Paul Snoek, l'insaisissable
Fils de fabricant textile, Edmond Schietekat, né le 17 décembre 1933 à Saint-Nicolas-Waes (Flandre orientale), est un élève moyen plutôt turbulent, un brin anarchiste, grand amateur de faune aquatique. Le prêtre et poète Anton van Wilderode, dans l'avant-dernière classe des humanités gréco-latines, éveille en lui une vocation littéraire. Le poète Adriaan de Roover l'initie aux poètes ‘expérimentaux atonaux’ néerlandais de la ‘génération des années cinquante’. Schietekat opte résolument pour le modernisme, lit avec voracité, s'imbibe de surréalisme, absorbe et assimile prodigieusement, se délimite un territoire poétique. Il entend conquérir sa place parmi l'avantgarde en Flandre - où le devance et trône, déjà, l'enfant prodigue Hugo Claus,... qui lui servira de rival et de repoussoir - et sera cofondateur en 1955, de la revue Gard-Sivik.
En 1954, il décroche avec mention la première candidature de droit à l'Université d'Etat de Gand - les deux années suivantes, formation littéraire et picturale autodidacte, vie estudiantine et contacts artistiques prédomineront - et publie le recueil de poèmes Archipel sous le pseudonyme de Paul Snoek - nom masculinisé de sa mère. Cinq recueils campent le poète hyperindividualiste exprimant le dégoût existentialiste de l'époque, la solitude dans un monde absurde et banal plein d'ennui et de contrainte, le désir de retour à une nature primitive, un univers extrahumain, un vitalisme marqué et une ironie fantastique. L'imagination débordante provoque des associations d'images polysémiques captées dans des rapports originaux entre les mots, dans un langage nouveau, finalité même de cette poésie.
Snoek débute comme peintre de style Cobra, effectue son service militaire auprès des Forces belges en Allemagne, à Soest et à Cologne, où il fréquente les peintres Paul Werth et Ernst Wilhelm Nay et approfondit la littérature dada. En 1958, il se révèle un vendeur charmeur et spectaculaire à l'usine paternelle, tout en vivant une période de bohème artistique et de vitalisme expansif à Anvers. De heilige gedichten (Les poèmes sacrés, 1959) achève la maturation romantique du poète en combinant, sur le ton sérieux, grotesque ou antipoétique, un règlement de compte cynique avec les valeurs traditionnelles, des intentions alchimiques sur le plan du langage et l'annonce d'une ouverture sur un monde plus vaste.
Hercules (1960) présage la renaissance, la force du poète qui, au moyen de mots-symboles, interprète la vérité cachée de la beauté, prend conscience de son génie poétique. Touchant au secret de la créativité et de la pureté cosmique, le poète inaugure une acceptation positive de la vie. Les affaires prospèrent, Snoek se marie. Richelieu (1961) est le cri de bonheur, de pouvoir, de luxe, d'amour, de glorification de soi, dans une mystique de langage à consonance métaphysique. Snoek devient père de fils jumeaux. Nostradamus (1963) est le chant triomphal, prophétique et visionnaire de la poésie hermétique. Des images pluridimensionnelles, allant jusqu'au bout des mots clés: ‘eau, ombre, lumière, obscurité, or, luxe, vérité, lointain, espace, terre, boire, porter,