Septentrion. Jaargang 17
(1988)– [tijdschrift] Septentrion– Auteursrechtelijk beschermdMilieuLa mer du Nord: dernier terrain vague?A supposer qu'elle l'ait jamais été, la mer du Nord n'est certainement plus ‘le dernier terrain vague’ magnifiquement chanté par Jacques Brel dans Le plat pays. Tout au contraire, en plus des fonctions qu'elle assurait depuis longtemps - lieu de pêche et boulevard maritime par exemple -, la mer du Nord n'a cessé ces dernières décennies d'accueillir de plus en plus d'activités dangereuses pour l'environnement. Les fonctions de la mer du Nord et les menaces qu'elles comportent pour elle sont en effet nombreuses et complexes. Il y a quelque vingt ans, première mise en garde: les spécialistes craignaient que la forte progression des capacités de pêche ne conduisît à une exploitation excessive et à l'épuisement des fonds poissonneux de la mer du Nord. Cette mise en garde amena la C.E.E. à fixer des quotas de pêche par pays. | |
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Bien que ce système ne donne pas satisfaction à chacun, l'exploitation excessive du poisson n'est déjà plus depuis longtemps la seule ni même la plus importante menace à peser sur la mer du Nord: la qualité de l'eau et avec elle la qualité du poisson sont menacées par de tout autres activités encore. Il y a cette autre fonction, traditionnellement importante de la mer du Nord: son rôle de zone de transport au trafic intense, bordée de grands ports internationaux ouvrant sur un arrière-pays impressionnant d'activité économique. Ce trafic international n'a pas seulement beaucoup gagné en ampleur, il a surtout changé de nature au cours de ces dernières décennies, constituant ainsi une menace supplémentaire sur l'environnement: aux masses de déchets ‘normaux’ rejetés en mer du Nord par les navires s'ajoutent les innombrables incidents petits et grands qui se soldent par le déversement en mer de cargaisons dommageables pour l'environnement (pétrole, produits dangereux). L'accident du Mont Louis vient à nouveau d'en démontrer le risque. La mer du Nord avait depuis longtemps et a toujours, comme toutes les mers du monde, une autre fonction encore, celle de collecteur et de décharge pour toute sorte de déchets produits sur la terre ferme et en grande partie apportés par les rivières (Rhin, Escaut, Tamise, Humber, etc.) Il ne s'agit pas seulement de phosphates et de nitrates - essentiellement d'origine agricole -, mais aussi de métaux lourds, de PCB, etc. Ici aussi se superposent aux rejets ‘habituels’ une foule d'incidents: dans un article précédent, nous avons décrit les produits dangereux pour l'environnement lâchés dans le Rhin et donc en fin de compte dans la mer du Nord par la catastrophe de Bâle de novembre 1986Ga naar eind(1). Des études montrent que, du fait des courants, ces produits s'accumulent dans la Waddenzee et dans la baie d'Helgoland. On a pu mettre en évidence que les sérieuses menaces qui pèsent sur les phoques de ces secteurs sont directement imputables à la pollution. Mais il y a bien d'autres menaces encore: certains déchets produits sur la terre ferme, par exemple le dioxyde de titane et les boues des installations d'épuration sont tout bonnement rejetés en mer. En outre, des navires spécialement équipés brûlent tous les ans en pleine mer une masse de déchets chimiques qu'on estime à 100.000 tonnes. L'automne dernier encore, Greenpeace a déclenché une action contre cette pratique. Et pour couronner le tout, il y a la pollution occasionnée par plus de 150 plates-formes gazières et pétrolières de la mer du Nord: autour de chaque forage, il faut considérer que le pétrole et les débris de forage polluent très sérieusement un cercle de 500 mètres de rayon et moyennement une superficie plusieurs fois supérieure. C'est dans ce contexte que les ministres responsables des huit pays riverains de la mer du Nord ont tenu à Londres, les 24 et 25 novembre 1987, une conférence consacrée à la mer du Nord. La conférence précédente (Brême, 1984) s'était soldée par un cuisant échec si bien que personne ne nourrissait de trop grandes espérances. C'est que derrière toutes les menaces évoquées ci-dessus on trouve d'immenses intérêts nationaux: en dépit d'un certain recul, les milliers d'emplois que compte encore la pêche, la survie des firmes qui brûlent les déchets, les intérêts de l'industrie (surtout l'industrie chimique), l'importance de l'extraction pétrolière ou gazière (15% du PNB en Grande-Bretagne, près de 20% en Norvège), etc. Sur les résultats de la conférence de Londres, les avis divergent énormément: certains l'ont qualifiée de ‘rencontre historique’, d'autres parlaient de ‘la énième chance ratée’. En fait on n'est parvenu à des accords définitifs que sur deux points: l'incinération en mer doit être réduite de 65% en 1991 et complètement stoppée pour 1995, et l'immersion de déchets industriels doit cesser en 1990. Dans quantité d'autres domaines - la diminution de 50% pour 1995 des rejets par les rivières et fleuves, de l'immersion de boues et de déchets radioactifs, etc. -, on a pris beaucoup de résolutions plus vagues qui supposent une intégration préalable dans les législations des Etats nationaux et ne se prêtent guère, de surcroît, à contrôle. La mer du Nord reste donc provisoirement, mais tout autrement que ne l'entendait Brel, un ‘terrain vague’, c'est-à-dire un territoire appartenant à tout le monde et donc à personne, un ‘terrain vague de la politique écologique’. Pieter Leroy (Tr. J. Fermaut) |
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