Septentrion. Jaargang 16
(1987)– [tijdschrift] Septentrion– Auteursrechtelijk beschermd
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s'appliquait à fixer sur la toile les ciels, moulins et champs de tulipes hollandais, il s'extasiait autant sur le paysage que sur les gens qui l'animaient. Dans une lettre datée du 17 juin 1871, envoyée de Zaandam (pays des moulins par excellence) à son ami Pissarro, il ne tarissait pas d'éloges sur ‘... ces si gentils Hollandais qui parlent presque tous français’. Rudy Kousbroek se plut à nous rappeler l'anecdote dans le discours qu'il prononça, fin 1986, à l'occasion de la clôture de l'importante manifestation culturelle La France aux Pays-Bas. De nos jours, un Français en visite aux Pays-Bas notera peutêtre dans sa correspondance: ‘Puisque ces si gentils Hollandais parlent presque tous l'anglais, il va falloir que je m'y mette à mon tour.’ Avant la seconde guerre mondiale, le français était enseigné dans les classes terminales de bon nombre d'écoles primaires. Dans beaucoup d'écoles privées (souvent catholiques), les garçons et les filles devaient s'en servir obligatoirement comme langue véhiculaire. Dans les écoles d'enseignement secondaire, le français, l'allemand et l'anglais - de même que, bien entendu, le néerlandais - étaient des matières obligatoires sanctionnées par un examen en fin de cursus scolaire. Le français était enseigné comme première langue étrangère, suivi de l'allemand puis de l'anglais. Au cours de la seconde guerre mondiale, le français fut détrôné au profit de l'allemand. Dès la fin des hostilités, l'anglais prit la tête du classement, suivi du français et de l'allemand en troisième position, étant entendu que les trois langues restaient des matières obligatoires, assorties d'un contrôle de connaissances. Au cours des années soixante, on assista à une refonte totale de la structure de l'enseignement (la fameuse loi mammouth). Les programmes furent sérieusement élagués et simplifiés. On offrit aux jeunes de ‘manger à la carte’. S'il n'y avait pas eu, en 1966, l'amendement Schuyt, le français n'aurait pas survécu en tant que matière obligatoire dans ce qu'on appelait les classes de transition. (Le député Willem Schuyt avait été correspondant permanent du journal De Tijd à Paris.) Au même moment, l'anglais et l'allemand se virent retirer le statut de matière obligatoire. L'initiative prise presque à titre personnel par W. Schuyt, ne résista guère à l'épreuve du temps. Le caractère obligatoire du français comme matière d'enseignement fut supprimé en 1973. Actuellement, les cours de français sont obligatoires dans les trois dernières années (4e, 5e, 6e) de l'enseignement secondaire, à raison de 3 à 4 heures par semaine (sur un total de quelque 30 heures hebdomadaires). Répartis sur moins de 3 heures par semaine, ils le sont également dans les deux premières années du MAVO (l'équivalent du premier cycle de l'enseignement secondaire en France). Toutefois, rangé parmi les matières à option, le français ne donne lieu qu'à une épreuve facultative. Comme tel, il n'est choisi que par un tiers des élèves (et par un quart seulement des élèves du MAVO). A titre de comparaison, signalons que 98% des élèves se présentent aux épreuves d'anglais, alors que 55% d'entre eux choisissent l'allemand comme matière à examen (ils étaient encore 70% à le faire en 1970). Pour l'heure, le débat est loin d'être clos. Une récente proposition de loi prévoit l'introduction de l'anglais comme matière obligatoire dans les deux dernières années de l'enseignement primaire. Par ailleurs, le nombre des langues étrangères, figurant obligatoirement au programme de l'enseignement secondaire, serait ramené de trois à deux. L'anglais deviendrait matière imposée alors qu'on aurait le choix entre le français et l'allemand comme deuxième langue étrangère. Dans le commentaire joint au texte de la proposition, on relève le passage suivant: ‘La nécessité de l'internationalisation a incité les pays européens à faire apprendre aux élèves au moins deux langues étrangères.’ L'Association des Professeurs de Langues vivantes a fait remarquer à ce propos que cet objectif ‘s'avère suffisant, s'agissant de pays tels que l'Angleterre, l'Allemagne et la France dont les ressortissants parlent une langue de grande diffusion (...). Il va de soi que pour le Hollandais le problème ne se pose pas de la même manière’. Revenons au problème du français. L'ambassade de France aux Pays-Bas, de même que l'Alliance française ne ménagent pas leurs efforts en vue d'encourager les élèves néerlandais à perfectionner leur connaissance du français. Chaque année un concours de rédaction est organisé à l'intention des élèves âgés de 12 à 15 ans et de ceux âgés de 15 à 18 ans. Vingt-cinq lauréats se voient offrir comme récompense un séjour d'une semaine à Paris. Si le français régresse dans l'enseignement, en revanche, il marque des points dans le domaine de ce qu'il est convenu d'appeler l'éducation permanente. Le cours télévisé Ça va?, spécialement conçu par Teleac pour le public néerlandais, enregistre un succès assez retentissant (17 000 familles le suivent!). Celui-ci s'explique sans doute par le fait que de plus en plus de Hollandais découvrent la France comme pays de vacances. (L'association touristique ANWB organise également des cours de français à l'intention de ses adhérents.) Les entreprises néerlandaises, de leur côté, sont bien forcées de constater que les relations commerciales avec la France battent de plus en plus de l'aile en raison d'une connaissance insuffisante du français. Les exportations néerlandaises vers la France (représentant au total quelque vingt milliards de florins) occupent la troisième place au classement, les deux principaux clients des Pays-Bas étant l'Allemagne et la Belgique. Il n'empêche, ‘l'homme d'affaires néerlandais se montre plutôt hésitant face | |
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à un marché français pourtant fort lucratif. Cela s'explique en tout premier lieu par la contrainte linguistique’, constate ANADEX, un organisme récemment mis sur pied et qui travaille en liaison étroite avec la Chambre de Commerce franco-néerlandaise. Dans certains milieux néerlandais - au demeurant très francophiles - les Français s'entendent parfois reprocher le peu d'empressement qu'ils mettent à promouvoir leur langue auprès des Hollandais. M. Kousbroek, déjà cité ci-dessus, rappela, à l'occasion de la clôture officielle de la manifestation La France aux Pays-Bas, que le Français ne s'efforce guère de venir en aide au Hollandais qui ne maîtrise qu'imparfaitement le français. Une dame, professeur de français, fit même remarquer que ‘les petits Français sucent l'arrogance, l'impolitesse et le manque d'ouverture sur le monde avec le lait maternel’. Constatation assez peu flatteuse que M. Kousbroek n'hésita pourtant pas à reprendre partiellement à son compte. ‘Il me semble’, devait-il même renchérir, ‘qu'il faut y ajouter autre chose encore: le sentiment de supériorité national, autrement dit, le chauvinisme’ (cf. le journal néerlandais NRC daté du 24/10/1986). Et dire qu'à l'époque, Monnet ne cessait de se répandre en éloges sur ‘ces si gentils Hollandais...’. Kees Middelhoff (Tr. U. Dewaele) |
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