bombe éclata. L'accès au monastère - consentant - fut barricadé, les moines furent menacés avec tout ce dont dispose un fermier pour manifester et menacer, la population se rendit en masse à la mairie située à quelques kilomètres. Et on en vint à une solide bagarre avec la police arrivée sur les lieux. Ces troubles - présentés à la télévision - eurent sur les Pays-Bas l'effet d'un électrochoc. ‘Les demandeurs d'asile étaient censés contaminés par le sida; les filles et les femmes ne pouvaient plus se promener en sécurité dans la rue, le soir, etc. etc.’
Il s'ensuivit un examen de conscience. Les événements de Stevensbeek pouvaient-ils se reproduire ailleurs?
Et l'on ne tarda pas à décocher les reproches, non plus aux habitants de Stevensbeek, mais au Ministère, qui avait eu l'inconscience de vouloir loger 300 demandeurs d'asile supplémentaires dans un village de 680 habitants, doté en tout et pour tout d'un unique café (‘aux risques impossibles à contrôler’, selon le tenancier), qui héberge déjà 160 détenus et quarante filles difficiles.
Des scènes du même genre - ‘Gesundes Volksempfinden’ (bon sens populaire) déclara-t-on - eurent lieu dans d'autres villages à centre d'accueil. A quoi s'ajoutèrent des protestations, parce que les maisons voisines des centres perdraient de leur valeur, des demandes de tests pour dépister le sida (qui se heurtèrent à un refus du gouvernement), l'instauration d'un couvre-feu pour les demandeurs d'asile, etc.
L'Institution privée OEuvre des Réfugiés marquait de la compréhension aux appréhensions légitimes de la communauté rurale; elle reprocha au gouvernement de ne pas avoir suivi les avis de l'association qui préconisait de mini-projets.
On se demanda pourquoi une commune brabançonne si hospitalière par ailleurs avait pu en venir tout à coup à de telles extrémités et à un rejet aussi brutal de réfugiés venus d'autres pays?
On peut risquer quelques explications:
- | dans le village de Stevensbeek, voisin de la frontière allemande, le bruit courait que 15% des demandeurs d'asile de la République fédérale d'Allemagne ‘échappent à l'exécution de leur peine’; |
- | ce qui se publie aux Pays-Bas sur les demandeurs d'asile de bonne et de mauvaise foi a alimenté l'idee qu'il existait des profiteurs; |
- | un groupe de Tamouls hébergés aux Pays-Bas a incendié la pension qu'on leur avait attribuée; |
- | les effets négatifs de la propagande déclenchée aux Pays-Bas contre le sida. |
Des psychosociologues portent sur ces réactions exacerbées un jugement qui n'est pas si négatif: mieux vaut maintenant une explosion de protestations que de se laisser entraîner demain dans des courants du style Le Pen. Ils préféraient parler de peur des étrangers plutôt que de haine des étrangers et faire des reproches au Ministère coupable d'avoir négligé de préparer la population des villages d'accueil à l'arrivée des étrangers.
Bref, la bagarre villageoise a ouvert les yeux au problème toujours plus brûlant que pose l'accueil des demandeurs d'asile dans un pays surpeuplé, frappé de plein fouet par la crise du logement et le chômage. Il n'empêche qu'un rapide sondage, paru dans l'Algemeen Dagblad (Journal général) du 8 octobre 1987, montre que 85% des Néerlandais acceptent d'héberger des réfugiés ‘même dans leur environnement immédiat’, à condition (déclarent 66%) qu'on limite leur nombre et qu'on les soumette à un dépistage des maladies contagieuses.
Il convient de noter par ailleurs que, sur la liste des pays d'accueil, les Pays-Bas occupent la dernière place en Europe avec 10 réfugiés pour 10 000 habitants; la Belgique la première avec 37 pour 10 000 habitants; la France héberge pour sa part 30 réfugiés pour 10 000 habitants.
Kees Middelhoff
(Tr. J. Fermaut)