Septentrion. Jaargang 17
(1988)– [tijdschrift] Septentrion– Auteursrechtelijk beschermd
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PolitiqueLe quinzième scrutin d'après-guerre en BelgiqueLe 13 décembre 1987, un peu plus de 7 millions de Belges ont pu - et dû - se rendre une fois de plus aux urnes pour des élections législatives. C'était la quinzième fois depuis la deuxième guerre mondiale qu'ils étaient invités à élire 212 députés et 106 sénateurs. Nombreux sont les Belges qui estiment qu'ils sont trop souvent appelés aux urnes. Des élections législatives n'étant normalement prévues que tous les quatre ans, il n'aurait dû y avoir que dix scrutins depuis 1945. Mais la politique belge ne tient pas toujours compte de la théorie, même édictée par une Constitution vieille de 158 ans. Ces dernières élections législatives sont également intervenues beaucoup plus tôt que prévu. Lors du scrutin précédent, au mois d'octobre 1985, les Démocrateschrétiens et les Libéraux s'étaient pourtant vu accorder par l'électeur un mandat pour poursuivre la politique de la coalition du gouvernement Martens V, au pouvoir de 1981 à 1985. Par ailleurs, on peut affirmer qu'il est assez rare qu'après quatre ans, un gouvernement résolu à toute une série de mesures impopulaires d'économie et de modération se voie conforté et encouragé à poursuivre sa politique. Wilfried Martens s'était donc remis au travail, flanqué de l'étoile montante Guy Verhofstadt, le tout jeune président du parti libéral flamand PVV, qui fut chargé de s'occuper du budget archimalade de la Belgique. Il se donnait pour mission de veiller à ce que le déficit budgétaire soit ramené de 12 à 7% avant les élections législatives suivantes, qui devaient avoir lieu en 1989. Cela signifiait que le Trésor devait dépenser des centaines de millions en moins, car le néolibéral Verhofstadt estimait qu'il fallait réduire le déficit sans chercher de nouveaux revenus. Pendant la première année du nouveau gouvernement, le tandem Martens-Verhofstadt réussit à franchir un premier pas important dans la maîtrise des dépenses de l'Etat. Mais, apparemment, on eut tôt fait d'épuiser les possibilités: les gens, c'est-à-dire les électeurs, en avaient assez d'économiser, et on estimait que tout ne devait pas aller si vite... Bref, les démocrateschrétiens éprouvaient de plus en plus de difficultés à digérer l'obsession libérale d'imposer des économies rigoureuses à la Verhofstadt. Heureusement, surgit à nouveau le problème fouronnais, et les manoeuvres de José Happart contribuèrent à détourner quelque peu l'attention de l'opinion publique du combat politique plus sérieux autour de la question de savoir si le déficit budgétaire devait être résorbé avec plus ou moins de célérité. Ce furent ces éternelles chamailleries qui nous amenèrent aux élections du 13 décembre 1987, dont le résultat final semble avoir drôlement compliqué les rapports politiques en BelgiqueGa naar eind(1). Les Démocrates-chrétiens, avec le premier ministre comme figure de proue, ont perdu au nord et au sud de la frontière linguistique et comptent 7 sièges de moins à la Chambre des représentants, alors que les Libéraux progressent en Flandre mais sont perdants dans le sud du pays. Du côté des partis de l'opposition, le scrutin n'a certainement pas donné une situation plus claire non plus. Les socialistes flamands et les nationalistes flamands de la Volksunie stagnent pour ce qui est du nombre de députés, tout en augmentant leur nombre de voix, alors que le Parti socialiste dans la partie francophone du pays compte 5 sièges de plus. Avec ses 72 députés, la famille socialiste, dorénavant, est numériquement la plus forte à la Chambre des représentants. Les Verts aussi font du sur place. Le résultat le plus frappant dans l'opposition est le progrès enregistré par le Vlaams Blok (Bloc flamand), dissidence ultra du parti nationaliste flamand: avec 2 sièges à la Chambre, où il n'en comptait qu'un seul, et 1 nouveau siège au Sénat, ce parti, qui prônait ouvertement une attitude hostile à l'égard des travailleurs étrangers, a vu tripler sa représentation parlementaire. On pourrait difficilement prétendre que le résultat du scrutin ait suscité beaucoup d'enthousiasme. Les Démocrates-chrétiens et les Libéraux maintiennent leur majorité sur le plan national, fûtce de justesse, mais ils la perdent au niveau de la Communauté française et de la Région wallonne. Une reconduction des gouvernements Martens V, VI et VII est dès lors mathématiquement possible. Les deux partis socialistes ensemble n'ont pas progressé suffisamment pour imposer vraiment leur volonté politique rue de la Loi. Les autres partis de l'opposition ne peuvent que faire semblant de célébrer leur prétendue victoire... ou panser leurs plaies. Le 13 décembre dernier, l'électeur ne s'est certes pas exprimé en faveur de l'aventure, mais il ne s'est pas prononcé non plus pour ou contre l'alternative à la politique de centre-droite des dernières années. A cet égard, la victoire du libéral flamand Verhofstadt et de son parti, dans une moindre mesure, est parfaitement significative. ‘Pas d'aventures. Verhofstadt doit continuer.’ Est-ce là le message de l'électeur? Un choix en faveur d'un profil politique clair, même si on ne doit pas en attendre beaucoup de faveurs ni d'avantages, si ce n'est une baisse de la fiscalité envisagée pour bien plus tard? Ou un choix pour la clarté telle qu'elle se traduit dans les positions claires du Vlaams Blok sur l'épineux dossier des travailleurs immigrés? Ou l'électeur a-t-il tout simplement tenu à exprimer sa mauvaise humeur parce qu'il en a assez des tergiversations et du byzantinisme juridico-légiste de la théologie fouronnaise, dont la majorité au pouvoir tant flamande que wallonne s'était faite la grande-prêtresse pendant de longs mois? | |
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Une chose au moins a bien été mise en évidence: c'est que l'électeur belge traditionnel existe de moins en moins: il ou elle vote de plus en plus en fonction soit de ses préoccupations wallonnes, soit de ses réflexes flamands. Par conséquent, le système politique belge se verra bien contraint un jour d'admettre que les Régions et les Communautés veulent marquer de leur sceau les décisions politiques et que leurs exécutifs, dès lors, ne doivent pas nécessairement être toujours de fidèles reflets de la coalition nationale. En août 1980, les milieux politiques ont expressément voulu et instauré ces nouvelles institutions régionales et communautaires avec leur exécutif propre. L'aurait-on déjà oublié? Certains, apparemment, semblent le regretter aujourd'hui. Dans la mesure où c'était encore nécessaire, l'électorat vient de leur signifier, en ce 13 décembre 1987, que leurs regrets sont vraiment tardifs. Marc Platel (Tr. W. Devos) |
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