Littérature
Pierre H. Dubois
Pierre H. Dubois est né le 2 juillet 1917 à Amsterdam. De 1938 à 1940, il est assistant, à Bruxelles, du poète et chroniqueur Jan Greshoff, qui sera son mentor sur le plan littéraire. Il y revient en 1941, y travaille à partir de 1945 comme journaliste et correspondant de presse jusqu'en 1949. De 1952 à 1980, il dirige la rédaction artistique du journal Het Vaderland à La Haye, publiant d'innombrables articles sur les lettres, le théâtre et le cinéma tant néerlandais que français.
Auteur de huit recueils de poèmes, Dubois, poète philosophique - à l'âge de vingt ans, une crise métaphysique le détourne de son passé et de sa formation catholique - cherche à formuler le mystère de la condition humaine. Sa poésie de confession et de méditation, ‘expiration de l'âme’, de facture particulièrement intériorisée,
Pierre H. Dubois (o1917).
sobre, maîtrisée, s'efforce de cristalliser le silence, l'inexprimable qui se situe aux confins d'une conception romantique de la vie et de la découverte du vide existentiel, de traduire la résignation devant le déchirement intérieur et la nostalgie d'un ailleurs.
Fidèle au principe de personnalité cher à la revue Forum - il est un fils spirituel d'Eddy du Perron - et influencé tant par l'existentialisme français que par l'individualisme d'auteurs comme Diderot, Dubois approfondit la problématique existentielle dans cinq recueils d'essais. Il fournit un témoignage courageux d' ‘une attitude dans le temps’ (Een houding in de tijd, 1950): exploration critique de l'existence et de soi-même, véritable processus de prise de conscience. Face au doute, à l'incertitude et à l'inquiétude résultant de la situation existentielle ambivalente et paradoxale, l'écriture s'érige en expérience de la réalité et de la conscience tragique de l'existence, notion clé de toute son oeuvre. Abordant la vie sous l'angle d'un agnosticisme éthique et humaniste, l'écrivain prône la responsabilité et la dignité individuelle. Dans la quête de sa vérité, par le biais de la confrontation d'idées sur le plan politique, religieux, culturel et littéraire, il cherche lucidement à atteindre la plus grande sincérité et authenticité possible. ‘Pour moi, l'idéalisme a fait son temps, et le pessimisme est une conviction, pas une croyance. C'est à partir de ce pessimiste que j'écris, positivement et négativement. Négativement, dans la mesure où la destination de l'homme est le néant absolu; positivement, parce que je vis et que la vie, bien qu'illusion, est la seule réalité. Je crois à la vie parce que je crois au néant, et en écrivant à partir de cette croyance, je cherche l'impossible innocence de l'acte créateur’, écrit Dubois en 1967 dans une sorte de credo.
Parallèlement, Dubois double cette approche cérébrale de six romans où des thèmes personnels - frustrations de jeunesse, angoisse, morale et hypocrisie, sentiment de culpabilité et autolibération, solitude, crise d'identité, amour, vulnérabilité, tension entre la nature artistique et le bonheur quotidien - et l'imagination complètent l'exploration de l'ambivalence de l'être humain et de l'existence. Le thème du rapport entre écriture et réalité et de la vérité de l'écrivain occupe également une place centrale dans les deux derniers, Najaar (Automne, 1982) et Requiem voor een verleden tijd (Requiem pour un temps passé, 1984). ‘On peut vivre avec la réalité d'une idée, pas avec l'illusion de la réalité’.
Dubois nous livre donc une ‘oeuvre en cours de composition’, une autobiographie qui se réalise dans le processus de l'écriture, acquérant ainsi une grande unité et cohérence par-delà les genres. Sans sacrifier à la mode, au goût du succès ou aux idéologies, il s'efforce à sa manière de mettre de l'ordre dans un monde chaotique. De plus, dans une série de monographies et une magistrale biographie (Marcellus Emants, 1964), il examine comment d'autres écrivains ont conçu et agencé leur vie et leur oeuvre.
Soulignons encore que Dubois s'est très tôt intéressé au domaine littéraire français. Il a notamment traduit Georges Simenon, José Giovanni, Jacques Chabannes, Gustave Flaubert, Jean-Paul Sartre, Madame de Charrière/Belle de Zuylen. Avec son épouse