve inférieure, le mélange de la cuve supérieure

Henri Lambert, ‘Autoportrait’, photocopie et fibres de papier, 47,5 × 34 cm, 1986.

passera au travers du document. Les fibres de papier contenues dans le mélange sont donc emportées par le courant vers les ouvertures possibles. Ces fibres sont retenues par le filtre. De cette manière, les ouvertures se remplissent, les déchirures et les irrégularités du document se restaurent.

Henri Lambert applique ce système pour créer ses ‘intragrammes’. Au lieu d'anciens documents, il utilise des photocopies, des gouaches, différentes sortes de papier, du textile. Les oeuvres se composent donc d'un élément porteur, une feuille de papier, sur ou dans lequel est appliqué un deuxième élément au moyen de la technique de refibrilisation. Ainsi naissent des compositions parfois abstraites, parfois à tendance figurative, conçues blanc sur blanc, ou noir sur blanc, ou blanc teinté de couleurs douces. Les compositions réalisées de la sorte sont très esthétiques, et les meilleures sont intéressantes non seulement du point de vue formel, mais également sur le plan du contenu.

Lambert obtient les meilleurs résultats quand il se limite à la combinaison de papier sur papier, en appliquant le procédé en fonction du but pour lequel il a été inventé. Quand il se laisse tenter

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par l'utilisation de textile, on a l'impression que deux matières étrangères se font concurrence et ne réussissent pas à se fondre vraiment en un ensemble. Même utilisé avec la plus grande délicatesse, l'élément textile, à mon sens, sollicite trop expressément l'attention, de sorte que le papier, bien qu'élément porteur, semble perdre de son importance. Mais en tout état de cause, Lambert a découvert une source qui lui a montré la voie vers des recherches permettant d'explorer et d'exploiter des possibilités nouvelles de l'art graphique, par analogie avec les ‘chimigrammes’ de Pierre Cordier, ‘qui ont ouvert des perspectives nouvelles dans le même domaine.

C'est à Ludo Simons, bibliothécaire des facultés universitaires UFSIA d'Anvers, que revient le mérite d'avoir fait connaître cette oeuvre, grâce à une exposition et une plaquette précieuse avec des textes de Jacques Meuris et Fernand Bonneure (qui peut être obtenue à l'UFSIA, Prinsstraat 9, B-2000 Antwerpen).

Ludo Bekkers

(Tr. W. Devos)