Mireille Cottenjé (o1933) (photo A. Vandeghinste).
qui ne cessent de transgresser les tabous ou du moins ce qui en tient lieu dans la petite bourgeoisie flamande: ainsi l'aventure vitaliste mais par avance éphémère avec l'écrivain Jef Geeraerts relatée dans
Eeuwige zomer (Eternel été, 1969); ainsi le règlement de compte féministe avec un macho dans
Lava (Lave, 1973); ainsi les témoignages francs et sincères de divorcés et de divorcées dans
Met 13 van tafel (A 13 hors table, 1977) et dans
Dertien mannen van tafel (Treize hommes hors table, 1978). Dans
Muren doorbreken (Percer des murs, 1980 - il s'agit en fait d'un fragment de journal intime), elle évoque ses tentatives obstinées de sortir de taule un détenu qu'elle avait appris à connaître par les témoignages évoqués ci-dessus, et de construire avec lui une relation vouée à l'échec. Dans
De verkeerde minnaar (L'amant inverti, 1982), qui est peut-être son oeuvre la plus brillante, l'hétérosexuelle qu'elle est parle d'homosexuels avec une remarquable capacité d'entrer dans la peau de ses personnages. Voici donc que sa toute première oeuvre affronte le public francophone dans une traduction de Valentine Torck.
Journal de Carla comporte déjà tous les éléments qui caractérisent l'oeuvre de Cottenjé: une franchise qui ne recule devant aucune confidence, une analyse pénétrante du rapport homme-femme, un récit sans fioritures inutiles, une révolte contre toute forme d'atteinte à la liberté.
Dans une longue rétrospective, sans détours ni fausses pudeurs, la protagoniste repasse en mémoire, au cours même de la procédure de divorce, sa vie dans les colonies, sa passion de la liberté, son farouche amour pour ses enfants et son inflexible époux et, après leur retour forcé en Belgique, le lent naufrage de tout ce bonheur et, chez son mari, la transmutation de l'amour en froide haine.
Si son parfum de scandale s'est quelque peu éventé, Journal de Carla continue à convaincre par ses personnages de chair et de sang et sa profonde authenticité.
Jan Deloof
(Tr. J. Fermaut)
mireille cottenjé, Journal de Carla, traduit du néerlandais par Valentine Torck, La Longue Vue (La pie sur le gibet), Bruxelles, 1985, 210 p..