In Memoriam Joop den Uyl, homme d'Etat
Aux Pays-Bas, les derniers jours de 1987 ont été marqués par la commémoration d'un ancien premier ministre; jamais auparavant, pour un homme politique, les registres de condoléances ouverts dans mainte mairie n'avaient été signés par tant de gens. Cet honneur posthume échut à l'ancien premier ministre, le docteur Johannes Marten den Uyl, leader du Partij van de Arbeid (parti travailliste ou socialiste néerlandais) dans les houleuses années soixante. C'était un politicien qui savait parler à l'imagination des gens, surtout des braves gens du peuple. Un homme qui était apprécié pour la conviction avec laquelle il prenait fait et cause pour les déshérités de la société, et qui - dans certains cercles de la classe possédante - passait de ce fait pour un fanatique
Joop den Uyl (1919-1987).
et un pénible obsédé; une personnalité controversée aussi, mais en même temps une personnalité tout court.
J.M. den Uyl naquit en 1919 à Hilversum dans une famille strictement calviniste de la petite bourgeoisie, qui exploitait un magasin de jouets et de vannerie. Chose inhabituelle dans ce milieu, il fit son secondaire et étudia l'économie à Amsterdam. C'était un étudiant doué. Après la guerre, il s'inscrivit au Partij van de Arbeid qui venait de se créer. A trente ans, il devint directeur du bureau scientifique de ce parti. Plus tard, nous le retrouvons adjoint au maire de la capitale néerlandaise, Amsterdam; puis député et Ministre de l'Economie dans le cabinet Cals qui réunissait catholiques et socialistes et, en partie à cause des tendances progressistes de Den Uyl, sera sabordé prématurément en 1966 par des catholiques conservateurs. De 1973 à 1977, il fut premier ministre du (toujours très controversé) cabinet Den Uyl. Parallèlement, il servit des années durant de tête de liste du Partij van de Arbeid; néanmoins il ne réussit pas - en particulier à cause de la majorité absolue détenue par les Chrétiens-démocrates et les Libéraux - à constituer un deuxième cabinet Den Uyl, et cela en dépit de sa victoire électorale.
Joop den Uyl fut un politicien et un chef de parti d'une étonnante présence, ce qui tenait pour une part à l'époque où il eut à tenir les rênes. C'est lui en particulier qui fut responsable de la fermeture des mines néerlandaises (rendue possible par l'utilisation judicieuse des bénéfices dégagés alors par l'exploitation du gaz naturel). Il eut également à se colleter à la crise pétrolière, (songez à son incidence pour Rotterdam) et à l'affaire de pots-de-vin Lockheed, qu'il sut conclure de façon satisfaisante tant pour la famille royale que pour la société néerlandaise.
Notons en marge que les années soixante avaient tout d'une ‘révolution culturelle’ aux Pays-Bas: les étudiants démocratisaient les universités (soulèvement du Maagdenhuis); les mouvements provo et kabouter (farfadet) battaient le pavé; un nouveau parti Democraten '66 naissait, désireux de briser le carcan du système des partis hérité du xixe siècle; au sein de sa propre formation apparaissait le mouvement de jeunes gauchiste ‘Nieuw Links’ (Nouvelle gauche - entraînant sur sa droite l'éphémère sécession des Socio-démocrates de DS '70); le féminisme des ‘Rooie Vrouwen’ défrayait la chronique; etc.
Joop den Uyl n'était pas homme à suivre les caprices des modes; il se réclamait plutôt des valeurs authentiques que les tenants du changement voulaient mettre en oeuvre - souvent par des actions extérieures à la vie parlementaire -. En ce sens, Den Uyl sut tenir son ‘troupeau’ rassemblé. (C'est à dessein que j'emploie ici le mot ‘troupeau’, parce que quelques jours avant le décès de Joop den Uyl, les Pays-Bas déploraient la mort du Cardinal Bernard Alfrink (87 ans) qui au cours de ces mêmes années - songez au Concile Pastoral - sut garder son ‘troupeau’ rassemblé, fût-ce sans le consentement de Rome; du reste, au sein de l'Internationale Socialiste, on ne manqua pas non plus de mettre en question les évolutions internes du Socialisme néerlandais).
Parallèlement, Joop den Uyl avait des fonctions notamment dans l'Internationale Socialiste