Le prix Constantijn Huygens.
Cette année, Pierre H. Dubois (Amsterdam,
o1917) s'est vu décerner le prix Constantijn Huygens. Cette distinction, destinée à consacrer la maîtrise révélée dans l'ensemble d'une oeuvre, est attribuée tous les ans, depuis 1947, par la Fondation Jan Campert de La Haye. Journaliste à Bruxelles de 1942 à 1949, P.H. Dubois assuma de 1952 à 1980 la rédaction artistique du quotidien
Het Vaderland, édité à La Haye tout comme son oeuvre (parue chez
Pierre H. Dubois (o1917).
Nijgh & Van Ditmar). Il débuta dans la poésie en 1941, dans l'essai en 1950 et dans le roman en 1952. Sa poésie respire un méditatif apaisement, ses essais d'une construction limpide et d'une écriture élégante sont nourris de culture française. Dans son essai en deux tomes intitulé
Schrijvers in hun landschap (Ecrivains dans leur environnement, 1971, 1977), il a suivi à la trace, dans leur propre région, nombre d'écrivains français; il a également assuré maintes traductions d'oeuvres littéraires françaises. L'important recueil d'essais que constitue
De verleiding van Gogol (La tentation de Gogol, 1976) nous révèle la fonction qu'il attribue à l'écriture, surtout dans le roman. Il considère la littérature comme une ‘faculté de s'exprimer soimême’ et comme un moyen de se libérer par l'écriture des traumatismes de sa jeunesse. Le mot-clé de ce pan de son oeuvre est ‘hypocrisie’: ‘Une grande partie de ma jeunesse a été empoisonnée par une fallacieuse morale de l'honnêteté, fondée sur une conception idéaliste de la vie’. Ses jeunes années furent dominées par l'inquiétude, l'angoisse et un sentiment désespéré d'abandon. Ce fut pour P.H. Dubois une immense libération de découvrir une issue à son total isolement dans la mise en forme des sentiments et de l'émotion. L'écriture permet l'analyse, la saisie, la mise en ordre d'un monde chaotique.
On en vient ainsi à la double question de la pensée personnelle et de la création formelle: à ce propos, P.H. Dubois nous renvoie volontiers à Gustave Flaubert et au Flamand Maurice Gilliams. Puisque sa recherche débouche sur un constat d'ignorance et d' ‘inconnaissabilité finale’, il peut seulement chercher à atteindre la splendeur du vrai (splendor veri) dans ‘l'impossible innocence de l'acte créateur’.
P.H. Dubois a derechef retenu l'attention de la critique par ses romans Najaar (Arrière-saison, 1982) et Requiem voor een verleden tijd (Requiem pour un temps passé, 1984). Le personnage principal du premier roman se retire à Venise au début de septembre pour rédiger une biographie de Steinhoff, laquelle lui servira de miroir pour tenter de se découvrir lui-même. Quand Steinhoff s'estompe, c'est aussi le protagoniste qui disparaît à ses propres yeux. La biographie (ratée) finit par devenir une (impossible) autobiographie. Dans le deuxième roman, le personnage principal renaît des cendres du passé pour accepter la vie avec patience et équanimité et pour tirer courage de sa fugacité même. P.H. Dubois aime citer André Malraux: ‘La vie ne vaut rien, mais rien ne vaut la vie’.
Hugo Bousset
(Tr. J. Fermaut)