Branlebas dans le monde de l'édition en Flandre
Dans notre pays, il est bien rare qu'un événement survenu dans le monde littéraire arrive à occuper la une des journaux pendant des jours voire des semaines. Mais ce qui semblait naguère encore quasiment impossible vient quand même de se produire. Au milieu du mois d'avril, on apprit que Julien Weverbergh était démis de ses fonctions de directeur des éditions Manteau. Son licenciement, ‘soudainement’ décidé par la multinationale néerlandaise Elsevier dont Manteau-Anvers (précédemment Manteau-Bruxelles) fait partie, ne passa pas inaperçu. Il fut aussitôt évident pour chacun qu'un nouvel épisode bien embrouillé allait s'ajouter à l'histoire des prestigieuses éditions Manteau - histoire qui, effectivement, comme le faisait remarquer un journal néerlandais, tient fort du vaudeville. Tout ce remue-ménage concerne le personnage contesté de Weverbergh lui-même, qui, jeune critique et polémiste à l'époque, a joué un rôle de premier plan dans la ‘stencilrevolutie’ (révolution du stencil) des années ‘60’ et s'avéra aussi par la suite ne pas détester la polémique. L'affaire est donc très délicate -nous nous en tenons ici aux faits.
En 1968, la maison d'édition qui porte le nom de sa fondatrice, Angèle Manteau, fêta en grande pompe ses trente années d'existence. Son fonds comprenait déjà alors des éditions monumentales, comme les oeuvres complètes de Karel van de Woestijne, August Vermeylen et Herman Teirlinck (auxquelles vinrent s'ajouter dans les années ‘70’ celles de Cyriel Buysse). On demanda à Weverbergh d'élargir le fonds en y faisant entrer les oeuvres expérimentales, ce qu'il fit en lançant la collection ‘Vijfde meridiaan’ (Cinquième méridien). Madame Manteau elle-même devint, à compter du 1er janvier 1971, directrice littéraire de la société d'édition Elsevier-Sequoia, fonction reprise en 1978 par l'écrivain néerlandais Wim Hazeu. En 1983, Hazeu fonda à Anvers une nouvelle maison d'édition, Hadewijch, du nom du célèbre écrivain mystique du xiiie siècle. Hadewijch est affiliée au groupe Combo, une fédération de 16 éditeurs néerlandais indépendants. Madame Manteau, après avoir rempli les fonctions de conseiller chez Hadewijch, a depuis regagné le groupe Elsevier (1985).
Et nous en venons au grand cataclysme: le licenciement de Weverbergh ne fut pas seulement suivi de remous et de réactions inquiètes (même dans les journaux néerlandais), mais aussi de bruyantes protestations (Pen-Club, Vereniging van Vlaamse Letterkundigen (Association des hommes de lettres flamands); à les en croire, cette décision mettait en péril le fonds littéraire flamand de Manteau. Réaction de Weverbergh: il consulte ‘ses’ auteurs et fonde une nouvelle maison d'édition, Houtekiet, du nom du célèbre roman de Gerard Walschap, éminence grise de la littérature flamande. Dans cette première phase, il y a trois auteurs qui ne suivent pas Weverbergh: les auteurs dits de ‘best-sellers’, Ward Ruyslinck, Jos Vandeloo et Jef Geeraerts, restent chez Man-