bien qu'il leur soit peut-être arrivé de suivre des cours de philosophie à l'université, sont rarement préparés à ces implications philosophiques ou n'ont même aucun intérêt pour elles. Par voie de conséquence, il leur est rarement possible de faire face aux besoins et demandes philosophiques de certains élèves - souvent les meilleurs. Ceux-ci en sont réduits à rester sur leur faim.
Il est naturellement possible à de bons professeurs de grec, de latin, de religion et de morale de faire des excursus philosophiques. Mais ces pédagogues se font rares. Du reste, chez nous, un autre problème ajoute encore aux embûches que rencontre l'enseignement de la philosophie: il s'agit de la concurrence et de l'intolérance obstinées et stériles qui opposent les différentes ‘familles’ de pensée. Dans l'enseignement officiel, les défenseurs acharnés des cours de religions et de morale considéreront sans aucun doute l'introduction d'un enseignement philosophique comme une forme de concurrence, bien que nombre de parents souhaitent échapper à la catéchèse scolaire idéologisée et à la morale scolaire (rarement neutre) - alternative dans laquelle on se trouve absurdement enfermé. On semble pris d'angoisse devant la perspective d'un cours de philosophie pour ceux qui sont las de l'idéologie politisée ou même pour chacun.
Dans l'enseignement libre (catholique), la situation se présente un peu mieux pour la matière - quoiqu'il n'y ait pas lieu de pavoiser. Certes la philosophie est absente du Type II mais le Type I la prévoit comme matière à option et une vingtaine d'établissements l'ont effectivement introduite au cours des deux dernières années (cycle de détermination). La philosophie sera-t-elle maintenue plus tard dans ce Type III qu'on impose à-tout-va, on ne le sait pas pour le moment. Un groupe d'enseignants essaie de stimuler l'extension de la matière et les éditions Pelckmans (l'ex-De Nederlandsche Boekhandel) ont sorti pour la circonstance, sous la rédaction en chef de Sylvain De Bleeckere, un sympathique opuscule intitulé Het huis van de filosofie: handboek hedendaagse wijsgerige stromingen (La demeure de la philosophie: manuel des courants philosophiques actuels, 159 p.), excellemment adapté aux élèves de l'avantdernière année de l'enseignement secondaire.
Pour le moment l'enseignement de la philosophie n'existe que dans les écoles catholiques, où la catéchèse n'est pas menacée. Toutefois l'option n'est pas ouverte à chacun: elle reste réservée à ceux qui ont choisi les filières dites faibles, c'est-à-dire qui ne comportent pas ou guère de latin, de mathématiques ou de sciences. A l'arrière-plan de cette ségrégation on retrouve manifestement le préjugé erroné selon lequel la philosophie ne serait qu'un verbiage qui n'aurait pas grand-chose à voir avec la réflexion et la précision. C'est précisément cette baudruche qu'il faudrait pouvoir crever un jour en élargissant les possibilités d'étudier la philosophie.
Jacques de Visscher
(Tr. J. Fermaut)